Pourtant les modalités d’instauration et l’assiette de cette taxe présentée au printemps 2012 semblaient tellement peu abouties qu’il était évident pour la plupart des acteurs du secteur que cette idée resterait probablement au stade du projet et mettrait des mois voire des années pour germer. D’autant plus qu’il semblait peu concevable que la France prenne seule ce pari dans ce domaine qui est probablement le plus mondialisé.

D’autre part, compte tenu du timing de présentation de ce projet, trois mois avant les élections présidentielles, l’objectif est apparu comme purement électoraliste. L’occasion était trop belle de punir enfin cette « finance qui marche sur la tête ». Je me souviens encore du discours d’un acteur du secteur « Ce ne sera jamais mis en place. C’est juste un discours pour récupérer quelques pourcents auprès des électeurs du centre gauche ».

Quoiqu’il en soit notre nouveau président semble avoir décidé de conserver ce projet conçu dans la précipitation et même, dans un soucis de « justice juste », de tout simplement doubler la taxe. 

A priori à compter du 1er aout, tous les investisseurs, y compris étrangers, qui effectueront des opérations portant sur des actions d’une société française, dont la capitalisation boursière excédait 1 milliard au premier janvier de l’année en cours payeront une taxe au minimum de 0.1% du montant de l’opération. Cette taxe devrait être rapidement majorée à 0.2% ! Nous vous communiquerons prochainement la « black list » des sociétés françaises concernées.

S’il vous arrive de passer des ordres, vous pouvez reprendre votre respiration. Si vous trouvez que cette taxe est bien morale, vous allez être sacrément déçu.

Pour rappel, les objectifs sont les suivants : « décourager les mouvements spéculatifs de très court terme et renforcer la participation du secteur financier, dans la crise financière que nous traversons, à l'effort de redressement des finances publiques » (cf PLFR 2012). C'est-à-dire, dit autrement, stopper la spéculation et faire payer les traders.

En l’état, d’après nos informations, le principe retenu du fait générateur de la taxation serait le transfert de propriété d’une action d’un investisseur à un autre, constaté en fin de journée.

Dans cette hypothèse, les conséquences sont donc les suivantes :

  • Une opération au SRD n’engendre pas de transfert de propriété sauf si elle est conservée en fin de mois. Elle n’est donc à priori pas assujettie à la taxe : vive le SRD.
  • Théoriquement, un aller retour dans la journée ne devrait pas être concerné par la taxe.
  • Les méchants hedges funds de leur coté réaliseront leurs opérations via des « equity swaps », sans transfert de propriété et ne seront donc à priori pas assujettis à la taxe.
  • Les émetteurs de CFD qui donnent accès à des effets de levier importants permettent de traiter des produits de gré à gré, qui ne sont pas des actions et dont la valeur est basée sur la différence d’acquisition et de revente du contrat. Ils ne seront donc à priori pas assujettis à la taxe.
  • Le forex, marché des devises sur lequel avec un capital de 100 euros vous pouvez agir avec un capital de 4 millions d’euros, n’est tout simplement pas concerné.
  • La vente à découvert est toujours autorisée et possible…
 
Mais alors, qui seront les grands perdants de cette « juste » initiative ?

  • Toujours le même, le bon père de famille ! Et oui, le détenteur d’un compte PEA qui place uniquement ses économies dans les sociétés de notre bonne vieille Europe et soutient ainsi notre économie passe ses ordres au comptant. C’est lui qui va payer pour cette « satanée finance ».
  • La concurrence entre les courtiers en ligne traditionnels et les émetteurs de CFD ou les broker Forex va s’intensifier.
  • La liquidité du marché réglementé français devrait continuer de baisser probablement au profit de celle des « dark pool », par définition opaque.

En conclusion et à priori, plus les intervenants spéculent moins ils payent cette taxe. Ceux qui vont réellement contribuer au renflouement des caisses de l’Etat seront les actionnaires investisseurs individuels déjà en voie de disparition après 15 ans de surplace pour leur portefeuille, dans le meilleur des cas,  et sans tenir compte des impôts sur plus values payés les années positives.

Pour mettre en place cette taxe, nous allons affaiblir un pan entier de notre économie car si les acteurs traditionnels du courtage ne devraient pas collecter beaucoup de ce nouvel impôt, leur niveau de chiffre d’affaires et de rentabilité pourrait en pâtir et donc indirectement leurs contributions en termes d’impôt sur les bénéfices.
 
Que l’on soit pour ou contre l’instauration de cette taxe, les modalités de sa mise en œuvre ne devraient pas permettre d’atteindre les objectifs fixés. Ce projet ressemble plus à un plan de communication lancé initialement par la droite, qu’elle n’aurait probablement pas honoré en l’état, que la gauche s’est sentie par principe obligée de mettre en œuvre et dans des proportions plus importantes. Cette taxe paraît dans tous les cas contre productive et ne répond pas à une réelle stratégie de renflouement des caisses. Dommage…
 
La bonne nouvelle c’est que l’investisseur individuel pourrait bien finir par être totalement écœuré et à l’écart des marchés. Quand ce sera le cas, les indices marqueront des points bas historiques !