Christine Lejoux,

Agefi-Dow Jones

PARIS (Agefi-Dow Jones)--Alors que jeudi sonnera le trentième anniversaire du krach survenu à Wall Street le 19 octobre 1987, la Bourse de New York poursuit son inexorable ascension malgré une valorisation tendue. Lundi, ses trois principaux indices ont clôturé à de nouveaux sommets historiques, le Dow Jones Industrial Average (DJIA) étant tout proche de franchir le seuil des 23.000 points pour la première fois de son histoire. Ces records portent la progression du DJIA à 16% depuis le début de l'année, le Nasdaq Composite et l'indice élargi S&P 500 affichant de leur côté des gains de 23% et de 14%.

Le S&P 500 se traite ainsi sur la base d'un PER (price earning ratio, rapport cours sur bénéfice par action) de 18 pour les douze prochains mois, selon FactSet. L'indice élargi n'avait plus atteint une valorisation aussi élevée depuis le 18 juin 2002. Ce qui, à l'aube des 30 ans du "Black Monday", soulève "sur le marché des inquiétudes quant à la valorisation de certaines actions", souligne le fournisseur de données financières. Plus globalement, de Robeco à Pictet en passant par Invesco ou Lyxor Asset Management, nombre de sociétés de gestion d'actifs jugent le marché d'actions américain cher.

Des fondamentaux robustes

Pour autant, amorcé il y a près d'un an, dans le sillage de l'élection de Donald Trump et de ses promesses de relance budgétaire, le rally de Wall Street - également soutenu par les bons résultats des entreprises - ne montre pas de signe d'essoufflement. "Les prémices d'une correction ou d'une consolidation ne sont pas encore visibles" souligne Andréa Tueni, analyste chez Saxo Banque. La Bourse de New York avait certes accusé le coup de la joute verbale entre Washington et Pyongyang cet été, au sujet de la question nucléaire, mais les investisseurs ont profité de cet accès de faiblesse pour acheter des actions américaines à bon compte, observe Robeco.

Si les opérateurs de marché ont saisi cette opportunité, c'est évidemment parce que Wall Street ne semble pas avoir épuisé son potentiel de hausse. "Les valorisations des actions américaines sont tendues mais des fondamentaux robustes nous conduisent à maintenir notre recommandation "neutre" (sur ce marché)", écrit Lyxor AM. A l'appui de son propos, la société de gestion d'actifs cite un consensus selon lequel les bénéfices par action des sociétés composant le S&P 500 devraient bondir de 19% au premier trimestre de l'année 2018, stimulés, notamment, par la vigueur de l'économie mondiale et par la baisse du dollar.

Des freins théoriques au rally

Les freins potentiels à la poursuite du rally de Wall Street demeurent par ailleurs très théoriques. Sur le papier, la réduction de son portefeuille d'actifs de 4.500 milliards amorcée par la Réserve fédérale (Fed) ce mois-ci est synonyme de désengagement de la politique monétaire ultra-accommodante qui a soutenu le marché ces dernières années. Mais la banque centrale américaine a pris bien soin de prévenir que cette diminution de son bilan serait "aussi ennuyeuse que de regarder la peinture sécher sur un mur", afin de ne pas déstabiliser les investisseurs.

Quant à la politique de relance budgétaire promise par l'administration Trump, elle a enfin connu un coup d'accélérateur le 27 septembre, avec la présentation du projet de réforme de la fiscalité. Très attendu, celui-ci doit notamment permettre de baisser de 35% à 20% le taux de l'impôt sur les sociétés (IS). Selon David Kostin, responsable de la stratégie sur les actions américaines chez Goldman Sachs, un taux d'IS de 20% à 25% pourrait accroître la rentabilité des fonds propres des sociétés du S&P 500 de 50 à 100 points de base, en moyenne.

Un PER encore loin du pic de l'année 2000

"Nous ne sommes certainement pas les premiers (ni les derniers) à citer Dark Vador mais sa réplique "c'est à croire qu'il est protégé par la force" semble particulièrement appropriée pour décrire le rally actuel sur le marché d'actions" américain, résume Lukas Daalder, directeur de l'investissement chez Robeco, pour qui "les actions américaines sont chères mais conservent une dynamique digne de Star Wars."

Lukas Daalder va encore plus loin, pointant du doigt un paradoxe selon lequel même "en cas de correction des marchés boursiers, il vaudra probablement mieux détenir des actions américaines, car elles dévisseront moins que celles d'autres régions." Cela avait été le cas lors d'événements affectant pourtant principalement les Etats-Unis, à l'image des attentats du 11 septembre 2001 et de la crise des subprimes (crédits hypothécaires américains à risque) de 2007.

Une remontée encore un peu plus lointaine dans l'histoire montre en outre que le PER du S&P 500 demeure encore loin de son niveau de 24,4 atteint en 2000, à l'aube de l'éclatement de la bulle internet.

-Christine Lejoux, Agefi-Dow Jones ; 33 (0)1 41 27 48 14 ; clejoux@agefi.fr ed : ECH