Francfort (awp/afp) - La Banque centrale européenne ne voit pas l'inflation en zone euro rejoindre son objectif d'ici 2020, malgré l'optimisme accru qu'elle a affiché jeudi sur la croissance, une raison de poursuivre son vigoureux soutien à l'économie.

Pour le cinquième trimestre d'affilée, la BCE a rehaussé ses prévisions en zone euro et table désormais sur une hausse du produit intérieur brut de 2,4% en 2017, 2,3% en 2018 et 1,9% en 2019, contre respectivement 2,2%, 1,8% et 1,7% dans ses dernières projections de septembre.

En 2020, le rythme de croissance devrait poursuivre son ralentissement à +1,7%, en raison selon la BCE de la réduction progressive des effets de sa politique monétaire ultra accommodante.

Mais cette conjoncture, si solide soit-elle, peine toujours à faire remonter l'inflation au niveau défini dans le mandat de la banque centrale européenne, c'est à dire "proche" de 2%, "mais en-dessous de 2%", en glissement annuel,sur le moyen terme.

L'institution a certes légèrement relevé sa prévision d'évolution des prix pour 2018, à 1,4% contre 1,2% auparavant, tout en gardant inchangées ses estimations pour 2017 et 2019, toutes deux à 1,5%.

Mais sa première prévision pour 2020, très attendue des observateurs, est une inflation de 1,7%, montrant que le retour de cet indicateur au niveau visé par la BCE prendra du temps.

DÉSARROI

L'important "est plutôt de voir à quel rythme l'inflation converge" vers l'objectif, s'est efforcé de nuancer M. Draghi, interrogé sur la faiblesse persistante de l'évolution des indices de prix.

En cause, selon lui, la faible dynamique des salaires malgré l'amélioration continue de l'emploi et de la meilleure utilisation des capacités de production.

Cette réponse, "comparée à d'autres (cycles de) reprises économiques, semble beaucoup plus lente que par le passé", a-t-il reconnu, reflétant le désarroi des banquiers centraux face à une tendance de fond qui touche aussi d'autres zones économiques.

M.Draghi a toutefois répété que l'inflation devrait finir par retrouver son lien classique avec la croissance, sans toutefois s'aventurer à dire à quel horizon.

Face à ce tableau mitigé des perspectives économiques, la BCE a maintenu comme prévu sa politique monétaire actuelle, faite de taux directeurs au plus bas et de rachats de dette publique et privée.

Le principal taux de refinancement demeure à zéro, pour favoriser la distribution du crédit dans l'économie, et les banques vont continuer à payer un intérêt négatif de 0,40% pour les liquidités dont elles n'ont pas d'utilité immédiate.

La BCE a également confirmé la réduction, annoncée en octobre, de son vaste programme de rachats de dette publique et privée, le "QE", d'un rythme de 60 milliards d'euros à 30 milliards d'euros mensuels de janvier à septembre 2018, voire "au-delà si nécessaire".

"Un degré élevé de stimulation monétaire demeure indispensable" pour soutenir l'inflation, en particulier sa composante la moins instable calculée hors alimentation et énergie, a résumé M. Draghi.

DÉCALAGE AVEC LA FED

La BCE a une nouvelle fois montré jeudi qu'elle ne comptait ni arrêter abruptement le QE, ni remonter subitement ses taux d'intérêt, ce qui pourrait alimenter la hausse de l'euro et s'avérer contre-productif pour les prix.

Il reste aussi acquis que les taux d'intérêt ne devront remonter que "bien après" la fin des rachats d'actifs, ce qui reporterait à 2019 un tel tour de vis, selon la majorité des projections.

En conservant une ligne à la fois accommodante et flexible, la BCE reste donc en décalage avec son homologue américaine, la Réserve Fédérale américaine (Fed), qui a décidé mercredi de relever ses taux et envisagé trois nouvelles hausses l'an prochain.

La reprise économique aux Etats-Unis est certes moins forte que celle vécue en Europe, mais elle en est "à un stade plus avancé" a justifié M. Draghi, surtout au regard de la question cruciale de l'évolution des salaires.

Après le statu quo observé jeudi, la BCE pourrait"adapter progressivement son langage lors des prochaines réunions afin d'ouvrir la voie à une sortie en douceur de sa politique extraordinairement souple", a affirmé Holger Schmieding, économiste chez Berenberg Bank.

afp/jh