1/ Pour nos lecteurs, qui ne vous connaissent pas encore, pouvez-vous vous présenter ?
Je suis entrepreneur. Initialement j’ai suivi une formation de technicien en électronique et je me suis établi comme artisan dès l’âge de 17 ans. A 21 ans j’ai ouvert mon premier magasin de TV HIFI VIDEO suivi de six autres, en Alsace et en Lorraine. A 26 ans le Ministre du Commerce et de l’Artisanat m’a décerné le Mercure d’Or des commerçants performants de France. Ensuite je me suis orienté vers la recherche, le conseil et l’investissement dans l’immobilier commercial.

2/ Depuis plusieurs années, vous vous intéressez de près à l’acquisition de Quick par la CDC CI. Comment en êtes-vous arrivé là et quelles sont vos motivations ?
C’est cette activité d’investisseur en immobilier qui est à l’origine de mon contact avec GIB, société contrôlée par Albert FRERE. En 1995, la société GIB m’a cédé sa filiale Disport et m’a causé un important préjudice. C’est le point de départ de tous mes ennuis.
En 2006, GIB a utilisé le même mode opératoire pour céder Quick à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). Il y a une différence de taille car moi j’étais une victime non consentante alors que la CDC ne pouvait ignorer la véritable valeur de Quick.
Lorsque j’ai appris que Quick avait été acquise pour 800 M€ par la CDC j’ai entrepris des recherches pour comprendre comment Quick dont GIB m’avait dit le plus grand mal et dont le PDG avait indiqué qu’elle valait 300 M€, pouvait avoir été acquise pour ce prix délirant.
Mes motivations sont multiples : voir mon préjudice enfin réparé, mettre à jour les responsabilités à tous niveaux y compris politique et obtenir une modification législative qui rende impossible à l’avenir tout détournement de fonds publics.

3/ Où en est la justice française ?
Mon affaire est signalée comme très sensible au Parquet qui réserve un enterrement de première classe à mes plaintes. En 2008 le Procureur de Paris a donné une interview au journal Le Parisien dans laquelle il indiquait que ma plainte « n’avait aucun fondement et que malheureusement beaucoup de citoyens se croient en toute bonne foi persécutés parfois même par des Martiens ». Le 15 octobre 2010, France Info a révélé qu’il exerce des pressions sur le Parquet de Charleroi afin que la justice belge ne vienne pas enquêter en France sur le volet français de ma plainte... A l’heure actuelle, le Parquet dit officiellement « enquêter » sur une dénonciation calomnieuse qui vise la CDC, QUICK et Augustin de ROMANET et sur les irrégularités de l’autorisation donnée par le MINEFI à la CDC pour acquérir Quick. Voilà pour le Parquet. Ces plaintes en France sont la conséquence des pressions du Parquet donc de l’exécutif sur la justice belge et elles ne doivent pas faire perdre de vue Charleroi qui est la mère de toutes les batailles.

4/ Et la justice belge ?
Après que la justice française m’ait déclaré irrecevable, j’ai déposé plainte le 24 juillet 2009 à Charleroi des chefs de faux, usage de faux, escroquerie et abus de confiance. Je rappelle que ma plainte vise les opérations réalisées en 2006 par Albert FRERE et la CDC pour l’acquisition de divers actifs dont la chaîne de restauration rapide Quick dans des conditions que je considère comme irrégulières. De nombreux devoirs judiciaires et expertises indépendantes ont été réalisés. Je m’attends maintenant à des mesures coercitives d’ampleur qui suscitent des craintes justifiées et légitimes chez Albert FRERE.

5/ Quel lien faites-vous entre l’affaire Quick et l’OPR sur le titre CNP coté en Belgique ?
Je pense qu’Albert FRERE réorganise son Groupe uniquement par peur de la Justice et cette réorganisation l’affaiblit. De plus elle lui coûte 3 Milliards € ! L’OPR sur CNP est due à ma plainte. Radier la CNP de la Bourse n’a que des inconvénients pour FRERE. D’abord il se prive d’un moyen de lever des fonds par appel au marché. Ensuite il doit débourser 1,5 Milliard € pour acquérir les 28% de flottant. Prétexter une opération de succession relève de l’enfumage et d’ailleurs Gérald FRERE, son fils, se tient loin des comportements manœuvriers de son père. En fait cette réorganisation se fait à marche forcée contre toute logique économique et financière. Sa seule logique est judiciaire. Albert FRERE sait parfaitement que les mesures coercitives déclencheront un écroulement du cours de CNP donc une forte baisse de sa valeur patrimoniale. C’est pourquoi, comme la tempête judiciaire s’annonce, il a décidé de rendre inconditionnelle son OPA et de la ré-ouvrir jusqu’au 18 mai et surtout de retirer dès à présent la CNP de la Bourse de Bruxelles. Il espère ainsi éviter des plaintes de petits porteurs et des sanctions de l’autorité boursière belge.

6/ Pouvez-vous nous rappeler vos principales démarches et l’issue que vous en attendez ?
Je suis très confiant pour ma plainte en Belgique, mais très réservé en France car chacun connaît les liens de subordination du Parquet avec l’exécutif… Cette exception française est dommageable et dangereuse. Si rien n’est fait à court terme, il n’est pas exclu que le vent de révolte des pays arabes ne vienne souffler jusqu’à Paris. Après tout les révolutions arabes procèdent du refus de la corruption érigée en modèle de société et de l’appauvrissement des peuples. Surpayer Quick c’est enrichir un privé et appauvrir la collectivité. Chacun se doute bien que les politiciens qui ont autorisé ou ordonné à la CDC d’investir ne l’ont pas fait sans contrepartie. Mon objectif est naturellement d’obtenir réparation de mon préjudice. Mais je ne m’arrêterai pas à mon seul intérêt. Je veux obtenir des modifications législatives qui rendent impossible toute corruption avec de l’argent public et j’ai déjà bien travaillé le sujet avec d’éminents spécialistes.

7/ Pensez-vous que cette affaire puisse avoir un écho médiatique plus large ?
Cette affaire a déjà eu un bon écho médiatique dans les pays directement concernés, à savoir la France et la Belgique. Les sociétés dans lesquelles FRERE a investi sont souvent des leaders qui ont à souffrir aujourd’hui de cet actionnaire bien encombrant. L’écho médiatique ira crescendo, en raison de la gravité de cette affaire qui n’en est qu’à ses débuts mais aussi en raison de l’implantation géographique et de la taille de toutes les sociétés impliquées directement ou indirectement.

8/ Vous sentez-vous soutenu ?
Quick a déposé cinq plaintes en diffamation contre moi. Sur trois affaires déjà jugées, j’ai obtenu trois relaxes dont une en Cassation. GIB avait déposé plainte en dénonciation calomnieuse et j’ai été relaxé par la Cour d’Appel de Liège. J’ai subi les pires ennuis, intimidations, pressions, chantages et menaces de tous ordres mais j’ai une foi inébranlable et suis soutenu inconditionnellement par ma famille et mes proches, mes avocats, des hommes politiques intègres de tous bords, des magistrats, et par des gens honnêtes mus par la justice et la volonté de bien-vivre ensemble.

Propos recueillis par Pauline Raud & Franck Morel

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