Alors que nous sommes préparés aux giboulées de printemps, alimentées par le contraste thermique entre haute et basse altitudes, les marchés financiers sont, depuis plusieurs années, frappés par une sensibilité au refroidissement lors de cette période de transition saisonnière. Crise pandémique, crise énergétique, crise monétaire, crise économique, crise bancaire, crise de confiance, crise politique... à force d'évoquer le terme, on perd de vue sa définition. Est-on réellement en rupture d'équilibre ou plus naturellement à la croisée (et non à la crisée) des chemins où le point d'inflexion entre forces cycliques et structurelles crée des tensions ?

Ces dernières semaines, la confiance est malmenée, notamment parce qu'elle touche à l'un des poumons de l'économie, celui du système bancaire dont la mission première est bien de servir de courroie de transmission entre les grands argentiers régionaux et les acteurs économiques. On oublie alors que la recherche d'un nouvel équilibre/stabilité économique, enjeu de la politique monétaire, n'est pas un long fleuve tranquille, en particulier lorsque les forces structurelles de transition (démographique, digitale et énergétique) touchent l'inflation et la croissance. Ce n'est donc pas la faute au too big to fail, à Bâle III, au credit crunch, au bank run, à SVB, ou encore à Credit Suisse. En effet, les expériences du passé ont bien permis d'établir un équilibre financier stable durant les 15 dernières années, où la taille du secteur bancaire suisse s'est réduite (de 6 à 4.5 fois le PIB, soit -25%), et où sa contribution à la valeur ajoutée et à l'emploi s'est divisée. Moindre exposition aux actifs et passifs étrangers, meilleure assise des dépôts des résidents, moindre exposition aux produits dérivés purement financiers, le système bancaire helvétique s'est réorienté sur sa mission première de financement de l'économie au travers du crédit qui occupe plus de 50% de ses actifs au bilan, contre encore 39% en 2008. Il est intéressant de noter à cet égard que, outre le cas suisse, la banque américaine SVB, orientée sur des activités de niche, sera rachetée par une banque commerciale traditionnelle, la First Citizens Bank.

Certes, le resserrement des conditions de financement par la hausse rapide et drastique des taux des banques centrales, ainsi que par la contraction de liquidité, annoncent un ralentissement de la dynamique des prêts. Est-ce à dire que les particuliers et les entreprises interrompent leurs dépenses ou les réfléchissent en limitant les actes impulsifs au profit d'une rationalité de long terme ? Il convient de rappeler que pendant les crises récentes, la solidité financière des entreprises et des particuliers a pu absorber tout ou partie des freins par leurs principales sources fondamentales de revenus, l'activité et le travail. Plutôt que de s'apitoyer sur la contraction des dépôts bancaires pour en dériver des effets contagions dangereux, observons que les épargnants ont allongé leurs investissements en transférant sur des comptes à termes ou des obligations pour profiter de la normalisation des taux d'intérêt, celle qui rétablit le prix du risque et la protection contre l'inflation de long terme. Attention donc à l'interprétation quasi-automatique des effets dévastateurs du resserrement, concentrons-nous sur la recherche du nouvel équilibre économique et financier, après la sortie des taux négatifs, qui tiendra compte des ajustements cycliques (contraction de la construction) et structurelles (maintien sans interruption des investissements indispensables productifs d'innovation et de technologie). Les tensions persisteront dans cette recherche du point d'inflexion, et toucheront certains segments économiques et financiers spécifiques. Leurs effets domino, en revanche, contagieux et trop rapidement labélisés crise, doivent faire l'objet d'examen idiosyncratique pour restaurer la confiance sur base de professionnalisme, de rigueur et de pragmatisme, principaux atouts helvétiques que les entreprises de qualité n'ont pas perdus dans cette croisée des chemins.

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