* Donetsk vit dans la crainte d'un assaut imminent

* L'homme le plus riche du pays veut éviter des bombardements

* Les pourparlers de paix mis entre parenthèses (Actualisé avec éléments à Donetsk)

par Maria Tsvetkova

DONETSK, Ukraine, 7 juillet (Reuters) - Les séparatistes pro-russes de l'est de l'Ukraine ont entrepris lundi d'ériger de nouvelles barricades à Donetsk, ville d'un million d'habitants où ils tentent de se regrouper après la perte de leur bastion de Slaviansk au cours du week-end.

Du centre de la ville, on pouvait entendre des coups de feu sporadiques au loin et les habitants vivent désormais dans la peur d'une bataille imminente entre les forces gouvernementales et les séparatistes présents en force dans les rues.

D'après le conseiller municipal Maxime Rovinski, 20.000 à 30.000 habitants ont fui mais beaucoup ne savent pas où aller.

Le président ukrainien Petro Porochenko a qualifié la reconquête de Slaviansk de tournant et le pouvoir à Kiev a prévenu qu'il allait s'efforcer de pousser son avantage face aux séparatistes, trois mois après le début de leur insurrection.

Rinat Akhmetov, l'homme le plus riche d'Ukraine, a toutefois exhorté le gouvernement ukrainien à ne pas bombarder Donetsk.

Au cours du week-end, des centaines de séparatistes ont abandonné Slaviansk aux forces gouvernementales et gagné Donetsk, une centaine de kilomètres plus au Sud, parfois à bord de véhicules blindés arborant des drapeaux russes.

Un millier d'entre eux s'est rassemblé dimanche sur la grande place de Donetsk, où, selon l'agence Interfax, leur commandant, un Moscovite se faisant appeler Igor Strelkov, leur a demandé de se battre pour conserver le contrôle de la ville, "bien plus facile à défendre que la petite Slaviansk".

De son vrai nom Igor Guirkine, Igor Strelkov a assuré que 80 à 90% de ses hommes avaient réussi à fuir Slaviansk et s'organisaient désormais pour la défense de Donetsk.

Les séparatistes étaient déployés en nombre lundi dans les rues de la ville, qu'ils bloquent avec des barrages pour vérifier les papiers des automobilistes.

La plupart des commerces sont restés ouverts mais certains ont fermé alors que plane sur la ville la crainte d'un assaut prochain des forces gouvernementales.

"L'atmosphère est très tendue désormais, il n'y a pas de perspective d'avenir. On va se coucher avec inquiétude et on se réveille avec inquiétude", dit Constantin, un cuisinier de 28 ans.

MORAL ATTEINT

"Les autorités de Kiev ont promis de resserrer l'étau autour de Donetsk et de la débarrasser méticuleusement des combattants. Je ne sais plus en quoi croire. Donetsk est plus grande que Slaviansk mais j'ai le sentiment que cela ne prendra pas fin avec un simple étau. Malgré tout, j'ai l'impression que les combattants vont abandonner leurs positions."

On ignore où se trouve Igor Strelkov. Selon des sources parmi les séparatistes, deux autres chefs de la rébellion, Alexandre Borodaï et Denis Pouchiline, sont en Russie.

Le retrait de Slaviansk semble avoir atteint le moral de certains séparatistes, alors qu'ils étaient parvenus à tenir plusieurs villes depuis avril. Un combattant appartenant à une unité baptisée le bataillon Vostok a déclaré en refusant de donner son nom: "C'est un vrai bazar. Nous sommes durement frappés par l'artillerie. On ne voit même pas venir les tirs."

Juste à l'extérieur de Donetsk, un pont ferroviaire enjambant la principale route menant à Slaviansk a été détruit par une explosion lundi au passage d'un train de marchandises. On ignore qui est responsable de cette explosion.

Sur son compte Twitter, Petro Porochenko a donné dimanche l'ordre suivant: "Resserrer l'étau autour des terroristes (...) Poursuivre l'opération pour libérer Donetsk et Louhansk", soit les deux grandes villes de l'Est ukrainien.

Donetsk abrite le siège de Rinat Akhmetov, dont la fortune amassée dans les mines et la métallurgie est estimée à plus de 11 milliards de dollars par Forbes. L'homme d'affaires a invité les forces gouvernementales à la retenue à Donetsk et dans la région environnante du Donbass.

"Donetsk ne doit pas être bombardée. Le Donbass ne doit pas être bombardé. Les métropoles, les villes et les infrastructures ne doivent pas être détruites", a-t-il dit à la télévision ukrainienne.

NOUVELLE DONNE DIPLOMATIQUE

Le gouvernement a annoncé avoir bombardé des séparatistes ayant attaqué dimanche l'aéroport de Louhansk. Il accuse les séparatistes de la région d'ouvrir le feu dans des zones peuplées en se donnant l'apparence des forces gouvernementales.

Le ministère de la Défense avait auparavant accusé les séparatistes de tirs au mortier et à l'arme légère contre les forces ukrainiennes en plusieurs points de l'est de l'Ukraine, au cours de la nuit de dimanche à lundi.

Plus de 200 soldats ukrainiens ont été tués, ainsi que des centaines de civils et de séparatistes, depuis le début du conflit dans l'Est.

La soudaine progression des forces gouvernementales après l'expiration d'une trêve lundi dernier bouleverse la donne diplomatique et les discussions prévues ce week-end pour parvenir à un nouveau cessez-le-feu n'ont pas eu lieu.

Kiev accuse Moscou d'orchestrer en sous-main l'agitation séparatiste dans l'est de l'Ukraine, ce que la Russie dément.

Anton Herchtchenko, conseiller du ministre ukrainien de l'Intérieur Arsène Avakov, a déclaré lundi que les forces gouvernementales surveillaient désormais la frontière pour éviter toute intrusion de combattants ou de matériel en provenance de Russie.

Sur son site internet, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) écrit que de "hauts représentants" de l'Ukraine, de la Russie et de l'OSCE se sont bien rencontrés dimanche, mais en l'absence d'émissaires des séparatistes. (Avec Natalia Zinets et Nadia Kravchenko; Bertrand Boucey pour le service français)