Si le mariage est remis sur les rails après quelques semaines de doute et doit désormais être célébré en juillet, au lieu de la fin du premier semestre, le contrat reste menacé si les deux groupes ne s'entendent pas sur la personnalité de celui qui assurera les fonctions de directeur général.

Au terme de plusieurs jours d'intenses négociations, Lafarge et Holcim ont convenu d'une nouvelle parité d'échange plus favorable au groupe suisse, la flambée du franc et des perspectives de résultats plus favorables du côté d'Holcim ayant changé la donne depuis l'annonce de la fusion en avril 2014.

Le ratio d'échange a été ramené à 0,9 action Holcim pour une action Lafarge, au lieu de la parité, ce qui donnera à Holcim près de 56% du futur ensemble et 44% à Lafarge, contre 53%-47% dans le schéma initial.

Concernant la gouvernance, la partie suisse a aussi eu gain de cause. Elle n'acceptait plus, selon des sources proches du dossier, que le PDG de Lafarge Bruno Lafont soit directeur général en raison de ses performances passées à la tête du groupe français et de son style de management. Bruno Lafont n'assurera finalement pas cette fonction mais sera coprésident non exécutif du conseil au côté de l'actuel président d'Holcim, Wolfgang Reitzle.

UN AMÉRICAIN DANS LE JEU?

Le directeur général sera nommé dans les prochaines semaines sur proposition de Bruno Lafont et du conseil d'administration de Lafarge. Il n'a pas été précisé s'il serait choisi au sein de Lafarge ou en externe.

"Est-ce qu'il viendra de Lafarge? Ce qui est très important, c'est de dire que c'est Lafarge qui va proposer ce candidat", a déclaré Bruno Lafont lors d'une téléconférence de presse. "Bien sûr, ce sera ratifié par Holcim."

Une source proche du dossier a indiqué que le choix du directeur général devrait être scellé à temps pour l'assemblée générale des actionnaires d'Holcim programmée le 7 mai.

"La gouvernance est toujours totalement équilibrée", a ajouté Bruno Lafont, estimant que le nouvel accord respecte l'esprit de la "fusion entre égaux" du projet d'origine.

Aucune indication n'a filtré non plus sur la nationalité du futur directeur général.

"Si on nous demande notre avis, nous dirons qu'il y a ce truc entre les Français et les Suisses (...) peut-être un ou deux égos", a indiqué sous couvert d'anonymat un des actionnaires de Lafarge. "Il serait peut-être intéressant qu'un Américain entre dans le jeu, on pourrait peut-être alors dépasser les différences culturelles qui persistent."

A la présidence partagée du futur LafargeHolcim viendra s'ajouter un vice-président du conseil, poste confié à Beat Hess, vice-président d'Holcim.

L'équilibre au niveau du conseil d'administration entre les deux groupes, qui auront chacun sept sièges, n'a pas été modifié.

"Les deux conseils ont réussi à trouver un ajustement, mais sera-t-il suffisant pour convaincre les actionnaires? L'histoire de s'arrête pas ici", commente Bernstein dans une note.

UN DIVIDENDE PROMIS APRÈS LA FUSION

Bruno Lafont a précisé que l'accord avait été approuvé à l'unanimité par le conseil de Lafarge.

Réfutant "tout changement profond" de l'accord initial, il a souligné qu'il travaillerait aux côtés de Wolfgang Reitzle à la mise en oeuvre de l'opération dont, a-t-il dit, il n'est pas surprenant, au vu de son ampleur, qu'elle entraîne un certain nombre de "tensions" et de "crispations".

"Mon attitude, depuis dimanche, c'est de montrer que les hommes ne doivent pas bloquer la réalisation de cette fusion", a-t-il ajouté.

A la Bourse de Paris, les titres Lafarge et Holcim malmenés au début de la semaine ont retrouvé des couleurs. Ils prennent respectivement 2,8% et 0,8% en début d'après-midi.

Dans leur communiqué, Lafarge et Holcim soulignent que plusieurs actionnaires clefs ont apporté leur soutien aux nouvelles modalités de l'opération.

LafargeHolcim annoncera après la clôture de l'opération un dividende payable en actions, d'une action nouvelle LafargeHolcim pour 20 actions détenues.

Le principal actionnaire d'Holcim, Thomas Schmidheiny, s'est réjoui des modalités du nouvel accord. Interrogé sur ses intentions, un porte-parole du russe Filaret Galtchev, deuxième actionnaire d'Holcim via Eurocement Holding, a refusé de faire un commentaire.

(Avec Olga Sichkar à Moscou et Sinead Cruise à Londres, édité par Dominique Rodriguez)

par Gwénaëlle Barzic et Gilles Guillaume et Oliver Hirt

Valeurs citées dans l'article : LAFARGE, Holcim Ltd