par Maria Pia Quaglia

MILAN, 19 novembre (Reuters) - Un groupe de fonds d'investissement italiens et étrangers a déclaré jeudi que la demande de Vivendi d'avoir près d'un quart des sièges au conseil d'administration de Telecom Italia soulevait des problèmes de gouvernance et des questions sur ses intentions vis-à-vis du groupe italien.

Vivendi veut que le nombre de sièges au conseil soit porté de 13 à 17 et que quatre de ces 17 sièges lui reviennent à l'issue de l'assemblée générale prévue le 15 décembre.

Le groupe français, présidé par Vincent Bolloré, est le premier actionnaire de l'ex-monopole italien des télécommunications depuis juin, lorsqu'il a repris les 8,3% du capital de Telefonica en paiement d'une partie de sa filiale brésilienne GVT, rachetée par Telefonica Brasil . Il a ensuite commencé à racheter des actions Telecom Italia après la dissolution de Telco, la holding qui associait l'opérateur espagnol et trois investisseurs financiers italiens et qui détenait auparavant 22,4% du capital. Mardi, Vivendi a annoncé avoir porté sa participation à 20,116%.

Dans une lettre addressée au président de Telecom Italia Giuseppe Recchi, à l'administrateur délégué Marco Patuano et à l'ensemble du conseil, les fonds ont demandé que la proposition de Vivendi soit examinée en urgence.

Ils disent qu'une telle mesure aurait pour conséquence non seulement de diluer la représentation des investisseurs institutionnels au conseil mais donnerait à Vivendi la possibilité d'"exercer une influence plus grande que ce à quoi lui donne droit la part qu'il détient dans Telecom Italia".

Ils s'inquiètent aussi de l'absence de protection contre la possibilité que les membres du conseil de Vivendi influent sur le sort d'une société avec laquelle le groupe français est en concurrence.

Telecom Italia et Vivendi n'ont souhaité faire aucun commentaire dans l'immédiat.

23,5% DES SIÈGES POUR 14% DES ACTIONS ORDINAIRES

Cette lettre fait suite à une information de Reuters, citant une source du secteur, selon laquelle des fonds italiens actionnaires de Telecom Italia s'inquiétaient de voir de nouveau rabotée leur influence au sein du conseil.

La source a précisé que pour l'instant, ces actionnaires ne détenaient que 5% du capital mais désignent les administrateurs représentant l'ensemble des investisseurs institutionnels. Le capital du groupe est détenu à 60% par des fonds étrangers.

Lorsque le conseil d'administration actuel a été formé en avril 2014, la liste de candidats dressée par les fonds italiens a obtenu 50,3% des voix.

"Vivendi semble se comporter davantage comme un actionnaire activiste", a dit la source avant d'ajouter que le mode de scrutin retenu pour l'AG de décembre n'était pas encore arrêté.

L'AG a été convoquée pour approuver le projet de conversion des 6,03 milliards d'actions d'épargne du groupe en actions ordinaires, ce qui se traduirait par une dilution des actionnaires ordinaires actuels.

Deux sources proches du gouvernement italien ont déclaré que celui-ci suivait le dossier mais qu'il n'était pas surpris par l'attitude de Vivendi.

Pour Sergio Carbonara, fondateur du cabinet de conseil aux investisseurs Frontis Governance, le poids de Vivendi au conseil d'administration serait disproportionné s'il obtenait quatre sièges sur 17, soit plus de 23,5%, alors que sa participation tomberait sous 14% une fois converties les actions d'épargne.

"L'élément le plus préoccupant est que Vivendi pourrait disposer d'une influence importante avec une petite participation, étant donné que ses activités sont, dans une certaine mesure, similaires", a-t-il dit en référence à la convergence croissante entre télécommunications et médias.

Vincent Bolloré est, via son groupe familial, l'un des principaux actionnaires de l'influente banque d'affaires italienne Mediobanca et il est considéré comme un proche de l'ex-président du Conseil Silvio Berlusconi, qui contrôle le premier groupe de télévision privée du pays, Mediaset.

"Les intérêts de Vivendi pourraient entrer en conflit avec ceux de Telecom Italia", a-t-il ajouté.

(avec Paolo Biondi, Stephen Jewkes et Valentina Za à Milan, Gwénaëlle Barzic à Paris, Marc Angrand pour le service français)

Valeurs citées dans l'article : Vivendi, Telecom Italia SpA, Mediobanca Group, Mediaset SpA