(Actualisation: déclarations du directeur général et du président d'Alcatel-Lucent, précisions sur les projets de Nokia en France, projet de scission de la division câbles sous-marins d'Alcatel, évolution des cours de Bourse)

Les équipementiers en télécommunications Nokia (>> Nokia Oyj) et Alcatel-Lucent (>> Alcatel Lucent) ont annoncé mercredi un accord en vue de leur rapprochement, dans le cadre d'une opération qui valorise le groupe français à 15,6 milliards d'euros.

Cette transaction met fin à des mois de négociations entre les deux sociétés, suivies de près par le gouvernement français, ainsi qu'à des années de spéculations sur un éventuel rapprochement permettant aux deux plus petits acteurs européens des réseaux de rivaliser au niveau mondial avec le suédois Ericsson et le chinois Huawei Technologies.

"Nous avions une activité mobile de taille insuffisante par rapport à celle de nos principaux compétiteurs, et un bilan un peu moins solide aussi", a expliqué mercredi Michel Combes, le directeur général d'Alcatel-Lucent, lors d'une conférence de presse à Paris. La fusion avec Nokia semblait "absolument limpide et évidente".

Une OPE de 0,55 action Nokia pour chaque action Alcatel

Dans le cadre de l'accord, Nokia prévoit de déposer une offre publique d'échange sur la base d'un ratio de 0,55 action Nokia pour une action Alcatel-Lucent. A l'issue de l'offre, les actionnaires d'Alcatel-Lucent détiendraient 33,5% du capital du nouveau groupe, contre 66,5% pour les actionnaires de Nokia.

La transaction offre une prime de 28% sur la base du prix moyen pondéré des actions Alcatel-Lucent sur les trois mois précédents (soit 4,27 euros par action), représentant une valorisation plus élevée que ce que certains analystes avaient anticipé mardi. Selon Nokia, l'opération devrait néanmoins créer de la valeur pour ses actionnaires dès 2017.

Les réductions de coûts seront un facteur important du rapprochement. Alcatel-Lucent et Nokia prévoient que leur union permette de générer 900 millions d'euros de synergies sur les coûts d'exploitation en 2019 en année pleine. L'opération devrait aussi permettre de réaliser des réductions de dépenses d'intérêts financiers de 200 millions d'euros dès 2017 en année pleine.

Des complémentarités technologiques

L'opération rapproche deux entreprises considérées comme des fleurons industriels dans leur pays respectif mais qui ont fait face ces dernières années à d'importantes restructurations. Après la cession de sa division de téléphones mobiles à Microsoft en 2013, Nokia devrait pouvoir, avec Alcatel-Lucent, accélérer sa transformation en un fournisseur mondial des technologies de réseaux, en profitant de l'implantation du groupe français aux Etats-Unis et de ses activités de routage Internet.

"Ensemble, Alcatel-Lucent et Nokia ont l'intention d'être les pionniers en matière de technologies et de services de réseau de prochaine génération", a déclaré le directeur général de Nokia, Rajeev Suri, cité dans un communiqué. "Nous devrions disposer de complémentarités technologiques importantes et du portefeuille de solutions nécessaire pour permettre l'Internet des objets et la transition vers le cloud".

"Nous avons tiré les leçons de nos erreurs", a affirmé Philippe Camus, le président d'Alcatel-Lucent, ajoutant que les deux groupes avaient déjà dessiné les grandes lignes du projet actuel en septembre 2014, après avoir envisagé d'autres structures possibles.

Le futur ensemble sera baptisé Nokia

La finalisation de l'opération est attendue au cours du premier semestre 2016. Le futur ensemble, qui sera baptisé Nokia Corporation, aura son siège social en Finlande et sera dirigé par les patrons actuels du groupe finlandais, le président Risto Siilasmaa et le directeur général Rajeev Suri. Le conseil d'administration sera composé de neuf à dix membres dont trois issus d'Alcatel-Lucent, l'un d'entre eux occupant le rôle de vice-président du conseil.

Pour la France, l'opération sonne le glas d'Alcatel-Lucent en tant que fleuron industriel indépendant. Mais le pays a été capable d'imposer des engagement sur l'emploi, après une réunion mardi entre Rajeev Suri et le président français, François Hollande.

"Nokia a l'intention de maintenir l'emploi en France au niveau de ce qu'il sera à l'issue du plan "Shift" d'Alcatel-Lucent, avec une attention particulière sur les sites clés de Villarceaux (Essonne) et Lannion (Côtes d'Armor)", a fait savoir Nokia dans un communiqué, ajoutant qu'il procéderait à plusieurs centaines de recrutements pour les activités de recherche. Le groupe finlandais a également annoncé qu'il comptait créer un fonds de capital-risque doté de 100 millions d'euros pour soutenir les start-ups en France.

Le nouveau groupe sera coté sur le Nasdaq Helsinki et sur le New York Stock Exchange sous forme d'American Depositary Receipts (ADR). Nokia compte aussi demander une cotation de ses actions à la Bourse de Paris dans le cadre de l'offre publique d'échange.

Le groupe finlandais a indiqué par ailleurs avoir entrepris un examen des options stratégiques pour son activité de cartographie Here. "Cet examen est en cours, il peut ou ne peut pas conduire à une transaction, et d'autres annonces au sujet de Here seront faites en temps voulu", a indiqué le groupe finlandais.

La division de câbles sous-marins d'Alcatel-Lucent sera probablement scindée, peut-être dans le cadre d'une introduction en Bourse, a par ailleurs indiqué Michel Combes. Alcatel avait déjà prévu d'introduire en Bourse une participation minoritaire dans cette activité, que les autorités françaises considèrent comme stratégique.

Vers 14h30, l'action Alcatel-Lucent, qui avait bondi mardi, chutait de 10% à 4 euros. A Helsinki, le titre Nokia gagnait 1,3% à 7,59 euros.

-Blandine Hénault et Sam Schechner, Dow Jones Newswires; +33 (0)1 40 17 17 53; blandine.henault@wsj.com (ed/LB/EC)

(Version française Emilie Palvadeau)

Valeurs citées dans l'article : Nokia Oyj, Alcatel Lucent