Gregory Abel, 55 ans, directeur général de Berkshire Hathaway Energy, a été nommé vice-président en charge des activités hors assurance du conglomérat et Ajit Jain, 66 ans, au même poste pour les activités d'assurance. Tous deux font leur entrée au conseil d'administration, dont le nombre de membres passe de 12 à 14.

Buffett, 87 ans, reste président directeur général et Charlie Munger, 94 ans, conserve son poste de vice-président. Les deux compères, qui travaillent ensemble depuis plus de 40 ans, restent maîtres des décisions d'allocations et d'investissement, y compris des fusions et acquisitions.

Dans une interview accordée à CNBC, Buffett a expliqué que ces changements "faisaient partie du mouvement vers une succession" et il a souligné qu'Abel et Jain "avaient Berkshire dans le sang" et en étaient deux "figures clé".

Il a ajouté que c'était Munger qui avait eu l'idée de les promouvoir vice-présidents et qu'il n'y aurait pas de rivalité entre eux pour la direction du groupe : "Ils se connaissent très bien, ils s'apprécient et ils ont tous les deux leur domaine de compétence."

Pour David Rolfe, gérant chez Wedgewood Partners à Saint-Louis qui détient des actions de Berkshire, l'annonce de mercredi marque probablement un tournant dans la succession de Buffett, troisième fortune mondiale selon le magazine Forbes.

"On peut probablement dire que ce ne sera plus seulement le 'Warren et Charlie show'", a-t-il déclaré. "L'importance de Greg Abel et d'Ajit Jain est désormais codifiée et ne tient plus seulement à leurs prérogatives actuelles mais aussi à leur autorité future quand Buffett laissera sa place."

Dans l'interview à CNBC, Buffett a assuré que son état de santé restait "remarquablement bon" et n'avait pas motivé sa décision. "Simplement, il y a environ six semaines, je me suis dit 'pourquoi pas maintenant'", a-t-il dit.

Il s'est refusé à dire combien de temps il resterait aux commandes, affirmant seulement : "Dix ans serait long."

Buffett dirige Berkshire depuis 1965 et a gagné le surnom d'"oracle d'Omaha" pour les prophéties toujours très attendues qu'il distille à l'intention des investisseurs petits et grands depuis le siège du groupe dans la capitale du Nebraska.

ABEL GRAND FAVORI

A Wall Street, l'action de classe A de Berkshire progresse de 2.010 dollars (0,66%) à 306.530 vers 17h30 GMT.

"Les actionnaires sont contents de voir que ces importants contributeurs à la valeur de Berkshire accèdent à la vice-présidence et au conseil d'administration", commente Paul Lountzis, fondateur de Lountzis Asset Management à Wyomissing, en Pennsylvanie.

Berkshire, à l'origine une société d'assurance, réunit aujourd'hui plus de 90 filiales opérationnelles parmi lesquelles la compagnie ferroviaire BNSF, les crèmes glacées Dairy Queen, les sous-vêtements Fruit of the Loom et bien d'autres activités.

L'assurance et la réassurance ne représentent plus qu'un quart des résultats opérationnels du groupe.

Gregory Abel a rejoint en 1992 Berkshire Hathaway Energy, filiale basée dans l'Iowa qui exploite plusieurs compagnies d'électricité aux Etats-Unis, au Canada et au Royaume-Uni, ainsi que des gazoducs et des installations d'énergies renouvelables.

Ajit Jain, arrivé à Berkshire en 1986, en dirige les activités de réassurance. De lui, Buffett a dit il y a déjà longtemps qu'il avait probablement fait gagner plus d'argent à Berkshire que lui-même.

Aux yeux des investisseurs et analystes, Abel fait figure de favori pour succéder à Buffett, entre autres à cause de son âge et de son expérience en matière de fusions et acquisitions.

"Jain ferait un très bon directeur général, mais la complexité de l'activité de réassurance requiert une supervision au jour le jour", renchérit David Rolfe, le gérant de Wedgewood Partners.

Buffett, dans l'interview à CNBC, a répété que le conseil d'administration, qui comprend parmi ses membres Bill Gates, le cofondateur de Microsoft, était en capacité de lui nommer un successeur dans les 24 heures le jour venu.

Abel et Jain sont pressentis pour la succession depuis que Charlie Munger a salué leurs performances de "classe mondiale" en 2015 dans une lettre aux actionnaires de Berkshire.

Les adjoints de Buffett en matière d'allocations, Todd Combs et Ted Weschler, sont pressentis pour diriger les investissements tandis que Howard Buffett, fils du patron, devrait devenir président non exécutif du groupe pour en préserver la culture.

(avec la contribution d'Aparajita Saxena à Bangalore, Véronique Tison pour le service français)

par Jonathan Stempel