(Actualisé avec déclarations de Thiam, cours de clôture)

par Joshua Franklin et Lisa Jucca

ZURICH, 10 mars (Reuters) - Credit Suisse a annoncé mardi l'arrivée à sa tête du Franco-Ivoirien Tidjane Thiam, actuel directeur général de Prudential, au moment où la banque suisse doit faire face à de lourdes amendes aux Etats-Unis et à de nouvelles contraintes réglementaires.

L'Américain Brady Dougan, directeur général de Credit Suisse depuis 2007, laissera sa place fin juin à l'ex-ministre ivoirien, qui dirige depuis 2009 le premier assureur britannique par la capitalisation boursière.

"Avec Tidjane Thiam, c'est un leader remarquable et respecté, au bénéfice d'une réussite impressionnante dans l'industrie globale des services financiers, qui reprendra la tête de notre banque" a déclaré le président de Credit Suisse, Urs Rohner, dans un communiqué.

Il a ajouté que l'expérience internationale de Thiam, en particulier dans les activités de gestion d'actifs et de gestion privée ainsi que le développement sur de nouveaux marchés, avaient été déterminants pour sa nomination.

Tidjane Thiam s'est quant à lui employé à rassurer sur les risques liés à son manque d'expérience directe de la gestion d'une banque d'investissement.

"Je suis client de banques d'investissement depuis 20 ans", a-t-il dit à Reuters en marge d'une conférence de presse de Credit Suisse à Zurich.

"J'ai travaillé sur toutes sortes de sujets avec elles, des M&A (fusions-acquisitions) à la levée de capitaux. J'ai une expérience certaines de tout cela", a-t-il dit, ajoutant qu'il saurait poser les bonnes questions et s'entourer des bonnes personnes.

Il a rappelé que lorsqu'il travaillait pour le cabinet de conseil de McKinsey & Co, il avait aidé des banques d'investissement à se réorganiser.

"Il y a plus dans une vie et dans une carrière de 28 ans que ce que l'on peut lire dans un CV", a-t-il conclu, en précisant qu'il était trop tôt pour discuter d'éventuels changements dans les activités du groupe suisse.

L'ACTION CREDIT SUISSE BONDIT

Des appels à la démission de Dougan avaient suivi l'année dernière la conclusion par Credit Suisse d'un accord à plus de 2,5 milliards de dollars avec les autorités américaines.

La banque après avait plaidé coupable de complicité d'évasion fiscale pour des contribuables américains.

"C'est un moment idéal pour la banque comme pour moi de passer le témoin en tant que directeur général", a déclaré Dougan dans le communiqué.

Prudential a de son côté annoncé qu'un successeur à Thiam avait été identifié et serait nommé sous peu.

L'assureur britannique qui a par ailleurs fait état d'une hausse de 14% de son bénéfice d'exploitation en 2014, a perdu 3,1% mardi à la Bourse de Londres. Son cours a doublé depuis le début de mandat de Thiam, surperformant de 36% l'indice FTSE de la Bourse de Londres sur la période.

Sur le marché helvétique, le titre Credit Suisse a fini la séance sur un bond de 7,76% à 25 francs.

CAP SUR L'ASIE ?

"Credit Suisse a besoin de quelqu'un de fiable pour rebâtir la banque dans le respect des attentes des investisseurs", avait déclaré, avant la confirmation de sa nomination, un banquier d'investissement de Hong Kong qui a travaillé avec Thiam. "Cela veut dire qu'ils vont davantage se focaliser sur l'Asie."

Dougan est l'un des trois grands banquiers internationaux à être demeuré à son poste depuis la crise financière, les deux autres étant Jamie Dimon chez JPMorgan et Lloyd Blankfein chez Goldman Sachs.

Il avait obtenu le soutien du conseil d'administration de la banque après l'accord avec les autorités américaines, qui a permis à Credit Suisse de conserver sa licence bancaire dans l'Etat de New York et de préserver la confidentialité des données sur ses clients.

La stratégie de Dougan de persévérer dans la banque d'investissement avait aussi été critiquée et contrastait avec le retrait très médiatisé d'UBS de ces activités, décriées y compris en Suisse.

En dépit des difficultés récentes rencontrées par la banque, Dougan bénéficiait d'une réelle aura dans la communauté bancaire suisse et ses actionnaires lui savaient gré d'avoir su traverser la crise financière sans trop de dommages alors qu'UBS a dû être renflouée par les contribuables suisses en 2008.

L'un des banquiers les mieux payés au monde avec une rémunération annuelle atteignant 90 millions de francs suisses (85 millions d'euros) il y a cinq ans, Dougan l'avait réduite récemment dans le cadre des mesures d'économies prises pour faire face aux conséquences de l'appréciation du franc suisse.

* Le communiqué de Crédit Suisse sur la nomination de Tidjane Thiam : http://bit.ly/1NDmFec (Avec Carolyn Cohn à Londres, Denny Thomas à Hong Kong et David Henry à New York, Marc Joanny pour le service français, édité par Véronique Tison et Marc Angrand)