Miriam Gottfried,

THE WALL STREET JOURNAL

La rémunération à base d'actions ne constitue pas une dépense réelle - ou du moins c'est ce que ce voudraient faire croire les sociétés technologiques aux investisseurs. Mais comme le montre Twitter (TWTR), cette jolie histoire vole en éclats dès lors qu'une entreprise doit réajuster sa rémunération pour prendre en compte la baisse de son cours de Bourse.

Le réseau social américain a offert de nouvelles unités d'actions assujetties à restrictions à des collaborateurs de tout rang dans le but d'éviter les défections. Cet apport a un effet dilutif sur les actionnaires existants qui ont déjà supporté une chute de 64% du titre l'an passé.

Twitter, par sa décision, devient un exemple éloquent du double impact auquel s'exposent les investisseurs lorsque l'élément le plus couramment utilisé pour rétribuer les effectifs dans la Silicon Valley voit sa valeur chuter. Dans ce cas, "une boucle potentiellement dangereuse peut émerger, dans laquelle plus d'actions doivent être émises pour compenser une baisse des anticipations de cours de Bourse des employés par rapport au marché", comme l'ont récemment noté des analystes de C. Bernstein.

Et la situation de Twitter rappelle l'importance de considérer la rémunération en actions pour évaluer une entreprise - même quand la direction la retranche.

Avant ces dernières mesures, la rémunération en actions de Twitter était déjà inhabituellement élevée - 247% des résultats pro forma en 2015, contre 46% pour Facebook et 26% pour la maison mère de Google, Alphabet, selon Bernstein. Mais d'autres groupes technologiques ne sont pas sans risque.

L'influence de Wall Street

La tendance des investisseurs à ignorer la rémunération en actions pourrait certes être alimentée par les analystes de Wall Street qui fondent généralement leurs estimations sur ces résultats "ajustés". Peu d'analystes veulent être les premiers à réintégrer ce coût par crainte d'être exclus du consensus couramment cité, ou de se mettre à dos la direction d'une entreprise.

Pourtant, l'écart entre les résultats pro forma et ceux publiés aux normes GAAP se creuse. Aux normes GAAP, le bénéfice net de Facebook en 2015 ne représentait plus que 56,6% du résultat net pro forma, contre 62% en 2014. Pour les entreprises technologiques composant l'indice S&P 500, la différence entre les deux résultats a atteint globalement 19% en 2015, soit près du double de 2014.

Voilà peut-être pourquoi Warren Buffett s'est à nouveau senti obligé d'aborder cette question dans sa plus récente lettre annuelle aux actionnaires de Berkshire Hathaway.

Exclure la rémunération à base d'actions constitue "l'exemple le plus flagrant" des pratiques de "dirigeants qui demandent à leurs actionnaires d'ignorer certaines dépenses qui ne sont que trop réelles", a écrit Warren Buffett. "Si la rémunération n'est pas une dépense, alors de quoi s'agit-il? Et si les dépenses réelles et récurrentes n'entrent pas dans le calcul des résultats, à quoi d'autre peuvent-elles bien servir?"

Le cas de Twitter plaide en faveur de l'analyse de Warren Buffett. D'autres investisseurs feraient mieux de ne pas l'oublier et de valoriser les entreprises en conséquence.

-Miriam Gottfried, Dow Jones Newswires

(Version française Céline Fabre) ed: ECH