PARIS, 7 décembre (Reuters) - Emmanuel Macron et le gouvernement jouent gros samedi lors du quatrième week-end consécutif de manifestations des "Gilets jaunes", avec l'obsession d'éviter de nouvelles violences pour redevenir audible et prendre le chemin de la concertation.

L'exécutif a fait monter vendredi les enchères, à la veille de ce rendez-vous qui mobilisera 89.000 membres des forces de l'ordre pour éviter la répétition des violences qui ont dévasté les beaux quartiers de Paris samedi dernier.

"Ces trois dernières semaines ont fait naître un monstre qui a échappé à ses géniteurs", a déclaré le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, lors d'une conférence de presse au cours de laquelle il a appelé au "respect du droit".

Même s'il estime que le mouvement ne réunit plus qu'une "petite minorité" dans toute la France et s'il a prédit que la manifestation de Paris ne réunirait que "quelques milliers de personnes", une violence extrême est redoutée.

Dans la capitale, nombre de commerces se sont claquemurés derrière des barricades ou ont annoncé leur fermeture, comme les Galeries Lafayette, à deux semaines des fêtes de Noël cruciales pour leur chiffre d'affaires, de même que plusieurs musées, des mesures sans précédent dans l'histoire récente.

A l'incertitude planant sur le degré de violence qui régnera dans les manifestations des "Gilets jaunes" s'est ajoutée cette semaine la mobilisation des lycéens qui pourrait compliquer la tâche des forces de l'ordre samedi.

Au total, quelque 700 lycéens ont été interpellés jeudi en France, a-t-on précisé à Reuters de source policière, et des images de l'interpellation musclée de 151 jeunes à Mantes-la-Jolie (Yvelines) ont suscité des réactions indignées.

Ces images diffusées sur les réseaux sociaux montrent des dizaines de jeunes à genoux, mains derrière la nuque ou menottées dans le dos, parfois alignés contre un mur, sous la garde de policiers casqués en tenue anti-émeute.

Mais si Christophe Castaner a promis toute la transparence, il a estimé que l'action des forces de l'ordre avait été justifiée par la présence d'une "centaine d'individus encagoulés, armés de bâtons et d'engins incendiaires", qui se sont livrés à de "véritables violences urbaines".

SOUTIEN AU MOUVEMENT EN BAISSE

Sur le plan politique, l'exécutif espère que la mobilisation se passera sans trop de heurts et sera encore en baisse, le soutien des Français étant pour la première fois depuis le début du mouvement en chute, et fortement.

Le gouvernement tente de trouver des leviers pour apaiser les colères et évacuer des sources de mécontentements après avoir posé de coûteux gestes d'apaisement, dont l'annulation de la hausse de la fiscalité sur les carburants.

Le Premier ministre, Edouard Philippe, devait recevoir des membres du mouvement vendredi soir, a annoncé Benjamin Cauchy, un des porte-parole des "Gilets jaunes libres" qui entendait notamment lui demander "une redistribution juste des richesses".

L'espoir du gouvernement est de pouvoir entamer dans un climat apaisé la "concertation" prévue du 15 décembre au 1er mars partout en France pour évoquer tous les sujets.

Mais les concessions faites par le pouvoir commencent à inquiéter les milieux patronaux, déjà alertés par l'impact économique de plus en plus lourd du mouvement.

Les entreprises sont en train de devenir les "boucs émissaires" de "la révolte fiscale", a ainsi estimé vendredi le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, mettant en garde contre toute tentation de faire peser sur les entreprises l'abandon de la hausse de la taxe carbone.

Pour tenter de compenser cette perte, l'exécutif réfléchit à plusieurs pistes. Selon Les Echos, il envisagerait entre autres de faire une pause dans sa volonté de ramener le taux de l'impôt sur les sociétés (IS) à 25% à l'horizon 2022.

Pour les syndicats, en tout cas, c'est bien l'augmentation des salaires qui doit être au centre des négociations et les autres dossiers, comme la réforme de l'assurance chômage, doivent faire l'objet d'une pause.

Quant à Emmanuel Macron, ce n'est qu'au début de la semaine prochaine qu'il prendra la parole, a dit son entourage. (Yves Clarisse avec Service France, édité par Elizabeth Pineau)