Le président et cofondateur franco-israélien d'Altice a fait une apparition inattendue à la conférence de Morgan Stanley sur les télécoms, les médias et la technologie (TMT) à Barcelone mercredi pour tenter de regagner la confiance des investisseurs après deux semaines de dégringolade du titre en Bourse.

L'action de la holding a plongé de plus de 40% en Bourse d'Amsterdam après l'annonce de ses résultats décevants le 2 novembre qui a conduit Patrick Drahi à évincer son directeur général Michel Combes.

Au troisième trimestre, Altice a perdu environ 75.000 clients dans le fixe en France tandis que sa dette a atteint 49,6 milliards d'euros.

"Nous devons faire en sorte que le client soit content d'être chez nous", a dit Patrick Drahi devant un parterre d'investisseurs, d'analystes et de spécialistes des TMT.

SFR, la marque française d'Altice, a été un peu "décentrée" au cours des trois derniers trimestres et doit régler de "petits problèmes opérationnels".

APAISER LES INVESTISSEURS

Altice s'est développé massivement aussi bien aux Etats-Unis qu'en Europe à coup d'acquisitions financées par la dette, emmenant son endettement net à plus de cinq fois son excédent brut d'exploitation (Ebitda) annuel.

Mais le haut niveau d'endettement et la faiblesse des performances au troisième trimestre suscitent les inquiétudes des investisseurs quant à la stratégie et la gouvernance du groupe.

"Altice a besoin de vrais directeurs opérationnels dans chaque pays", a martelé un banquier spécialisé dans les TMT qui s'est entretenu avec des investisseurs après les résultats trimestriels.

"Les investisseurs ne veulent pas d'un patron européen qui ne jouerait qu'un rôle d'intermédiaire, ça ne marche pas".

Armando Pereira, l'associé avec lequel Patrick Drahi a cofondé Altice, a rejoint SFR en septembre pour superviser le pôle télécoms, coeur du groupe, et régler ce problème de gouvernance.

Mais cela pourrait ne pas suffire à convaincre les investisseurs.

"Ma première question pour Patrick Drahi serait: où étiez-vous pendant tout ce temps et qu'allez-vous changer maintenant ?", s'interroge un gestionnaire de fonds européen, qui ne possède actuellement pas d'actions Altice.

"Patrick Drahi a la capacité de rassurer les investisseurs grâce à son excellente réputation dans le câble mais cette fois ça pourrait s'avérer plus ardu parce que le secteur n'est pas en croissance".

DELEVERAGING

Le groupe va "revenir aux fondamentaux" et ne recherchera pas d'acquisitions dans un avenir proche, a assuré le directeur financier Dennis Okhuijsen, lors de la même conférence sur les TMT.

"Nous nous concentrerons sur notre 'deleveraging' en étudiant la cession d'actifs non essentiels, (avec) des ventes potentielles de tours", a précisé Dennis Okhuijsen.

Selon un banquier proche de la situation, les tours d'Altice en Europe pourraient valoir jusqu'à quatre milliards d'euros. Mais le groupe doit encore décider s'il vend ces équipements de relais télécoms pays par pays ou s'il les réunit dans une sociétés de tours qu'il introduirait en Bourse tout en conservant une participation majoritaire.

Altice pourrait aussi étudier la vente de certains de ses actifs dans les télécoms en Europe, estiment des banquiers, qui ont souhaité conserver l'anonymat.

Patrick Drahi, qui se tenait au côté de Dennis Okhuijsen, a confirmé de son côté sa stratégie, consistant à marier les contenus dans les médias et les services de télécoms. Il a assuré également qu'Altice se concentrerait sur l'amélioration de ses performances, en particulier en France.

L'homme d'affaires a également annoncé le report du plan de changement de nom de SFR, prévu à l'origine pour le premier semestre 2018. Cela permettra d'économiser "plusieurs centaines de millions d'euros", a-t-il dit, reconnaissant que l'objectif du groupe d'augmenter son chiffre d'affaires l'an prochain serait repoussé à 2019.

Patrick Drahi a également chiffré à 200 millions d'euros l'impact sur ses comptes du changement de réglementation française sur la TVA sur son kiosque SFR Presse lancé au printemps 2016 pour proposer sans surcoût la lecture de titres de presse à ses abonnés.

Altice dépensera environ un milliard d'euros en droits sportifs, dont la retransmission en France jusqu'en 2021 de la Ligue des Champions, la compétition européenne de football la plus prestigieuse, a-t-il précisé.

"Ma philosophie dans la vie est (...) que quand j'achète quelque chose, j'essaie de le revendre au moins le double. Je ne suis donc pas devenu idiot le jour où j'ai décidé d'acquérir les droits", a ajouté Patrick Drahi.

L'acquisition des droits sportifs devrait contribuer à générer au moins 1,5 milliard à 1,7 milliard d'euros, hors recettes publicitaires, a-t-il poursuivi.

Nombre d'investisseurs ont également vendu leurs obligations d'Altice depuis les résultats trimestriels, entraînant une hausse de leurs rendements, qui se sont toutefois quelque peu détendus mercredi à la suite des efforts du groupe pour rassurer les marchés.

Quelque 1,3 milliard d'euros d'obligations ont été échangées pour l'instant depuis début novembre, soit plus du double du volume sur l'ensemble du mois d'octobre, selon les données de Trax, filiale de MarketAxess.

L'action Altice a repris des couleurs mercredi, s'adjugeant 7,98% à 9,61 euros, même si elle perd encore 49% depuis le début de l'année.

(Avec Cyril Altmeyer et Gilles Guillaume, édité par Wilfrid Exbrayat)

par Mathieu Rosemain et Sophie Sassard

Valeurs citées dans l'article : Bouygues, Orange, Vivendi, Iliad, Altice