* Vincent Bolloré envisagerait leur disparition

* L'émission emblématique de Canal+

* Le monde politique s'émeut

par Leila Abboud

PARIS, 2 juillet (Reuters) - L'ancien président de Canal+ Pierre Lescure a annoncé jeudi sa démission du groupe Havas pour protester contre la fin annoncée des "Guignols de l'info", l'émission satirique de la chaîne cryptée dont Vincent Bolloré souhaiterait l'extinction.

Ce scénario tout sauf riant pour les marionnettes qui brocardent les gouvernants depuis 1988 a pris une tournure politique avec l'intervention en leur faveur de Manuel Valls.

"Nous avons toujours besoin d'impertinence. Et quand on est soi-même concerné par cette impertinence, on ne peut qu'y être favorable", a dit le Premier ministre en déplacement à Toulouse.

Dans ce choeur de protestations, qui fleurissent sur les réseaux sociaux avec le hashtag #TouchePasAuxGuignols", Pierre Lescure, incarnation de "l'esprit Canal" avec Alain de Greef, décédé le 20 juin, a voulu se donner "le cas échéant, la liberté de s'exprimer".

"J'espère que je n'aurai pas à le faire", déclare-t-il sur le site des Echos. "Hier, j'ai commencé à retweeter des tweets parlant du possible arrêt de l'émission et puis je me suis dit que je ne pouvais pas décemment le faire, et donc, j'ai démissionné".

Le groupe publicitaire Havas est présidé par Yannick Bolloré, le fils de Vincent Bolloré, depuis juin 2014 à la tête du conseil de surveillance de Vivendi, la maison-mère de Canal+.

Les médias prêtent à Vincent Bolloré, qui ne goûterait pas l'humour des Guignols, l'intention de mettre les marionnettes au placard dans le cadre d'une refonte des programmes de Canal+ dont les résultats financiers s'érodent.

"SI MÊME AU PAYS DE RABELAIS..."

Le chiffre d'affaires de la chaîne a reculé de près de 3% en 2014 et ses bénéfices de 9%. Le nombre d'abonnés est en baisse et les audiences de la tranche en clair, où figurent les Guignols, sont également décevantes.

Une source proche du dossier a confirmé jeudi à Reuters que Vincent Bolloré avait rencontré récemment les dirigeants de Canal+ pour discuter de l'avenir des Guignols, comme l'a révélé le site PureMedias.

Une seconde source souligne que ces discussions portaient sur les contenus et la stratégie globale de Canal+.

Un porte-parole de Canal+ s'est refusé à tout commentaire, tandis que Vivendi précisait que les nouvelles grilles de la chaîne seraient annoncées à la mi-juillet, comme de coutume.

Le milliardaire Vincent Bolloré, qui offrit à Nicolas Sarkozy la jouissance de son jet et de son yacht personnel en 2007 après son élection à la présidence de la République, a voté pour la socialiste Anne Hidalgo aux municipales de 2014.

Des personnalités politiques, de droite comme de gauche, ont exprimé leurs craintes et leur soutien aux Guignols.

Ainsi l'ancien Premier ministre socialiste Jean-Marc Ayrault a-t-il "tweeté" : "Si même au pays de Rabelais et de Molière on ne protège plus le rire..."

L'ancien Premier ministre Alain Juppé (Les Républicains) a pour sa part remplacé la photo officielle de son compte Twitter par celle de sa marionnette, avec ces mots : "J'aime me voir dans @LesGuignols. Nous avons besoin d'eux. #LesGuignols"

Quant à Florian Philippot, vice-président du Front national, il a jugé "saugrenue", sur BFM TV, la fin présumée du programme.

"Les Guignols de l'Info supprimés pour des raisons évidemment politiciennes. Quel est l'ami de l'actionnaire qui n'aime pas sa marionnette?", s'interroge sur Twitter Corinne Lepage, ancienne ministre de l'Environnement d'Alain Juppé. (Edité par Sophie Louet)

Valeurs citées dans l'article : CANAL PLUS, HAVAS, Vivendi, BOLLORE