Paris (awp/afp) - L'action du groupe de distribution Casino a perdu plus de 14% lundi à la suite d'un avertissement sur ses prochains résultats, selon lequel les enseignes du groupe en France ne verront pas leur excédent brut d'exploitation (Ebitda) croître sur l'année 2021.

Un niveau de valorisation qui rappelle l'époque des francs suisses: l'action du distributeur Casino a tutoyé ses plus bas historiques lundi, perdant plus de 14% à 19,53 euros lundi à 14H15, alors qu'elle valait encore 22,70 euros à la clôture vendredi. A l'exception d'un cours à 19,325 euros fin octobre 2020, il faut remonter au mitan des années 1990 pour trouver une action Casino à un si bas niveau.

En cause, un avertissement sur résultats publié à l'orée du week-end. Alors que le groupe mettait encore mi-2021 l'accent sur "la dynamique d'amélioration de la rentabilité dans l'ensemble des enseignes" qu'il détient (Géant, Monoprix, Franprix, Naturalia, Vival...), il a déclaré vendredi soir ne plus prévoir une "progression de l'Ebitda pour l'année 2021" pour les enseignes de distribution en France.

A contrario, il anticipe désormais un Ebitda en retrait de 1,7% "à environ 1.280 millions d'euros contre 1.305 millions en 2020". Casino, qui rendra public ses résultats annuels 2021 le 25 février, attribue ce revers à une évolution du marché de la distribution alimentaire défavorable "dans des proportions plus fortes qu'attendues" en France au quatrième trimestre.

Touristes et télétravail

"Leur surexposition à Paris a sans doute joué en raison du télétravail et du manque de touristes, mais on peut aussi penser à l'émergence des dark stores" de la livraison de courses à domicile, "qui représentent désormais un certain chiffre d'affaires et prennent des ventes à Franprix", détaille Clément Genelot, spécialiste du secteur de la distribution chez Bryan, Garnier & Co. "En dehors des grandes villes, Casino reste encore sous-exposé au drive, un canal de distribution qui reste en vogue même post-Covid."

Les ventes des enseignes du groupe, très présentes en Ile-de-France et dans le Sud-Est du pays, avaient baissé en France (-3,2%) au troisième trimestre 2021 par rapport à la même période en 2020, avait annoncé le groupe en novembre, qui l'expliquait notamment par la baisse du tourisme et "l'effet du passe sanitaire sur les hypermarchés".

Clément Genelot livre aussi un élément d'explication moins conjoncturel: "à l'heure actuelle, le gros problème de Casino est qu'ils ont une approche très court-termiste parce qu'ils sont sous pression de toutes parts pour respecter des covenants sur la marge, les ventes d'actifs...".

Désendettement de Rallye

Les "covenants" (engagements) évoqués par l'analyste s'inscrivent dans le plan de sauvegarde de la maison mère de Casino, Rallye, et sa cascade de holdings (Foncière Euris, Finatis et Euris), lourdement endettées. Ce plan décidé en février 2020 prévoit un remboursement des créanciers, via la remontée de dividendes de Casino vers sa maison mère.

Le plan prévoyait en outre de céder 4,5 milliards d'euros "d'actifs non-stratégiques" de Casino, là encore pour rembourser les créanciers de Rallye. En octobre, le tribunal de commerce de Paris a autorisé un report de deux ans de l'échéancier des remboursements, dans la mesure où le Covid-19 créait "une forte incertitude quant au respect (...) du calendrier de paiement des échéances", selon un communiqué de Rallye.

L'importante échéance de remboursement de créances, dont une partie est nantie sur des titres de Casino, n'est donc plus en février 2023 mais 2025.

Cette course au désendettement pèse sur l'activité de Casino, et "leur politique commerciale est moins agressive à l'heure où tous les groupes indépendants (Leclerc, Système U ou Intermarché) ainsi que Carrefour mettent les bouchées doubles", explique encore Clément Genelot. "On le ressent dans les parts de marché de Casino", en baisse régulière en France selon le panéliste Kantar.

En octobre, c'était Cnova, la maison mère du groupe d'e-commerce CDiscount dont Casino est le principal actionnaire, qui avait suspendu ses objectifs financiers pour 2021 en raison de "conditions de marché moins dynamiques que prévu dans le contexte particulier de la réouverture" des magasins physiques.

A cette occasion, Cnova avait annoncé "différer" l'augmentation de capital d'environ 300 millions d'euros qui était auparavant envisagée avant la fin 2021, en raison "des conditions actuelles du marché et malgré l'intérêt d'investisseurs potentiels".

afp/rp