Paris (awp/afp) - Est-ce le début de la fin pour la biotech française AB Science? Le groupe, qui a tout misé sur une seule molécule contre des maladies très variées, doit arrêter l'ensemble des essais en cours à cause de possibles problèmes cardiaques.

"AB Science annonce l'interruption volontaire des études cliniques du masitinib au niveau mondial", a fait savoir le groupe dans un communiqué publié mardi matin. Il a dans la foulée demandé la suspension de son titre en Bourse.

Créé en 2001, AB Science a quasiment tout misé sur cette molécule dont elle veut faire un vrai couteau suisse pharmaceutique mais qui n'est encore prescrite pour aucune maladie.

Le masitinib bloque le fonctionnement du mastocyte, une cellule suspectée de jouer le rôle de tour de contrôle du système immunitaire. En influant sur son fonctionnement, la société espère pouvoir apporter une réponse à toute une série de maladies.

Ainsi, les essais interrompus concernaient la maladie de Charcot, la mastocytose - un trouble sanguin qui provoque notamment de l'urticaire - et même l'actualité sanitaire écrasante du moment, le Covid-19.

Le groupe avait aussi achevé des essais plutôt encourageants sur l'efficacité de cette molécule contre le développement de cancers, comme celui de la prostate.

L'interruption des essais actuels est donc une nouvelle potentiellement catastrophique pour le groupe, d'autant qu'il ne s'agit pas d'un simple souci d'efficacité. C'est la sécurité du traitement qui est en cause.

AB Science a identifié un risque de "cardiopathie ischémique", autrement dit un manque d'oxygénation du coeur, chez les patients qui ont reçu le traitement.

Ce risque reste encore à confirmer, et le groupe va évaluer les données à sa disposition en collaboration avec les autorités sanitaires concernées, dont celle de la France. Ils vont déterminer s'il y a un lien de cause à effet.

Montagnes russes en Bourse ___

Même si c'est le cas, AB Science pourrait sauver son traitement si les bénéfices potentiels du traitement dépassent les risques.

Mais "au regard des indications ciblées par AB Science, ça semble peu probable", juge auprès de l'AFP Jamila El Bougrini, spécialiste des biotechs chez l'analyste boursier Invest Securities.

En effet, soit les maladies ciblées par AB Science ne menacent pas directement la vie des patients, soit, quand c'est le cas comme pour les cancers, il y a potentiellement d'autres traitements à disposition que le masitinib.

En conséquence, "si les agences décident qu'il y a bien un lien de causalité et qu'il est décidé d'arrêter définitivement tous les essais cliniques, tout le potentiel du masitinib sera remis en question", estime Mme El Bougrini.

Et "si le masitinibib retombe à zéro, on est sur une société qui retombe à zéro en terme de valorisation", conclut-elle.

L'avenir d'AB Science est donc suspendu aux conclusions des autorités sanitaires, un processus qui prendra sûrement plusieurs mois.

C'est le dernier épisode en date d'une série de rebondissements qui, depuis près d'une décennie, ont vu le groupe toucher le fond avant de toujours rebondir.

AB Science avait jusqu'alors connu son pire épisode en 2017, lorsque les autorités françaises et européennes avaient à plusieurs reprises refusé d'autoriser son traitement dans différentes indications, jugeant trop peu convaincants les essais réalisés.

Le groupe avait alors chuté en Bourse, où il avait passé une longue période au plus bas. Mais, après avoir relancé des essais et notamment fait état de résultats favorables dans le cancer du pancréas et la maladie d'Alzheimer, il s'était redressé pour finir 2020 proche de son plus haut niveau historique, à une vingtaine d'euros l'action.

Dernièrement, il avait rechuté fin mai après ses derniers résultats pour le cancer de la prostate, mais ce déclin avait étonné les analystes, comme Mme El Bougrini, car les essais ne s'étaient pas révélés mauvais.

afp/rp