Naguib Sawiris s’est confié au Financial Times, mais pas pour parler affaires. Issu d’une des plus grandes et riches familles d’Egypte, et membre de la communauté copte, il a préféré évoqué la situation entre communautés dans son pays, quelques mois après la révolution qui a mis fin au régime d’Hosni Moubarak.

« Nous sommes tous, chrétiens et musulmans, très inquiets. Nous n’avions jamais vu auparavant ces gens là dans notre pays », souligne-t-il, parlant des militants salafistes. Il s’agit d’une mouvance islamiste fondamentaliste, qui revendique un retour à l’Islam des origines, fondé sur le Coran et la Sunna. Il abrite notamment une mouvance djihadiste très importante.

« Ils sont de plus en plus visibles, après 30 ans d’oppression, et ont décidé de libérer leur fureur et leur colère. Ils ciblent clairement la faible minorité chrétienne du pays. Les musulmans modérés sont également pointés du doigt, mais moins que les chrétiens », observe Sawiris. Cette semaine, des heurts entre communautés ont fait 12 morts au Caire, et plus de 23 blessés, tandis que des centaines de salafistes sont accusées d’incitation à la violence.

Le tournant des prochaines élections
Naguib Sawiris décrit un climat de violence tel qu’un « permis de tuer » semble avoir été délivré dans la population égyptienne. Il dénonce aussi l’incompétence des nouvelles autorités du pays, incapables de lutter contre l’intégrisme religieux. Le gouvernement actuel n’a par exemple rien fait pour poursuivre les salafistes coupables d’avoir brûlé une église copte, il y a quelques semaines près de la capitale.

Dans ce contexte, notre baron voit mal comment des partis politiques modérés, et non religieux, pourraient émerger, alors que se profilent des élections législatives en septembre. Il a toutefois créé le sien, baptisé Les Egyptiens Libres, pour mobiliser la frange libérale et laïque du pays. Mais sans illusions, d’autant que les autorités refusent toujours de repousser le scrutin, ce que demande Sawiris afin de permettre aux partis de mieux s’organiser.

Le parti le plus populaire actuellement, les Frères Musulmane (Muslim Brotherhood), est bel et bien celui des salafistes. « C’est un combat inégal. Ils sont déjà organisés, et ils ont déjà leurs militants et candidats », confie Naguib Sawiris, craignant de voir le jeune régime confisqué par des intégristes. D’une tyrannie à une autre, il redoute que les morts de la révolution n’aient finalement donné leur vie pour rien.