par James Pomfret et Benjamin Kang Lim

HONG KONG/PEKIN, 29 juin (Reuters) - Lorsque Hong Kong a été restitué à la Chine le 1er juillet 1997 après 156 ans de présence britannique, Pékin avait promis que l'octroi du suffrage universel à l'ancienne colonie serait un "objectif ultime" dans le cadre du principe "un pays, deux systèmes" négocié avec Londres.

Mais vingt ans plus tard, des sources haut placées à Pékin comme à Hong Kong soulignent que cela ne se produira pas.

La Chine a proposé en 2014 une réforme électorale contestée, autorisant certes la tenue d'une élection directe à Hong Kong mais restreignant le choix à des candidats pré-sélectionnés par Pékin.

Les parlementaire pro-démocrates du Conseil législatif, le Parlement du territoire, ont posé leur veto à cette réforme, qualifiée de "fausse démocratie" par le mouvement démocrate. Aussi la nouvelle dirigeante de la "région administrative spéciale", Carrie Lam, qui prendra officiellement ses fonctions samedi, a-t-elle été choisie en mars dernier par un collège électoral restreint noyauté par les loyalistes pro-Pékin.

"Il n'y aura pas de seconde chance", dit une source à Pékin proche des autorités chinoises. "Nous ne pouvons pas nous permettre de faire et refaire sans cesse cela. C'est trop douloureux, et c'est une perte de temps et de moyens", ajoute cette source sous couvert d'anonymat compte tenu de la sensibilité du sujet.

A Hong Kong, un haut responsable confirme que même si la Chine changeait d'avis, elle ne céderait pas sur son exigence de présélectionner les candidats, fermant de fait la porte à des prétendants pro-démocrates.

"Un chef de l'exécutif démocratiquement élu qui n'aurait pas de bons rapports avec le gouvernement central serait un désastre pour Hong Kong. Cela mènerait à une impasse. La population hongkongaise en souffrirait", reprend la source à Pékin.

Aucune réaction n'a pu être obtenue pour les besoins de cet article auprès du Bureau des affaires de Hong Kong et de Macao, rattaché au Conseil d'Etat chinois.

Mais les autorités chinoises affirment de longue date qu'elles respectent le "haut degré d'autonomie" de Hong Kong et qu'elles soutiennent une évolution démocratique légale et progressive vers l'instauration d'un suffrage universel.

RADICALISATION

Cité lundi par les médias officiels chinois, le président Xi Jinping, qui assistera aux festivités prévues samedi pour le 20e anniversaire de la rétrocession, a redit que le principe "un pays, deux systèmes" demeurait la meilleure manière de garantir à long terme la prospérité et la stabilité de Hong Kong et s'est engagé à le faire respecter "indéfectiblement".

Pour les 7,3 millions de Hongkongais, la lutte pour une démocratie pleine et entière est une question déterminante.

Elle a semé la méfiance entre le territoire et la Chinois, polarisé le débat politique interne, gêné le gouvernement et conduit à des manifestations massives, notamment en 2014 lors des 79 jours du mouvement Occupy Central (le nom du quartier des affaires), ou "révolte des parapluies", qui a échoué à arracher des concessions démocratiques aux autorités hongkongaises et chinoises.

Cependant, au fil de cette mobilisation, une génération de jeunes militants s'est radicalisée, certains allant jusqu'à réclamer l'indépendance.

En novembre dernier, deux élus pro-indépendantistes, Yau Wai-ching et Baggio Leung, ont été destitués du Conseil législatif. Puis, en mars, la police de Hong Kong a arrêté neuf activistes impliqués dans le mouvement de 2014.

Les spécialistes de la Chine voient dans le durcissement de Pékin à l'égard du "rocher" un prolongement de la politique de répression menée contre les cercles dissidents en Chine continentale depuis l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping, il y a cinq ans.

A cette aune, l'expérience démocratique à Hong Kong, où les libertés individuelles sont plus étendues que sur le continent, serait un test de la tolérance du pouvoir central à d'éventuelles réformes politiques en Chine même.

LOBBYING DIPLOMATIQUE

Dans la "région administrative spéciale", la répression menée contre les activistes de même que des querelles internes entre les différents groupes du mouvement ont considérablement freiné les appétits pro-démocrates.

Mais le mouvement a récemment renoué avec ses tentatives d'engagements internationaux, notamment avec Washington, où Joshua Wong, 20 ans, figure du mouvement de 2014, et Martin Lee, 79 ans, un vétéran du mouvement démocrate, se sont rendus le mois dernier.

Devant une commission du Congrès, tous deux ont déclaré que le "haut degré d'autonomie" promis à Hong Kong s'était érodé ces vingt dernières années.

Joshua Wong, passible d'une peine de cinq ans de prison pour rassemblement illégal, s'est aussi rendu dernièrement à Taïwan et doit poursuivre au Japon le mois prochain son travail de lobbying diplomatique. "Je suis véritablement optimiste et je crois qu'à l'avenir, nous pourrons bénéficier de soutien transpartisan tout autour du monde", a-t-il dit.

Mercredi, avec plusieurs partisans de la démocratie, Joshua Wong a été arrêté et emmené par la police de Hong Kong. Ils s'étaient réunis près d'un monument commémorant la rétrocession du territoire.

Et des dizaines de milliers de manifestants pro-démocratie sont attendus samedi dans les rues de Hong Kong.

"Il est temps que la population de Hong Kong jouisse de la démocratie et du suffrage universel", déclarait Joshua Wong dernièrement.

Pékin, affirme Martin Lee, s'efforce d'"éteindre le feu de la démocratie qui couve dans les coeurs des jeunes générations".

"Si je devais mourir aujourd'hui, ajoute-t-il, Hong Kong irait bien avec de jeunes leaders comme ceux-là."

(avec Venus Wu à Hong Kong, Jessica Macy Yu à Taiwan et Elaine Lies à Tokyo; Henri-Pierre André pour le service français)