* Lagarde conteste sa mise en examen et exclut de démissionner

* Le Conseil d'administration du FMI va devoir se prononcer (Actualisé avec contexte, autres citations)

par Chine Labbé

PARIS, 27 août (Reuters) - Christine Lagarde a été mise en examen mardi soir pour négligence d'une personne dépositaire de l'autorité publique dans l'enquête sur l'arbitrage dont a bénéficié Bernard Tapie en 2008 mais elle a exclu de démissionner de son poste au FMI.

La directrice générale du Fonds monétaire international, qui était jusque-là témoin assisté dans ce dossier, a annoncé mercredi qu'elle avait chargé son avocat de faire appel.

"La commission (d'instruction de la Cour de justice de la République) s'est rendue à l'évidence que je n'avais été complice d'aucune infraction et a donc été réduite à alléguer que je n'aurais pas été suffisamment vigilante lors de l'arbitrage", a-t-elle déclaré à l'AFP TV.

"J'ai demandé à mon avocat d'exercer tous les recours contre cette décision que je considère comme totalement infondée", a-t-elle ajouté, précisant qu'elle allait rejoindre Washington dès mercredi.

Dans un communiqué, le porte-parole du FMI, Gerry Rice, s'est refusé à tout autre commentaire. "La directrice générale fera évidemment un compte-rendu au conseil d'administration dès que possible", a-t-il précisé.

Me Yves Repiquet, avocat de Christine Lagarde, estime que son chef de mise en examen est "très mineur". "Il s'agit d'un délit non intentionnel", a-t-il dit à Reuters.

L'ancienne ministre des Finances de Nicolas Sarkozy, qui a été longuement entendue mardi à la Cour de justice de la République (CJR), est "extrêmement combative" et n'entend pas démissionner de son poste, a expliqué un de ses proches.

CONFIANCE DU CONSEIL D'ADMINISTRATION ?

L'enquête la visant devant la CJR, seule habilitée à juger les délits commis par des membres de gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions, était initialement ouverte pour complicité de faux et de détournement de fonds publics.

Avec la négligence, "on passe au cran très en dessous", dit Yves Repiquet. "Une mise en examen de cette nature, ça ne peut pas justifier une démission."

Le conseil d'administration du FMI devra toutefois décider s'il renouvelle ou non sa confiance à sa directrice générale, qui a succédé en 2011 à Dominique Strauss-Kahn après que celui-ci eut démissionné à la suite de l'affaire du Sofitel de New York dans laquelle il a bénéficié d'un non-lieu au pénal.

En mai 2013, lorsque Christine Lagarde avait été placée sous le statut de témoin assisté, et à plusieurs reprises depuis, le conseil d'administration lui avait maintenu sa confiance et dit croire en "sa capacité à mener à bien ses fonctions".

Une source au sein de l'institution avait toutefois indiqué que le FMI devrait revoir sa position si la procédure devant la CJR venait à l'empêcher d'exercer son mandat.

Le FMI est traditionnellement dirigé par un Européen et cinq des huit derniers directeurs généraux étaient Français. Mais les grands pays émergents contestent cette tradition, estimant qu'elle pourrait saper à terme la légitimité de l'institution.

Le numéro deux du FMI, l'Américain David Lipton, serait sans doute amené à reprendre les fonctions de Christine Lagarde si elle ne pouvait plus assurer ses fonctions.

La peine encourue pour négligence est d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende.

UN ARBITRAGE A 403 MILLIONS D'EUROS

C'était la quatrième fois qu'était auditionnée mardi celle qui a choisi l'arbitrage privé pour solder le litige opposant l'homme d'affaires Bernard Tapie au Crédit lyonnais pour la revente de l'équipementier sportif Adidas.

Elle avait été placée sous le statut de témoin assisté en mai 2013, de nouveau entendue en janvier dernier et confrontée en mars à son ancien directeur de cabinet, l'actuel PDG d'Orange Stéphane Richard, avant d'être de nouveau convoquée.

Stéphane Richard a été mis en examen pour escroquerie en bande organisée dans le volet non ministériel de cette affaire, de même que Bernard Tapie et trois autres personnes. Les enquêteurs soupçonnent un "simulacre d'arbitrage".

D'après Le Monde, Christine Lagarde, qui dément toute négligence, aurait accusé devant les juges Stéphane Richard d'avoir utilisé sa signature préimprimée sur un document rédigé en son absence. "Il n'y a pas eu d'accusation", dit son avocat, selon qui elle a simplement dit ne pas reconnaître sa signature.

Stéphane Richard a quant à lui déclaré que sa ministre de tutelle avait été "en permanence informée de toutes les évolutions de ce dossier".

Un tribunal arbitral a condamné en juillet 2008 le Consortium de réalisation (CDR), véhicule public chargé de liquider les actifs du Crédit Lyonnais, à verser à Bernard Tapie 285 millions d'euros d'indemnités, dont 45 millions à titre de préjudice moral, soit 403 millions d'euros avec les intérêts. (avec Anna Yukhananov à Washington, édité par Yves Clarisse)