27.08.2012

Le monde se trouve devant de grands défis. La société, l'économie et la politique sont en train de faire des expérimentations élémentaires. Dans les dernières Perspectives du Groupe Sarasin, le directeur des investissements Burkhard P. Varnholt analyse trois problématiques particulières en ces temps difficiles: la croissance dynamique des dettes privées et publiques, les changements démographiques sans précédent en cours dans le monde et les déficits cachés des systèmes de sécurité sociale occidentaux. Pour les investisseurs, la seule réponse valable à ces tâches complexes consiste à prendre des décisions de placement dans une perspective durable.

La crise de la dette occidentale met en lumière l'une des faiblesses manifestes des démocraties: nul n'ignore que les politiciens élus démocratiquement ont tendance à faire des promesses électorales (trop) coûteuses. Il n'est donc pas surprenant que le budget public de la plupart des pays de l'OCDE ne soit plus équilibré depuis le début des années 1970. Le danger est que les autorités perdent de vue la nécessité de pratiquer une politique financière durable et tentent de gagner du temps en achetant la paix sociale avec une politique monétaire ou budgétaire expansive. Une telle attitude est irresponsable et mauvaise pour les citoyens et les créanciers. Il existe pourtant des exemples réussis de gestion de crises, notamment le règlement de la crise de la dette latino-américaine au début des années 1980, de la crise bancaire internationale à la fin des années 1980, de la crise des caisses d'épargne en Amérique ou, encore, la résolution de la crise bancaire et de la dette scandinave ainsi que de la crise de la dette asiatique.

Burkhard P. Varnholt, directeur des investissements de la Banque Sarasin & Cie SA

"Dans le domaine de la gestion de fortune, les placements indiciels et les stratégies "buy-and-hold" pourraient se révéler un mauvais choix ces dix prochaines années, d'une part parce que de nombreux indices de valeurs mobilières n'ont pas encore fait l'objet d'une analyse de durabilité sérieuse, d'autre part parce qu'il n'est pas raisonnable de laisser une stratégie régulatrice "buy-and-hold" fixer l'allocation stratégique des actifs."

L'évolution démographique constitue la principale menace pour notre prospérité

La menace représentée par l'évolution démographique est passée au second plan avec la médiatisation de la problématique de la dette européenne. Pourtant, le niveau de prospérité est en étroite relation avec l'évolution démographique. Le capital humain crée la prospérité et le niveau de prospérité influe sur notre disposition à nous reproduire. Le taux de natalité diminue pourtant continuellement et se situe désormais au-dessous du niveau de stabilité de 2,1 enfants par femme dans un nombre croissant de pays; parallèlement, l'espérance de vie s'allonge. La diminution du nombre d'enfants s'explique en première ligne par la mise en place de systèmes de sécurité sociale et l'allongement de la longévité résulte de l'amélioration des systèmes de santé. Le taux de natalité a reculé dans tous les pays où l'Etat assume ces tâches. Avec l'espérance de vie plus élevée, cette évolution crée un conflit de générations qu'il est difficile de désamorcer. En bref, prendre une retraite anticipée à 58 ou 60 ans, compter avec une espérance de vie de 80 à 90 ans, renoncer à se reproduire et bénéficier d'assurances sociales étatiques n'est pas un projet de vie pouvant être qualifié de durable.

Les assurances sociales sont créatrices de dettes cachées

Outre l'évolution démographique préoccupante, les engagements étatiques implicites découlant des programmes sociaux sous-financés, des erreurs de système et des changements démographiques viendront s'ajouter aux considérables dettes publiques des pays membres de l'OCDE. Trois raisons laissent même présager une aggravation de la problématique ces prochaines années. Premièrement, l'augmentation du rapport de dépendance des personnes âgées surcharge les régimes par répartition qui prévalent encore majoritairement aujourd'hui. Deuxièmement, la plupart des systèmes d'assurance sociale surestiment leur situation financière en se fondant sur des hypothèses trop optimistes en ce qui concerne l'évolution des revenus financiers. Troisièmement, la capacité au risque existant mathématiquement s'est réduite comme peau de chagrin pour la plupart des systèmes d'assurance sociale.

Liste de souhaits politiques

Voici une liste succincte de quatre souhaits en relation avec les défis évoqués. Il s'agit d'idées nullement révolutionnaires devant en principe trouver un consensus politique.

  1. Les freins à l'endettement fonctionnent bien à condition qu'ils se situent à un niveau élevé de la hiérarchie juridique. La Suisse a mis en place un frein à l'endettement efficace dont les effets se font déjà sentir au niveau communal et se déploient jusque dans le budget central de la Confédération.
  2. Afin de mettre un terme à la multiplication des crises bancaires, une garantie unique des dépôts est aujourd'hui une nécessité absolue dans la zone euro. Une telle garantie n'est cependant efficace que si des réductions de bilan ou des fermetures d'établissements financiers sont effectuées selon des critères d'économie de marché et sans différenciation nationale en cas d'insolvabilité.
  3. La plupart des systèmes d'assurance sociale souffrent d'un manque de transparence. Cela signifie que les hausses de coûts prévisibles pourront être occultées de la même façon que la fragilité financière qui s'accentue déjà aujourd'hui. Une transparence complète est requise.
  4. Une évolution démographique équilibrée est essentielle pour l'avenir des systèmes de sécurité sociale. Si l'on prend conscience que les générations futures toucheront vraisemblablement des rentes moins élevées alors que leur espérance de vie sera plus longue, le désir d'enfants pourrait à nouveau augmenter.

Conséquences à long terme pour les investisseurs

Dans une première étape, les investisseurs devraient évaluer systématiquement dans quelle mesure chaque placement est exposé directement ou indirectement à des risques de durabilité économique, sociale ou environnementale. Une telle analyse est au cœur d'une gestion de fortune moderne et durable. Deuxièmement, la question du placement "sans risque" par excellence doit être reposée de façon radicale. Jusqu'à maintenant, les emprunts souverains étaient considérés comme un refuge absolument sûr. Or, la théorie moderne du portefeuille ne fonctionne pas sans un placement sûr incontesté. Enfin, les stratégies indicielles et les approches basées sur une stratégie "buy-and-hold" pourraient se révéler un mauvais choix ces dix prochaines années, d'une part parce que de nombreux indices de valeurs mobilières n'ont pas encore fait l'objet d'une analyse de durabilité sérieuse, d'autre part parce qu'il n'est pas raisonnable de laisser une stratégie régulatrice "buy-and-hold" définir l'allocation stratégique des actifs. Au bout du compte, il est impératif de prendre conscience de la nécessité de préserver les actifs sous gestion. C'est la moindre des choses que les générations futures peuvent attendre des gérants de fortune de notre époque.


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