Le maintien dans la zone euro constituera, sur le long terme, la meilleure protection de la France, a assuré mardi le gouverneur de la Banque de France, se dressant contre toute tentation nationaliste qui risquerait de faire éclater l'union monétaire.

François Villeroy de Galhau a rappelé que l'écart entre les coûts d'emprunt de la France et de l'Allemagne s'était nettement resserré depuis l'introduction de l'euro. "Le spread français réagit peut-être aussi temporairement aux incertitudes politiques, mais le maintien dans la zone euro sur le long terme reste notre meilleure protection".

Il est illusoire de croire qu'il serait possible, en s'affranchissant des règles de la zone euro et de l'Union européenne qui plafonnent les déficits publics, de relancer l'économie, a prévenu le banquier central. Le financement des déficits serait bien plus coûteux pour les pays qui abandonneraient la monnaie unique, si les spreads revenaient aux niveaux observés avant l'euro, a-t-il souligné.

La menace de Le Pen au second tour

Les propos de François Villeroy de Galhau, préparés pour une conférence à Florence, interviennent dans un contexte sensible en France, à l'approche de l'élection présidentielle, alors que les sondages donnent Marine Le Pen au second tour.

Cette perspective semble avoir poussé les banquiers centraux à intervenir dans la campagne. Benoît Coeuré, membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE), a notamment prévenu mardi, dans un entretien au Parisien que sortir de l'euro "menacerait l'épargne et l'emploi des Français".

Sortir de l'euro pour pouvoir dévaluer la monnaie nationale ferait considérablement grimper le coût du financement de la dette, de plus de 30 milliards d'euros par an à terme, a relevé de son côté François Villeroy de Galhau dans une tribune publiée mardi par Le Figaro.

Dans son discours, le banquier central ajoute qu'il est injustifié d'attribuer la faiblesse de la croissance en France et en Italie aux institutions européennes et à l'euro. "La France et l'Italie sont à la traîne aujourd'hui en raison de l'insuffisance des réformes entreprises au niveau national. L'euro ne peut pas les remplacer, et ne sera jamais en mesure de le faire".

La BCE dément manipuler l'euro

François Villeroy de Galhau a par ailleurs rappelé que la politique monétaire avait un "objectif interne", celui de maîtriser l'inflation, et non un "objectif externe", comme celui de dévaluer la monnaie, ce qui pourrait déclencher des réactions en chaîne préjudiciables.

Peter Navarro, le conseiller de Donald Trump pour les affaires commerciales, a déclaré la semaine dernière au Financial Times que l'Allemagne profitait d'un euro "largement sous-évalué" qui confère au pays un avantage indu sur ses partenaires commerciaux.

Ces propos n'ont pas manqué de toucher une corde sensible chez les banquiers centraux européens. "Nous ne sommes pas des manipulateurs de devise", s'est offusqué lundi le président de la BCE, Mario Draghi. Le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, a quant à lui réfuté mardi les accusations selon lesquelles un euro sous-évalué confère un avantage indu à l'Allemagne, qualifiant de "plus qu'absurdes" les déclarations dans ce sens du responsable américain.

-Todd Buell et William Horobin, The Wall Street Journal

(Tom Fairless a contribué à cet article)

(Version française Emilie Palvadeau, Lydie Boucher) ed : LBO - ECH