Le Wall Street Journal (26/02) s'est fait l'écho d'un dîner informel qui a réuni, le 8 février dernier, les dirigeants de hedge funds emblématiques, parmi lesquels George Soros, Aaron Cowen (SAC Capital), Donald Morgan (Brigade Capital) ou David Einhorn (Greenlight Capital). Ils ont tablé à cette occasion sur un net déclin de l'euro, qui serait à terme ramené au niveau du dollar. L'adage selon lequel « les devises progressent par escalier mais descendent par l'ascenseur » pourrait à cet égard trouver une nouvelle illustration.

Selon eux, la crise grecque n'est qu'un signe avant-coureur de turbulences beaucoup plus graves auxquelles devra faire face le Vieux Continent. Le 22 février, George Soros a d'ailleurs signé une tribune au Financial Times. Jouant les Cassandres, il assure que la zone euro « fera face à des défis plus grands que la Grèce » et que la survie financière d'Athènes « ne réglera pas la question de l'avenir de l'euro ».

La technique ? Un effet de levier aux proportions gigantesques !
Pour les acteurs anglo-saxons présents à ce dîner, « il y a beaucoup d'argent à se faire », rapporte le Wall Street Journal. Mais comment comptent-ils procéder ? Ces spéculateurs emprunteraient jusqu'à 20 fois la mise nécessaire afin de faire jouer un « effet de levier », une technique qui permet d'amplifier les gains comme les pertes. Si le pari est gagnant, 5 millions de dollars misés rapporteraient pas moins de... 100 millions.

Le pari est osé mais crédible. La monnaie unique européenne, fragilisée par la crise grecque, est ainsi passée de 1,51 dollar en décembre dernier à moins de 1,35 dollar en février. La semaine dernière, déjà, des traders de Goldman Sachs, Merrill Lynch et Barclays ont d'ailleurs joué l'euro à la baisse pour le compte d'investisseurs.

La question est de savoir si une poignée de spéculateurs, fussent-ils des fonds spéculatifs parmi les plus puissants, réussiront à faire vaciller la monnaie unique. De fait, pour Jacques Attali, sans gouvernance économique unique, « la zone euro peut exploser ». D'autres sont moins pessimistes. « Sans doute peuvent-ils réussir à amplifier un tout petit peu le mouvement », mais pas au-delà, juge Christian Parisot, chez Aurel, estimant qu'un billet vert à parité face à l'euro « n'a pas de sens économique ». Pour Antoine Brunet, chez AB Marchés, « les autorités américaines ne laisseront pas faire. Un euro trop faible pénaliserait leur économie. Les hedge funds jouent contre leur pays ».

Il est vrai que le patriotisme économique n'est pas à proprement parler la caractéristique première des fonds spéculatifs. Reste à savoir si la BCE et la Federal Reserve les laisseront faire. Rien n'est moins sûr, mais les paris sont ouverts.