PARIS, 16 février (Reuters) - Le nom de Nicolas Sarkozy, mis en examen mardi soir pour financement illégal de sa campagne présidentielle de 2012, ou celui de certains de ses proches ou ex-proches apparaît dans plusieurs dossiers politico-financiers susceptibles d'entraver ses ambitions présidentielles présumées pour 2017.

Voici un résumé de ces dossiers et de leur avancée :

* AFFAIRE BYGMALION

Nicolas Sarkozy a été mis en examen mardi du chef de financement illégal de campagne électorale pour avoir, en qualité de candidat, dépassé le plafond légal de dépenses électorales, à l'issue d'une audition d'une dizaine d'heures au pôle financier.

Le parquet a précisé que l'ancien président de la République avait également été placé sous le statut de témoin assisté des chefs d'usage de faux, escroquerie et abus de confiance dans ce dossier.

Les juges chargés de l'affaire enquêtaient à l'origine sur un système présumé de fausses factures destiné à masquer des dépassements de dépenses à l'UMP durant la campagne présidentielle de 2012.

Les deux experts-comptables de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2012 ainsi que quatre responsables de cette campagne ont été mis en examen dans cette affaire : Jérôme Lavrilleux, ex-directeur adjoint de la campagne, l'ex-préfet de Lozère Guillaume Lambert, Philippe Briand, qui était trésorier de la campagne, et Philippe Blanchetier, conseiller juridique.

Trois ex-cadres de l'UMP - l'ancien directeur général Eric Cesari, l'ancien directeur de la communication Pierre Chassat et Fabienne Liadzé, ex-directrice des affaires financières - et quatre anciens cadres de la société Bygmalion - Bastien Millot, Guy Alvès, Franck Attal et Sébastien Borivent - ont également été mis en examen dans ce dossier.

Jérôme Lavrilleux, ex-directeur adjoint de la campagne de Nicolas Sarkozy, à l'origine des révélations sur cette affaire, a affirmé que la décision de mettre en place une double comptabilité avait été prise avec quatre autres responsables de l'UMP et de la société et dédouané Jean-François Copé et Nicolas Sarkozy, qui nient avoir eu connaissance de ce système présumé.

En octobre dernier, Jérôme Lavrilleux a cependant accusé l'ancien chef de l'Etat de "se défausser" et de ne pas "assumer" sa responsabilité dans le système de fausses factures mis au jour dans le financement de sa campagne.

L'instruction, initialement ouverte pour faux, usage de faux, abus de confiance, tentative d'escroquerie et complicité et recel de ces délits, a été étendue fin novembre au délit de financement illégal de campagne électorale.

* AFFAIRE DES ÉCOUTES

Une information judiciaire a été ouverte le 26 février 2014 sur la base d'écoutes téléphoniques visant l'ancien chef de l'Etat et nombre de ses proches. Dans ce dossier, Nicolas Sarkozy est mis en examen pour trafic d'influence actif, corruption active et recel de violation de secret professionnel.

Après avoir été suspendue en septembre dernier par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, la procédure a été validée dans sa quasi-totalité le 7 mai dernier, conformément aux réquisitions du parquet général.

Mais des recours doivent désormais être examinés devant la Cour de cassation. La défense conteste la légalité des écoutes à l'origine de l'affaire.

Les soupçons de trafic d'influence sont apparus au détour d'une enquête sur des accusations de financement libyen de sa campagne électorale en 2007, poussant la justice à placer sur écoute deux téléphones utilisés par Nicolas Sarkozy.

Les juges veulent vérifier s'il a cherché à faciliter la promotion à Monaco de Gilbert Azibert, alors avocat général à la Cour de cassation, en échange de renseignements sur l'avancée du dossier sur des soupçons d'abus de faiblesse aux dépens de la milliardaire Liliane Bettencourt, pour lequel il a bénéficié d'un non-lieu.

Les interceptions auraient révélé que l'ancien président et son avocat étaient bien renseignés sur la procédure alors en cours à la Cour de cassation.

Depuis le début de l'affaire, Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog dénoncent des écoutes illégales.

* ACCUSATIONS DE FINANCEMENT LIBYEN DE LA CAMPAGNE DE 2007

Le parquet de Paris a ouvert en avril 2013 une information judiciaire sur des allégations de l'homme d'affaires Ziad Takieddine, qui dit avoir des preuves du financement par la Libye de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007.

Nicolas Sarkozy a toujours démenti les dires de l'homme d'affaires franco-libanais.

L'enquête porte sur des chefs de corruption active et passive, trafic d'influence, faux et usage de faux, abus de biens sociaux et blanchiment, complicité et recel de ces infractions.

L'ex-ministre UMP de l'Intérieur Claude Guéant et l'homme d'affaires saoudien Khaled Bugshana ont été mis en examen début mars 2015 dans cette affaire.

L'avocat de Claude Guéant assure toutefois que la mise en examen de son client, pour faux et usage de faux et blanchiment de fraude fiscale en bande organisée, n'a aucun lien avec la campagne de 2007. Il a été interrogé par les enquêteurs sur l'origine d'une somme de plus de 500.000 euros, qu'il justifie par la vente de deux tableaux flamands.

Selon Charlie Hebdo, le domicile à Genève de l'homme d'affaires Alexandre Djouhri, intermédiaire français spécialiste des contrats moyen-orientaux, a par ailleurs été perquisitionné dans cette enquête.

Le porte-parole de la justice genevoise, Henri Della Casa, a confirmé à Reuters des perquisitions, sans plus de précisions.

Le fils de Claude Guéant, François Guéant, a été placé en garde à vue fin mars dans ce dossier, mais aucune charge n'a été retenue contre lui.

* L'ARBITRAGE TAPIE

En 2008, un arbitrage réalisé sous le mandat de Nicolas Sarkozy a attribué 404 millions d'euros à Bernard Tapie, soldant le litige qui opposait l'homme d'affaires au Crédit Lyonnais dans la revente d'Adidas.

Les enquêteurs soupçonnent un "simulacre d'arbitrage" et s'interrogent notamment sur les liens entre l'homme d'affaires et l'un des ex-juges du tribunal arbitral, Pierre Estoup.

Six personnes ont été mises en examen.

Saisie par le Consortium de réalisation (CDR), structure publique créée en 1995 pour gérer le passif du Crédit Lyonnais après sa quasi-faillite, la cour d'appel de Paris a annulé le 17 février cet arbitrage, ouvrant la voie à un nouveau procès civil qui se tiendra le 29 septembre prochain.

Bernard Tapie a reconnu avoir participé à une importante réunion fin juillet 2007 à l'Elysée concernant l'arbitrage, en présence notamment de Claude Guéant, alors secrétaire général de la présidence et ancien ministre de l'Intérieur.

L'homme d'affaires, mis en examen pour escroquerie en bande organisée et détournement de fonds publics par une personne privée, a jugé impensable que Nicolas Sarkozy n'ait pas donné son feu vert à cet arbitrage mais il a plusieurs fois dédouané l'ancien chef de l'Etat.

Claude Guéant est convoqué devant les juges le 14 octobre prochain, après la suspension d'un premier interrogatoire, le 2 septembre. Le parquet a requis sa mise en examen pour complicité de détournements de fonds publics commis par un particulier.

La directrice générale du Fonds monétaire international Christine Lagarde, ministre de l'Economie et des Finances à l'époque des faits, a été mise en examen par la Cour de justice de la République, pour négligence d'une personne dépositaire de l'autorité publique ayant mené à la destruction, au détournement ou à la soustraction par un tiers de fonds publics.

* SONDAGES DE L'ÉLYSÉE

Une information judiciaire pour favoritisme, détournement de fonds publics (dont détournement ou destruction d'archives publiques) vise des sondages et des prestations de communication commandés par l'Elysée sous Nicolas Sarkozy, de 2007 à 2012.

Plusieurs proches et anciens proches de l'ex-président ont été mis en examen ces derniers mois dans cette affaire. Parmi eux figurent les anciens conseillers Patrick Buisson et Pierre Giacometti ainsi qu'Emmanuelle Mignon, qui fut sa directrice de cabinet au début de son quinquennat.

L'enquête a été ouverte à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile de l'association Anticor.

Le plaignant estime qu'une bonne partie des sondages commandés sans appel d'offres par la société de Patrick Buisson Publifact, entre 2007 et 2009, n'avaient pas d'intérêt public lié à la fonction présidentielle.

Sur la période 2010-2012, Anticor estime que certains sondages réalisés, après appels d'offres, ne relevaient pas non plus de la fonction présidentielle.

Sont également visés par leur plainte des contrats de prestations en communication passés entre 2007 et 2012 entre l'Elysée et les sociétés de Pierre Giacometti et de Patrick Buisson, soupçonnés d'avoir bénéficié de favoritisme.

Selon Mediapart, toutes les études effectuées entre 2010 et 2012 ont "disparu". D'où un élargissement de l'enquête à des faits de détournement et destruction d'archives publiques début octobre 2014.

* "KAZAKHGATE"

Les noms d'anciens proches de Nicolas Sarkozy et de son ex-secrétaire général de l'Elysée Claude Guéant apparaissent dans cette affaire de rétrocommissions présumées en marge de contrats signés en 2010 entre l'Elysée et le Kazakhstan.

Jean-François Etienne des Rosaies, ancien préfet et chargé de mission à l'Elysée sous Nicolas Sarkozy, a été mis en examen dans ce dossier, notamment pour corruption d'agent public étranger.

Il a porté plainte contre X pour de présumés "tortures et traitements inhumains" lors de sa garde à vue.

Le sénateur centriste du Gers, Aymeri de Montesquiou, qui a été le représentant en Asie centrale de Nicolas Sarkozy, a aussi été mis en examen dans ce dossier, pour corruption passive et blanchiment en bande organisée.

Une information judiciaire a été ouverte le 18 mars 2013 pour blanchiment en bande organisée, corruption active d'agents publics étrangers et complicité et recel de ces délits.

Selon Le Monde, Jean-François Etienne des Rosaies est soupçonné d'être intervenu auprès d'un sénateur libéral belge pour faire voter, en Belgique, une loi sur la transaction pénale ayant favorisé plusieurs hommes d'affaires proches du président kazakh. En échange, ce dernier aurait assuré la France de son soutien pour un marché avec l'ex-Eurocopter, rebaptisé Airbus Helicopters.

Les contrats en question, de près de deux milliards d'euros, comprenaient l'acquisition par le Kazakhstan d'ici 2016 de 45 hélicoptères de l'ex-Eurocopter. La société, dont le site en région parisienne a été perquisitionné début septembre, assure que ce projet "a été et reste conduit de façon parfaitement légale et appropriée."

* KARACHI

Deux juges d'instruction enquêtent sur des soupçons de corruption en marge de contrats d'armement et de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995, dont Nicolas Sarkozy était porte-parole.

En juin 2014, six personnes, dont l'ancien ministre Renaud Donnedieu de Vabres et l'homme d'affaires Ziad Takieddine, ont été renvoyés en correctionnelle dans le volet financier de cette affaire. Deux proches d'Edouard Balladur, Nicolas Bazire et Thierry Gaubert, seront également jugés.

La Cour de justice de la République enquête de son côté sur le rôle présumé joué par l'ancien Premier ministre UMP Edouard Balladur et son ancien ministre de la Défense François Léotard dans ce même dossier.

Les juges parisiens qui l'ont saisie estiment que les éléments de l'enquête rendent par ailleurs nécessaire l'audition par cette Cour de Nicolas Sarkozy, alors ministre du Budget, comme témoin assisté.

Ils semblent convaincus qu'une partie des commissions perçues par l'intermédiaire en armement Ziad Takieddine à la faveur de contrats signés avec l'Arabie saoudite et le Pakistan ont servi à financer la campagne d'Edouard Balladur via un système de rétrocommissions.

L'une des hypothèses envisagées est que la fin du versement des commissions, ordonnée par Jacques Chirac, élu président en 1995, aurait provoqué l'attentat de Karachi qui a tué 11 Français en 2002, en représailles contre Paris. (Chine Labbé Myriam Rivet, édité par Yves Clarisse)