par Claude Canellas

BORDEAUX, 1er juillet (Reuters) - La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux examine mardi les recours de la défense contre la régularité de l'instruction du volet de l'affaire Bettencourt dans lequel Nicolas Sarkozy est mis en examen pour "abus de faiblesse".

Depuis avril, les avocats de la plupart des mis en examen ont déposé des demandes de nullité de tout ou partie de la procédure, dont Thierry Herzog, avocat de l'ex-président, et la liste des reproches faits aux trois juges d'instruction Jean-Michel Gentil, Cécile Ramonatxo et Valérie Noël s'est allongée.

L'avocat de Nicolas Sarkozy conteste notamment l'expertise médicale qui a déterminé le 7 juin 2011 que Liliane Bettencourt était en état de démence sénile depuis septembre 2006 et qui constitue la clé de voûte du dossier.

Me Thierry Herzog fait valoir que l'ex-président, soupçonné d'avoir profité de la faiblesse de l'héritière de L'Oréal en 2007 pour lui soutirer de l'argent en vue de financer sa campagne électorale, a été mis en examen sur la base de textes datant de 2009 et définissant l'abus de faiblesse de manière plus défavorable à l'auteur présumé au moment des faits.

Sur ce point, le procureur général Pierre Nalbert ne devrait pas demander l'annulation de la mise en examen de Nicolas Sarkozy, estimant que ce dernier avait eu largement le temps de s'expliquer durant l'instruction.

De nouveaux éléments ont fourni d'autres arguments aux avocats.

Le Parisien a ainsi révélé que l'un des cinq experts ayant examiné Liliane Bettencourt - et rédactrice de la synthèse -, Sophie Gromb, avait été témoin de l'épouse de Jean-Michel Gentil lors de leur mariage en 2007. Pour les avocats, il s'agit là d'une faute "d'une extrême gravité" susceptible de remettre en cause l'impartialité de l'instruction.

RÉVÉLATIONS EN CASCADE

Douze avocats représentant sept des douze mis en examen dont, outre Nicolas Sarkozy, l'ancien ministre UMP Eric Woerth, le photographe François-Marie Banier, l'homme d'affaires Stéphane Courbit et l'ex-gestionnaire de fortune Patrice de Maistre, ont saisi la Cour de cassation d'une demande de récusation des trois juges bordelais.

Malgré un réquisitoire du parquet général allant dans leur sens, la plus haute juridiction s'est déclarée incompétente le 20 juin, renvoyant les demandeurs devant la cour d'appel de Bordeaux.

Les avocats ont immédiatement annoncé qu'ils saisiraient rapidement la première présidente de la cour d'appel d'une requête en récusation de chacun des trois juges, comme le veut la procédure. Sa décision, qui peut être prise rapidement, n'est pas susceptible d'appel.

Cette requête n'était toujours pas déposée lundi alors qu'un nouvel élément mettant en cause les juges et l'expertise a été révélé vendredi dernier par Le Figaro.

Les neurologues ayant examiné Liliane Bettencourt n'auraient en effet pas été désignés par les juges selon les règles de la procédure. Le juge Gentil, dans son ordonnance de désignation, avait noté qu'il n'avait pas choisi des experts figurant sur la liste de la cour en raison de l'indisponibilité de ceux-ci.

Selon le quotidien, les avocats auraient fait interroger par huissiers les experts figurant sur la liste et ces derniers auraient affirmé ne pas avoir été contactés par le juge, de même que les neurologues ayant examiné la milliardaire.

Les praticiens auraient reconnu une certaine proximité avec Sophie Gromb, l'un d'eux assurant même avoir été contacté par elle et non par le juge lui-même.

Autre développement d'importance : le parquet de Bordeaux a requis vendredi dernier un non-lieu pour absence de charges en faveur de six des douze mis en examen dont Nicolas Sarkozy, Eric Woerth et Stéphane Courbit. Le dernier mot reviendra aux juges d'instruction.

L'audience de la chambre de l'instruction de la cour d'appel avait été reportée une première fois le 25 avril sur demande du parquet général, une requête à laquelle s'était jointe la défense qui a de nouveau sollicité un report le 6 juin. (Edité par Sophie Louet)