Virginie Robert, Directrice Adjointe Reyl France fait un point avec Cercle Finance sur les résultats de Facebook.

Comment se fait-il que le titre Facebook ait été si chahuté hier après la clôture, perdant 3,5% dans les échanges d'après-bourse, malgré des résultats conformes aux attentes des investisseurs ?

En effet, les résultats de Facebook publiés hier en clôture de séance à Wall Street ont clairement dépassé les attentes des analystes. Les revenus Q4 sont en hausse de 40 % par rapport au trimestre précédent. Ils passent de 1,13 à 1,59 milliards $ alors que le consensus s'était établi à 1,53 milliards. A périmètre comparable, hors exceptionnels, le titre a gagné 17 cents par action alors que le consensus s'était arrêté à 15.

Les revenus publicitaires, qui représentent 84% du CA, ont également progressé de 41% sur 1 an. Les revenus publicitaires liés aux applications mobiles représentent déjà 23 % du CA alors que Facebook n'a lancé ces applications que début 2012. Les orientations stratégiques prises par Mark Zuckerberg semblent donc porter leurs fruits.

Si le titre a été quelque peu chahuté, c'est parce que les investisseurs se sont inquiétés de l'effritement de la marge opérationnelle qui a baissé à 33 % alors qu'elle était de 48% un an plus tôt. Le financement de sa croissance coûte à Facebook. Au 4e trimestre, les dépenses opérationnelles ont dépassé le milliard de dollars (1,06), ce qui équivaut à une hausse de 82% par rapport à l'année précédente. En 2011, il y avait 3200 personnes qui travaillaient chez Facebook. En 2012, ils sont passés à 4600 !

Facebook a dépassé le milliard d'utilisateurs, mais ces utilisateurs lui rapportent très peu. Le revenu moyen par utilisateur (ARPU) de Facebook est à peine supérieur à 1 dollar alors que celui de Google dépasse les 30 dollars. Comment expliquez-vous un écart aussi important?

Il faut faire preuve d'un peu plus de patience avec Facebook. La société n'a pas encore dix ans d'existence ! Google non plus ne s'est pas construit en un jour. Google a été créé en 1998, son premier prototype de page d'accueil est sorti en novembre 2001 et son introduction en bourse a eu lieu en 2004. Son business model s'est construit et s'est confirmé sur la durée ; il est d'ailleurs toujours en évolution. Il en va de même avec Facebook. Il suffit de voir l'explosion des recettes publicitaires que l'entreprise génère sur les mobiles alors qu'elle vient à peine d'attaquer ce segment. Sur 1,06 milliards de membres, ils sont déjà 680 millions à utiliser Facebook sur mobile.

Ne faut-il pas craindre pour sa pérennité, que Facebook, aujourd'hui social network, ne devienne demain une sorte de Tupperware network ?

C'est tout le mal qu'on lui souhaite ! Tupperware existe depuis 1946 et se développe autour d'un système de distribution original, depuis 1954, avec une croissance satisfaisante. Ces dix dernières années, le titre a progressé de 350%. Le recours au référencement et à l'exploitation d'un réseau de proximité n'a rien de négatif ou de dévalorisant, que ce soit pour Tupperware ou Facebook. C'est bien le fonctionnement de réseau qui est au centre du business model.

La multiplication des offres commerciales et de leur affichage sur Facebook ne risque-t-elle pas selon vous de mener à une forte campagne de désabonnement ?

Avec la masse critique que Facebook a désormais atteinte, le risque de perte de membres existe mais l'adhésion de 1 milliard d'utilisateurs est confortable. Certains préfèrent ou vont préférer utiliser d'autres réseaux comme Tumblr, ce dernier semble trouver un bon accueil auprès de la jeunesse américaine. La concurrence est cependant un élément nécessaire à l'innovation et à la recherche de la qualité de services offerts aux membres.

Si le succès est au rendez-vous, il faut que Facebook réussisse à développer les outils technologiques capables de prendre la mesure de cette audience. C'est un vrai challenge. Pas moins de 1000 ingénieurs y travaillent. Cela donne une idée du chantier !

Quant aux sujets d'atteinte au domaine privé et à l'intrusion, Facebook doit continuer à élaborer et produire des outils de contrôle

Le principe même de social network est-il compatible avec l'application d'un quelconque modèle d'affaires ?

Dans ce domaine, oui, Facebook est bel et bien un cas d'école, mais, quels que soient les aléas de l'IPO, les résultats doivent démontrer la pertinence et la viabilité du modèle d'affaires. D'autres le démontrent également, comme LinkedIn.

La volonté exacerbée de Zuckerberg de monétiser l'audience de Facebook pour convaincre ses investisseurs ne se heurte-t-elle pas à certaines limites ?

On ne peut pas en aucun cas reprocher à un entrepreneur sa volonté de valider son concept de création de valeur. C'est la dure loi des marchés financiers. Les investisseurs veulent des résultats concrets rapidement et réguliers. La pression est forte face à la stratégie globale de la société.

Recherche Revenus Désespérément... Depuis le ratage de l'IPO, Facebook s'agite dans tous les sens pour booster ses revenus au point d'en écarteler son modèle d'affaires. Au-delà de la pub, Facebook cible auourd'hui les applications mobiles, comme Apple ou Samsung, les paiements mobiles comme eBay avec PayPal, les fonctionnalités de recherche comme Google, ou encore le e-commerce comme Amazon... Ne pensez-vous pas que Facebook est en train de perdre son business focus ?

Pour conserver sa place de leader, il est important que Facebook puisse multiplier et utiliser les canaux d'accès à ses membres par le biais de différentes applications. L'univers du mobile représente un enjeu stratégique majeur pour Facebook. C'est essentiel de vouloir s'adapter à différents environnements. C'est l'architecture même du Web qui l'autorise.

Show me the money, comme le disent si bien les Américains. Selon vous, quelles sont les sources de revenus, les activités sur lesquelles Facebook est le plus à même d'exprimer ou de justifier son attrait et son potentiel ?

Comme l'indiquent les résultats publiés hier, le CA provient essentiellement des recettes publicitaires. En 2012, le CA de Facebook s'élève à 5,09 milliards $ qui se répartissent ainsi : 4,3 milliards pour les revenus publicitaires, contre 3.2 milliards en 2011, et 0,8 milliards pour les services commerciaux, contre 0.5 milliards en 2011. Mais ce qu'il faut surtout relever, au risque de se répèter, ce sont les revenus publicitaires générés sur les mobiles. Ils n'ont été activés qu'il y a neuf mois et ils pèsent déjà le quart du CA. Dans ce domaine, Facebook a une marge de progression énorme. Comme l'a souligné hier Mark Zuckerberg : en 2012, Facebook est devenue une entreprise mobile !

Le récent lancement de Graph Search, son moteur de recherche, constitue-t-il un relais de croissance crédible?

Il est d'autant plus crédible que Mark Zuckerberg en a fait un axe de développement stratégique pour Facebook. Pour ses membres, il améliore la qualité de service et pour ses annonceurs, il permet de mieux personnaliser les messages. Ce n'est pas un hasard si le lancement de Graph Search a été l'objet de la 1e conférence de presse donnée par Facebook en 7 mois depuis son IPO.

Le marché de la publicité sur internet et internet mobile va selon toute vraisemblance connaitre une très forte croissance ces prochaines années. D'une part parce que la population interne continue de croître et d'autre part parce qu'il reste encore beaucoup de valeur à ajouter en terme de qualification de l'audience et de ciblage publicitaire. Les Majors du web, comme Yahoo !, Google, Facebook - et même Amazon - l'ont bien compris. Pour ces marques médias globales, dont les utilisateurs se comptent en centaines de millions, ce marché présente un potentiel extraordinaire.

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