La gratuité, un modèle en échec
En reprenant le Wall Street Journal en 2007, Rupert Murdoch avait annoncé qu'un modèle économique basé sur la gratuité des consultations, et financé par la publicité, serait le seul moyen de tirer des bénéfices de la presse en ligne.

Deux ans plus tard, la crise économique est passée par là et les investissements publicitaires ont fondu. Du coup, le patron de News Corp change son fusil d'épaule et annonce que la partie payante du Wall Street Journal va être bientôt élargie. Un service de micro-paiement permettra d'acheter les articles à l'unité et des contenus « premium » spécialisés seront proposés.

Dans un entretien au Financial Times, le rédacteur en chef du Wall Street Journal, Robert Thomson, a indiqué que le quotidien développait son propre système de micro-paiement, concurrent de celui mis en œuvre par d'anciens patrons de presse au sein de Journalism Online.

La décision de Rupert Murdoch ne doit rien au hasard. Le constat est aujourd'hui incontournable : le modèle de gratuité ne permettra pas aux grands journaux américains de sortir de l'ornière. En outre, le Wall Street Journal a démontré la viabilité du système payant. Le quotidien compte déjà un million d'abonnés qui paient 100 dollars par an pour consulter ses informations.

Le prix des abonnements a augmenté de 21% depuis 2007.

Ne pas lâcher la proie pour l'ombre
Le modèle de micro-paiement devrait être étendu aux autres publications de News Corp (les journaux britanniques The Sun et le Times, ou encore le New York Post), mais le Wall Street Journal était le journal le plus pertinent pour lancer l'expérience. Rupert Murdoch retient ainsi une publication économique renommée, aux informations précieuses pour tous ceux qui gravitent autour du monde des affaires.

Car la stratégie n'est pas sans risque. Certes, les profits à attendre de la publicité sont en baisse, mais il faut prendre garde à ne pas jeter l'enfant avec l'eau du bain.

En 2005, le New York Times avait tenté de faire payer la consultation de ses informations. Le nombre d'abonnés avait augmenté, mais avec une baisse vertigineuse de la fréquentation totale du site, entraînant une chute non moins vertigineuse des recettes publicitaires.

Rupert, toujours dans le bon timing
Le moment choisi par Murdoch pour faire cette annonce n'est pas non plus anodin. L'ancien candidat à la présidence John Kerry a été nommé à a tête d'une commission chargée de réfléchir sur la crise sévère que traverse la presse écrite aux États-Unis. Et dans ce contexte, John Kerry a indiqué au Financial Times que les pouvoirs publics américains pourraient accepter certaines dérogations aux lois anti-trust. Les journaux seraient alors autorisés à constituer des alliances pour définir un modèle économique viable sur Internet.

Une citation du maître Rupert résume assez bien sa vision des choses : « Le monde change très vite désormais. Ce ne sera plus le "grand" qui vaincra le "petit". C'est le "rapide" qui vaincra le "lent" ».