* L'action accuse une baisse historique sur une séance

* Plus de cinq milliards d'euros de capitalisation effacés

* Les investisseurs scrutent désormais le C.A., plus que les coûts

* Départs en série à la direction de SFR (Actualisé avec nouveaux commentaires et cours de clôture)

par Mathieu Rosemain et Sophie Sassard

PARIS/LONDRES, 3 novembre (Reuters) - Le titre Altice s'est écroulé de plus de 22% vendredi à la Bourse de Paris, les investisseurs s'interrogeant sur la capacité du géant du câble, des télécoms et des médias à regagner des parts de marché en France à l'aune de ses résultats du troisième trimestre.

L'action Altice a perdu 22,59% pour clôturer à 12,51 euros, accusant sa plus forte baisse en une séance depuis sa première cotation en 2014 et signant de loin la plus forte baisse de l'indice large Stoxx 600 qui a fini en hausse de 0,28%.

Au total, le groupe fondé et contrôlé par le milliardaire Patrick Drahi a effacé sur cette seule séance plus de 4,9 milliards d'euros de capitalisation boursière.

Depuis le début de l'année, l'action a perdu 33,6% alors que l'indice sectoriel européen des télécoms a cédé 2,9%.

A l'occasion de la publication de ses résultats du troisième trimestre jeudi soir, le groupe basé à Amsterdam a indiqué qu'il avait continué à perdre des clients dans le fixe en France (-75.000) dans un contexte de bataille des promotions avec ses rivaux.

Depuis le rachat de SFR, Altice s'est employé à relancer les investissements pour restaurer la qualité d'un réseau dégradé tout en dépensant des montants élevés pour acquérir des contenus dans le sport, les fictions et la presse et ainsi enrichir ses offres.

Le marché a dans un premier temps salué les économies opérées par Patrick Drahi chez SFR, où un plan de départs visant à réduire d'un tiers les effectifs a été engagé. Mais au-delà des réductions de coûts, les investisseurs s'interrogent désormais sur la capacité de l'entrepreneur à reconquérir les abonnés et à faire repartir les ventes.

Depuis sa prise de contrôle par Altice, le numéro deux du mobile en France, relégué à la troisième place dans le fixe derrière Free (Iliad), a perdu plus de 1,6 million de clients mobile et plus d'un demi-million d'abonnés fixes.

"Les investisseurs prennent conscience que le groupe est trop à la peine en France", estime Javier Borrachero, analyste chez Kepler Cheuvreux, dont la recommandation est à "conserver" sur le titre.

"La direction dit depuis plusieurs trimestres : 'le prochain trimestre va être mieux' donc quelque part ils (les chiffres du troisième trimestre) sont décevants", ajoute-t-il.

La dette du groupe a parallèlement atteint 49,557 milliards d'euros à la fin du troisième trimestre, en augmentation de 361 millions par rapport aux trois mois précédents, ce qui constitue une autre source d'inquiétude pour le marché.

TROP BRUTAL ?

La dégringolade du titre vendredi en Bourse pourrait rendre plus compliqué le financement d'une nouvelle acquisition d'ampleur aux Etats-Unis, où Altice a déjà racheté deux cablô-opérateurs, estime un banquier impliqué dans des opérateurs dans le secteur des télécoms.

Le départ de plusieurs cadres de SFR, dont le responsable des télécoms Michel Paulin "pour raisons personnelles", suscite également des interrogations sur les méthodes de management.

"On se demande si la machine Altice n'est pas allée trop loin avec ses méthodes brutales et si les managers peuvent tenir à ce rythme dans la durée", s'interroge un investisseur dans les télécoms avec une petite participation dans Altice.

Un fidèle de Patrick Drahi, Armando Pereira, réputé pour tailler dans les coûts, a été désigné pour remplacer Michel Paulin qui bénéficiait d'un fort capital sympathie auprès de ses équipes, ce qui alimente par ailleurs les inquiétudes des salariés.

Cet investisseur souligne en outre que la décision de SFR d'augmenter de façon automatique les prix de 3 à 5 euros cet été pour certains clients a également agacé une partie de la clientèle au moment où l'opérateur cherche à redorer son image.

D'autres experts du secteur jugent toutefois exagérée la dégringolade du titre vendredi, faisant valoir que le niveau élevé des investissements - autour de quatre milliards d'euros cette année - finira par payer.

SFR a notamment promis de 'fibrer' la France sans subvention d'ici 2025 tandis qu'un plan ambitieux de déploiement de la fibre est également à l'oeuvre aux Etats-Unis.

"Je reste optimiste pour eux parce que c'est une activité où l'infrastructure et la taille comptent", estime le même banquier.

"Ce n'est pas une période sexy pour eux, cela va prendre du temps. Les marchés sont impatients, ils veulent de bonnes nouvelles chaque trimestre", ajoute-t-il.

(Avec Laetitia Volga et Patrick Vignal, édité par Dominique Rodriguez)

Valeurs citées dans l'article : Altice, Altice USA Inc, Iliad