L'accord "amical et négocié" annoncé mardi soir va donner naissance à un groupe pesant 19,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 3,1 milliards d'euros de résultat opérationnel sur une base proforma des résultats 2014 des deux entreprises.

L'opération, relutive dès la première année, promet des synergies de 300 millions de dollars, un montant "conservateur", a souligné Benoît Potier, le président-directeur général d'Air Liquide, lors d'une conférence de presse.

Son "closing" devrait intervenir en 2016 après l'approbation des actionnaires d'Airgas et le feu vert des autorités de la concurrence américaine (FTC), qu'Air Liquide compte rencontrer dans les prochains jours, a-t-il poursuivi.

Le PDG a estimé que la transaction s'inscrivait dans "un timing exceptionnel" au regard de la situation actuelle de l'économie américaine mais aussi de la transformation attendue de la chimie par le biais du numérique.

En 2010, alors qu'Airgas faisait l'objet d'une offrehostile d'Air Products, qui s'était soldée par un échec, Air Liquide était resté à l'écart.

"Airgas est aujourd'hui passé du type conglomérat à une société plus intégrée de gaz industriels. Le timing est celui d'un dirigeant qui a décidé de passer la main (...) et de trouver la meilleure combinaison possible pour son business", a déclaré Benoît Potier.

DÉCOURAGER UNE SURENCHÈRE

En Bourse, le titre dégringole et affiche un recul de 6,6% à 115,45 euros à 14h20, plus forte baisse du CAC 40 (-0,68%), les investisseurs s'interrogeant sur les multiples payés par le groupe français.

Au prix de 143 dollars par action, l'offre d'Air Liquide représente une prime de 50,6% par rapport à la moyenne du cours de Bourse d'Airgas durant le mois écoulé et de 20,3% par rapport au cours le plus élevé de l'action sur les 52 dernières semaines.

"Avec une valorisation représentant 23 fois le bénéfice par action estimé 2017, l'opération devra produire un accroissement substantiel du BPA", écrit ainsi UBS.

Liberum estime de même que la prime va probablement susciter des inquiétudes, mais ajoute que l'opération fait sens stratégiquement. Selon le broker, le prix offert vise à décourager une surenchère.

Air Liquide, a aussi fait valoir son PDG, va bénéficier du système d'e-business d'Airgas, par le biais duquel la société américaine réalise 10% de ses ventes.

"Nous vivons le début de la transformation de nos métiers par le biais du numérique, qui va changer l'approche des clients, et le fait de disposer d'une base physique d'accès direct aux clients est un fantastique atout pour ce type de métier dans le futur", a dit Benoît Potier, en observant qu'Airgas dispose du "meilleur système d'e-business de l'industrie".

Le retour sur capitaux employés (ROCE) va être impacté de l'ordre de 200 points de base par l'opération, a indiqué la directrice financière d'Air Liquide, Fabienne Lecorvaisier.

Mais "tout va être mis en oeuvre pour revenir aux alentours de 10% à l'horizon de cinq à six ans car nous allons maintenir la rigueur sur les capex", a ajouté de son côté Benoît Poitier.

S'agissant de l'évolution des effectifs du groupe, le PDG a assuré que l'objectif "que nous visons n'est pas un objectif de réduire des effectifs".

Air Liquide emploie aujourd'hui 5.000 personnes aux Etats-Unis, et Airgas a un effectif de 17.000 personnes.

Le groupe compte financer la transaction par une augmentation de capital de trois à quatre milliards d'euros, en offrant un droit de souscription préférentiel à ses actionnaires. Elle sera réalisée "dans la première fenêtre possible", a déclaré Fabienne Lecorvaisier.

(Avec Raoul Sachs, édité par Dominique Rodriguez)

par Noëlle Mennella