Charley Grant, The Wall Street Journal

NEW YORK (Agefi-Dow Jones)--L'idée que Tesla puisse un jour dominer l'industrie automobile mondiale semble de plus en plus chimérique.

Le constructeur de voitures électriques a annoncé mardi avoir produit au cours des sept derniers jours 2.020 exemplaires de sa nouvelle berline Model 3, et prévoit de maintenir ce rythme de production au cours des sept prochains jours. Tesla a sorti près de 10.000 exemplaires de la Model 3 au premier trimestre, un rythme quatre fois supérieur à celui du trimestre précédent.

Cette production hebdomadaire effrénée s'est pourtant révélée inférieure aux propres prévisions de Tesla, scénario désormais habituel, ce qui n'a pas empêché le groupe d'Elon Musk de publier un communiqué de presse triomphant. "Il s'agit de la croissance la plus rapide jamais enregistrée à l'époque moderne par un constructeur automobile. Si ce taux de croissance se poursuit, il ira même jusqu'à dépasser celui de Ford et de son Model T".

C'est sans doute vrai si l'on s'en tient au récent pourcentage de croissance, mais rappelons que la Tin Lizzie représentait 40% des ventes automobiles aux Etats-Unis à son apogée ou, proportionnellement parlant, 65.000 fois la meilleure semaine du Model 3 de Tesla jusqu'à présent.

L'action du groupe s'inscrivait en légère hausse mardi à Wall Street, ce qui reste bien compréhensible : le titre Tesla a subi un important mouvement de vente au cours des dernières semaines en raison d'inquiétudes concernant la production, et certains investisseurs s'attendaient à pire. Il semble toutefois peu probable que le rebond se poursuive. De fait, le rapport publié par Tesla mérite un examen attentif.

Pour commencer, la production du Model 3 s'est établie en moyenne à environ 800 voitures par semaine au cours du trimestre, un rythme sans commune mesure avec les volumes de production de masse. S'il a terminé le trimestre avec un taux de production beaucoup plus élevé, le constructeur n'a pas donné ses objectifs de production totale pour le deuxième trimestre. Tesla a simplement annoncé qu'il visait une cadence hebdomadaire de 5.000 véhicules par semaine "dans environ trois mois". Voilà de quoi mettre en doute la durabilité de son récent boom de production, d'autant que le groupe aurait, selon certaines informations, réaffecté des employés d'autres lignes d'assemblages à celle du Model 3 en fin de trimestre.

C'est peut-être lié, mais il semblerait que les lignes des modèles antérieurs aient ralenti. Les livraisons des voitures de luxe Model S et Model X, qui présentent des marges bénéficiaires plus élevées et peuvent contribuer à maintenir les finances du groupe à flot, ont reculé de 12% sur un an. Même si Tesla assure que les commandes nettes pour ces modèles ont atteint un niveau record au premier trimestre, cette baisse des livraisons anéantit toute comparaison avec les heures de gloire d'Henry Ford.

Le constructeur a par ailleurs affirmé qu'il n'aurait pas besoin de lever des capitaux ou de la dette cette année, à l'exception de ses lignes de crédit habituelles. Tesla ferait effectivement un grand pas en avant s'il parvenait à se défaire de sa dépendance chronique aux marchés de capitaux, mais c'est peu réaliste. Moody's Investors Service estimait encore la semaine dernière que Tesla aurait probablement besoin, dans un horizon proche, de procéder à une augmentation de capital supérieure à 2 milliards de dollars.

Les optimistes qui seraient tentés d'anticiper une future embellie seraient bien inspirés de méditer sur une déclaration d'Elon Musk publiée lundi sur Twitter : "l'industrie automobile, c'est l'enfer". -Charley Grant, The Wall Street Journal (Version française Emilie Palvadeau) ed : ECH

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