"Quels commentaires vous inspirent les performances des marchés obligataires en 2014 ?
Les performances des marchés obligataires ont été surprenantes en 2014. Fin 2013, de nombreux opérateurs sur les marchés anticipaient une année difficile. Pourtant, les performances se sont avérées plus solides de ce que beaucoup imaginaient - le taux américain à 30 ans a ainsi enregistré une performance de 30% sur l’année.

Quelle interprétation faites-vous de ces bonnes performances
?
Ces bonnes performances s’expliquent avant tout par l’action des principales banques centrales. Celles-ci ont continué de pratiquer des politiques monétaires très accommodantes en 2014 via des injections importantes de liquidités, situation qui a contribué à maintenir les taux réels à des niveaux très bas. Or, compte tenu des fondamentaux économiques aujourd’hui, les taux devraient être en train de remonter. Nous sommes clairement sortis du paradigme classique selon lequel les taux nominaux des obligations souveraines doivent correspondre peu ou prou aux niveaux de croissance du PIB.

Votre gestion n’a-t-elle pas pâti de ces mauvaises anticipations de la direction des taux
?
La stratégie basée sur la direction des taux est une parmi d’autres au sein de notre portefeuille. Par ailleurs, puisqu’il nous était compliqué de définir avec précision le timing de la hausse des taux que nous envisagions, nous avions fait le choix certes d’être sous pondérés en termes de duration - une évaluation qui s’est par la suite révélée infructueuse - néanmoins nous avons également protégé nos positions grâce à une stratégie d’aplatissement de la courbe. Dit autrement nous avions vendu la partie 2 ans et acheté la partie 7 ans puis 30 ans. La partie longue de la courbe ayant surperformé sur l’année 2014, les pertes ont ainsi été limitées.

Avez-vous été amenés à procéder à un ajustement de votre positionnement en cours d’année ?

Nous avons maintenu nos positions initiales dans les portefeuilles. En premier lieu parce que notre approche est un peu moins directionnelle que d’autres maisons. Nous mettons l’accent sur des thématiques d’investissement que nous estimons susceptibles de générer de la performance. Ensuite, nous sommes sur un horizon d’investissement relativement long, de 6 à 12 mois. Or, il était clair dans notre scénario que la reprise de l’économie américaine allait gagner en vigueur et que tôt ou tard la Fed finirait par relever ses taux directeurs. L’accélération de l’inflation salariale à partir de septembre nous a renforcés dans cette idée.

Qu’attendez-vous de la part des deux grandes banques centrales des deux cotés de l’Atlantique ?
Nous anticipons une action de la Fed au deuxième trimestre 2015 sous la pression de la hausse des salaires qui devrait alors l’emporter sur l’impact désinflationniste du recul du prix du pétrole, ce dernier étant qualifié de temporaire par la présidente de la Fed, Janet Yellen.
La croissance modérée de la productivité à venir devrait limiter cette hausse des taux comparativement à la période prévalant avant la crise de 2008. La Fed devrait commencer avec une hausse de 25 points de base et attendre entre deux et trois réunions du Federal Open Market Committee (FOMC) avant d’envisager une nouvelle augmentation de 25 points de base supplémentaires. In fine, les taux directeurs américains (les « Fed Funds ») devraient s’établir autour de 2,25% en 2016. S’agissant des taux à dix ans, nous les voyons monter entre 3 et 3,25%.

La croissance atone, la hausse du chômage et la persistance des pressions déflationnistes devraient pousser la Banque Central Européenne (BCE) à garder ses taux directeurs proches de 0 durablement et à lancer son programme d’achat de titres souverains. Le risque italien, espagnol et portugais devraient ainsi être remplacés par du risque allemand. Nous devrions ainsi observer une hausse des taux allemands et une baisse des taux de certains pays périphériques. Une convergence entre les taux devrait ainsi se dessiner.

D’aucuns craignent un programme de quantitative easing (QE) a minima ?
Un compromis politique a minima est effectivement une possibilité. Le rythme du programme d’achat d’obligations sécurisées, conduit ces derniers mois par la BCE, nous laisse penser que la Banque centrale procédera par étape dans la mise en place d’un programme de QE à l’européenne. Ceci étant la BCE se doit de maintenir l’euro à la baisse pour aider la compétitivité des sociétés exportatrices européennes.

L’agissement de la Fed devrait avoir pour effet une intensification de la volatilité sur les marchés cette année ?

C’est ce que nous prévoyons. Cette intensification de la volatilité ne devrait pas se ressentir uniquement sur le marché obligataire mais aussi sur le marché des devises et le marché des actions.

Qu’entrevoyez-vous sur le marché du crédit ?
Sur le marché du crédit, le spread entre les obligations Investment Grade (IG) et les obligations High Yield (HY) devrait continuer à se resserrer. Il va falloir redoubler de vigilance pour bien gérer la liquidité. Sur le marché du crédit en dollar, on recense plus de 6000 milliards de dollars d’obligations IG et HY. L’inventaire dans les banques d’investissement est estimé autour de 55 milliards. Il y a donc un décalage énorme entre la liquidité disponible sur le marché et le volume des teneurs de marché. Par ailleurs les investisseurs institutionnels et privés sont plutôt surpondérés sur les obligations d’entreprises. Ils vont probablement vouloir alléger leurs positions une fois que la Fed aura relevé ses taux. Par conséquent une exposition au marché du crédit pourrait être plus risquée en 2015.

Egalement dans la zone euro ?
Les incertitudes sont plus importantes sur le marché du crédit américain qui est actuellement plus tendu. Toutefois, les marchés ne sont pas compartimentés et bien que le contexte économique dans la zone euro soit foncièrement différent de celui qui domine aux Etats-Unis et malgré la divergence de démarche entre la BCE et la Fed, un effet de contagion est à attendre. La performance du marché du crédit européen devrait être plus importante in fine que celle du marché du crédit américain, mais la volatilité devrait être tout aussi significative.

Qu’en est il de votre allocation d’actifs du moment ?
Dans nos portefeuilles globaux, nous avons peu de risque crédit américain actuellement. Nous sommes sous pondérés en termes de duration, donc en termes de risque de taux d’intérêt.
Pour l’Europe, nous sommes neutres en duration pour les taux. Concernant le crédit, nous préférons acheter le crédit britannique et utiliser une stratégie de couverture contre le risque de devise sur la livre sterling que d’acheter le crédit de la zone euro qui nous parait cher.
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