La pilule va être difficile à avaler pour SAP, leader mondial des logiciels de gestion. Le jury populaire du tribunal d'Oakland (Californie) l'a condamné à verser 1,3 milliard de dollars de dommage et intérêts à Oracle pour vol de propriété intellectuelle. Une somme qui correspond pour SAP à plus du double des bénéfices engrangés au 3ème trimestre !

L'information judiciaire a débuté en mars 2007, suite à un dépôt de plainte du groupe de Larry Ellison qui accusait son concurrent allemand, par l'intermédiaire de sa filiale américaine TomorrowNow (fermée en 2008) de vol de logiciels, violation de propriété intellectuelle et concurrence déloyale.

Les faits sont les suivants : TomorrowNow, racheté par SAP en 2005, vendait des services de maintenance applicative pour les clients d'Oracle, et en profitait pour piller des données commerciales relatives à ces clients, et télécharger illégalement des logiciels appartenant à Oracle.

Très vite, SAP a reconnu les faits et débarqué les responsables de la fraude, espérant sans doute s'attirer les faveurs du tribunal. Le groupe allemand tablait sur une amende, déjà salée, de 40 millions d'euros. Larry Ellison, de son côté, n'y est pas allé par quatre chemins, et demandé la modique somme de 4 milliards de dollars !

On peut considérer que les jurés américains, avec 1,3 milliard, ont coupé la poire en deux, mais nul doute qu'aussi bien SAP qu'Oracle n'ont pas dû en croire leurs oreilles (et leur porte-monnaie) au moment de la sentence.

Un expert judiciaire, Ahmad Baladi, cité par le quotidien Les Echos, tente de comprendre cette décision de justice : « Le jury semble avoir retenu une évaluation des dommages sur la base des licences hypothétiques qu'aurait pu accorder Oracle, et non selon la théorie des pertes réelles subies par le demandeur ».

Une justice rendue par des Américains pour des Américains ?
Sobrement, SAP s'est dit « déçu » par le verdict, mais il n'y a aucun doute qu'il va faire appel ou négocier un accord à l'amiable pour s'épargner une longue et coûteuse procédure, sans espoir d'ailleurs d'en retirer quoi que ce soit. C'est sans doute le sens de ce communiqué où il est indiqué que SAP allait « étudier toutes les options possibles ».

Pour certains observateurs, le fait que le jury soit américain dans un litige opposant un compatriote et un méchant européen n'est pas pour rien dans cette lourde amende. D'autres y voient un « prolongement judiciaire de la concurrence » ou encore une illustration de plus du sport national qu'est devenue l'attaque en justice outre-Atlantique.

En tout cas, il est plus que probable que cette affaire ternisse l'image de SAP sur les marchés mondiaux. De cela Larry Ellison est parfaitement conscient, et le bouillant patron d'Ora-cle pourrait facilement demander à ses commerciaux d'user de cet argument pour « saper » les positions de son concurrent...