(Actualisée avec communiqué News Ltd 5e §)

par Sonali Paul

MELBOURNE, 28 mars (Reuters) - Déjà fragilisé par le scandale des écoutes téléphoniques clandestines en Grande-Bretagne, News Corp, le groupe de médias de Rupert Murdoch, est au centre de nouvelles accusations lancées en Grande-Bretagne et en Australie.

Cette nouvelle affaire porte sur les agissements présumés d'une filiale du groupe qui aurait eu pour mission de favoriser le piratage de chaînes de télévision payante concurrentes.

L'Australian Financial Review écrit mercredi que News Corp s'est servi d'Operational Security, filiale créée au milieu des années 1990, pour saboter ses concurrents. L'émission Panorama, diffusée en Grande-Bretagne par la BBC, avait déjà fait état de soupçons similaires.

"Il s'agit d'allégations sérieuses, et toute allégation d'activité délictueuse doit être transmise à la police fédérale australienne", a déclaré à Reuters une porte-parole du ministre australien de la Communication, Stephen Conroy.

News Ltd, la branche australienne de News Corp, a condamné mercredi ces accusations.

"Cette histoire est pleine d'inexactitudes factuelles, de références imparfaites, de conclusions fantaisistes et d'accusations sans fondement, qui ont été rejetées par des tribunaux étrangers", peut-on lire dans un communiqué.

Operational Security était une branche de NDS, filiale de News Corps spécialisée dans le cryptage des signaux, une activité cruciale pour les chaînes de télévision payante.

Depuis la diffusion du reportage de Panorama, NDS a démenti "avoir jamais été en possession de codes à des fins de promouvoir le piratage" et News Corp, qui l'a vendue ce mois-ci à Cisco Systems pour cinq milliards de dollars, a dit accepter "pleinement" les assurances fournies par son ancienne filiale.

HACKERS ET ANCIENS DU RENSEIGNEMENT

Mais selon l'Australian Financial Review, les employés d'Operational Security, d'anciens policiers ou agents du renseignement, auraient recruté des "hackers" informatiques pour décrypter les codes des cartes d'accès fournies par des chaînes payantes concurrentes à leurs abonnés. Ces codes auraient ensuite été vendus sur le marché noir via des "yes cards" permettant de suivre les programmes de chaînes cryptées sans débourser le moindre centime.

L'Australian Financial Review évoque un manque à gagner se chiffrant en millions de dollars et affirme que ces agissements ont réduit la valeur de concurrents comme DirecTV aux Etats-Unis ou Telepiu en Italie, ancienne filiale de Canal Plus , facilitant leur rachat à bas coût par News Corp.

Ces accusations font écho au reportage diffusé lundi par la BBC dans le cadre de son émission documentaire. Selon les journalistes de Panorama, NDS aurait recruté un consultant pour diffuser via son site internet les codes d'accès à ITV Digital, une concurrente de Sky TV, chaîne qui appartenait alors à Murdoch.

ITV Digital, qui a accumulé les difficultés dès son lancement (rivalités entre actionnaires, absence de programmes phares, guerre des prix avec BSkyB), a disparu en 2002.

"Ces allégations, si elles sont avérées, sont les plus graves à ce jour", a commenté le député britannique Tom Watson, qui a saisi l'Ofcom, l'autorité britannique de régulation des médias et de la communication. "Si ce que Panorama dit est vrai, cela suggère l'existence d'une conspiration mondiale pour nuire à une grande entreprise britannique, ITV Digital", a-t-il dit mardi à Reuters.

UNE PLAINTE DE CANAL PLUS ABANDONNÉE EN 2003

L'Australian Financial Review, qui appartient à Fairfax Media, un rival de News Corp en Australie, dit s'appuyer notamment sur 14.400 courriers électroniques retrouvés sur le disque dur d'un ordinateur portable qu'utilisait Ray Adams, responsable pour l'Europe de NDS Operational Security de janvier 1996 à mai 2002.

"Rien ne suggère que Sky ou News Corp savait ce que faisait NDS. Mais si tout ceci est avéré, le groupe News Corp se retrouvera une nouvelle fois accusé de se comporter de façon rien moins qu'appropriée", estime Steve Hewlett, consultant spécialisé dans les médias.

Par le passé, NDS a déjà fait l'objet de plusieurs plaintes judiciaires pour piraterie présumée.

En 2002, Canal Plus avait réclamé 3 milliards de dollars de dommages et intérêts. Le groupe français, qui avait fourni à ITV Digital ses technologies de cryptage du signal, accusait NDS d'avoir "craqué" les codes et de les avoir fait fuiter sur internet.

Canal Plus a renoncé à son action en justice en 2003, lorsque News Corp a racheté à Vivendi, la maison-mère de Canal, la chaîne de télévision italienne Telepiu, rebaptisée Sky Italia.

Dans les autres dossiers judiciaires, NDS a été largement exonérée des faits qui lui étaient imputés et a même obtenu ce mois-ci 19 millions de dollars de dédommagement après le rejet d'une plainte émanant du fournisseur américain de télévision par satellite EchoStar et de la société suisse de sécurité numérique Kudelski. (avec James Grubel, avec Georgina Prodhan à Londres; Henri-Pierre André et Benjamin Massot pour le service français)