par Dan Levine et Mica Rosenberg

21 octobre (Reuters) - Les accusations de Donald Trump, dénonçant une élection présidentielle américaine "truquée" par le Parti démocrate, les élites et la presse, ne lui coûtent rien, en revanche faire la démonstration de ses affirmations pourrait se révéler beaucoup plus onéreux pour le milliardaire.

Après trois débats face à Hillary Clinton au cours desquels il n'est pas apparu à son avantage, le candidat républicain soutient la thèse que sa défaite annoncée le 8 novembre ne sera due qu'à une conspiration nationale.

L'homme d'affaires, rompant avec la tradition démocratique américaine, a déclaré lors du débat de mercredi qu'il déciderait au soir du scrutin s'il reconnaît ou non le verdict des urnes.

La déclaration est sans précédent dans l'histoire politique américaine mais elle n'est pas sans coût.

La demande d'un nouveau comptage des voix, en particulier dans les Etats indécis (swing states), pourrait conduire à un casse-tête administratif et judiciaire et obligerait à une procédure au cas par cas.

Ainsi la Caroline du Nord, dotée de 15 grands électeurs sur les 270 requis, semble pencher du côté d'Hillary Clinton avec une marge d'appréciation très faible. Mais les lois de cet Etat envisagent un second dépouillement que si l'écart entre les deux candidats est inférieur à 0,5 point.

Dans le Wisconsin qui incline fortement en faveur de la candidate démocrate, toute nouvelle procédure de comptage serait faite aux frais du plaignant en cas d'écart inférieur à 0,25 point, même chose dans le Colorado en cas de victoire par moins de 0,5 point.

Selon Michael Maistelman, avocat spécialiste des questions électorales, la vérification des résultats dans un bureau de 9.000 votants s'élève à près de 13.000 dollars. Pour donner un ordre de grandeur, quelque trois millions de personnes vont voter dans le seul Wisconsin, détenteur de 10 grands électeurs.

ÉQUATION À PLUSIEURS INCONNUES

Déterminer les circonscriptions et au-delà les Etats sur lesquels faire porter sa contestation relève pour Donald Trump de la quadrature d'un cercle.

La Virginie, le Colorado et le Wisconsin ne constituent pas des cibles pertinentes car l'avance d'Hillary Clinton dans ces Etats rend l'initiative sans espoir. Les choses sont moins désespérées pour Donald Trump en Pennsylvanie (-6), en Floride (-4) ou en Caroline du Nord (-2).

Face au risque d'une dispersion des procédures à l'échelon local, la meilleure option pour le républicain serait de déposer des recours mais en s'abstenant de contester, par exemple, un abus de pouvoir d'un responsable local des opérations électorales.

Les avocats de Donald Trump devraient par ailleurs rassembler suffisamment de preuves à l'appui de leurs accusations pour qu'un juge les considère comme recevables, précise Troy McCurry, ancien conseiller juridique de la Commission nationale républicaine.

Si une procédure judiciaire devait être ouverte, ses chances d'aboutir demeureraient très incertaines car l'affaire devrait être portée devant la Cour suprême qui compte actuellement huit magistrats avec un équilibre parfait (4-4) entre conservateurs et libéraux.

Les procédures de première instance que Donald Trump pourrait engager en Pennsylvanie, au Colorado et en Floride, Etats où la majorité des cours fédérales et des cours d'appel ont des juges à tendance démocrate seraient compliquées par la composition du corps magistral.

De plus, Donald Trump risque alors se heurter frontalement au Parti républicain qui l'a abandonné dans sa majorité après ses différentes déclarations tonitruantes. Le Grand Old Party hésiterait ainsi à soutenir une procédure contre le résultat de la présidentielle dans des Etats où il peut emporter les sièges au Sénat.

L'inconnue à moins de trois semaines du scrutin concerne les critères que Trump pourrait retenir à l'appui d'un recours, or le milliardaire n'a jamais apporté de précisions sur ce sujet, rappelle Stephen Zack, avocat qui représentait Al Gore lors de la contestation engagée contre le succès de George W. Bush en 2000.

Au fond, Donald Trump fait comme s'il attendait de voir comment se passent les choses et voir s'il peut provoquer une surprise, estimé Stephen Zack. (Pierre Sérisier pour le service français)