Colas : Plaquette annuelle 2022

P R O F I L

ENTRETIEN

Frédéric

Gardès

Président- Directeur Général de Colas

L'exercice 2022 s'est déroulé dans

un contexte géopolitique et économique difficile, entre la guerre en Ukraine, la forte hausse des prix de l'énergie et du bitume, la montée brutale de l'inflation… Comment Colas a-t-il fait face ?

Nous nous en sommes plutôt bien sortis.

Certes, nous avons souffert au premier semestre mais, à partir du moment où nous avons pu intégrer les hausses de coûts dans nos prix, nous avons pu rattraper notre retard au point d'atteindre des performances meilleures

que celles de 2021 sur le second semestre. Nous avons fini l'année avec un résultat net part du Groupe en augmentation de 15 %.

Certaines de nos géographies ont été plus impactées que d'autres : l'Europe centrale pour des raisons évidentes, et les États-Unis dans plusieurs régions. Aujourd'hui, l'Europe centrale est la seule de nos zones à souffrir encore.

Une fois de plus, nous avons fait preuve de résilience. Comme pendant la période Covid, nous avons démontré notre agilité, notre réactivité, ainsi que la pertinence

de notre modèle d'affaires, de notre stratégie et de nos actions de transformation.

Pour ne citer qu'un exemple, la création de Continental Bitumen il y a deux ans est

venue à point nommé pour faire face à l'explosion des prix du bitume et éviter des pénuries.

En plus de notre capacité à traverser cette crise, nous avons continué à préparer l'avenir.

Après votre implantation en Finlande fin 2021 au travers du groupe Destia, vous avez réalisé en octobre 2022 l'acquisition de l'entreprise ferroviaire Hasselmann en Allemagne. Êtes-vous satisfaits de ces deux opérations de croissance externe ?

Destia a réalisé une très bonne année.

Son intégration dans le Groupe est une grande réussite. Il n'y a rien d'étonnant à cela :

nous partageons les mêmes métiers, la même vision, la même ambition, les mêmes valeurs.

L'acquisition de Hasselmann par Colas Rail s'inscrit également dans notre stratégie

de développement ciblé. Comme les États-Unis et l'Europe du Nord, l'Allemagne fait partie des pays et des régions dans lesquels

nous voulons nous développer. Jusqu'alors, nous n'étions pas présents dans ce grand pays européen, qui en outre connaît des besoins importants en matière d'infrastructures

de transport. C'était une anomalie !

La valorisation de vos activités industrielles, en particulier les carrières et le bitume, constitue un autre de vos axes stratégiques. Où en êtes-vous ?

L'année 2022 a marqué une grande étape pour notre activité carrières, avec la création de Keystone. Keystone, c'est le nom que nous avons donné à la « Colas Rocks and Recycling Division », division transverse qui anime ce métier.

Nous voulons faire de cette activité un métier à part entière, avec pour ambition d'être

un acteur majeur de la vente et de la production de granulats naturels et recyclés dans des zones de développement ciblées.

Quant à l'activité bitume, elle connaîtra en 2023 un nouveau développement. Nous attendons prochainement la livraison de deux navires bitumiers que nous avons commandés.

Parmi vos priorités stratégiques figure aussi l'accélération de la transformation numérique de Colas. Pouvez-vous nous donner quelques exemples ?

La transformation digitale et son accélération contribuent à la performance et à la durabilité du Groupe.

Parmi nos nombreuses avancées dans ce domaine, je citerai le déploiement, qui touche à sa fin,

de notre projet global Copernic matérialisé notamment par de nouveaux systèmes de gestion et d'information. Autre exemple : le développement de certains outils comme Chantier 360,

une application de suivi de chantier qui connaît un franc succès. Et puis, il y a tout ce qui concerne la défense de l'entreprise contre les risques liés

• la cybercriminalité, et qui inclut une palette d'actions, y compris la formation de tous
• la cybersécurité.

Venons-en à la stratégie bas carbone de Colas. Il y a deux ans, vous avez pris l'engagement de réduire de 30 % vos émissions directes (scopes 1 et 2) et de 30 % également vos émissions indirectes en amont (scope 3a) d'ici à 2030. Êtes-vous confiant dans la capacité

de Colas à atteindre ces objectifs ambitieux ?

Trois remarques pour commencer.

Tout d'abord, nos objectifs sont validés par SBTi (Science-Based Targets initiative), ce qui atteste qu'ils sont en ligne avec l'Accord de Paris.

Ensuite, je tiens à souligner que nous avons été les premiers de notre secteur d'activité

à nous engager sur le scope 3a. Nous pensons

qu'il est de notre responsabilité, en tant que leader, de « faire pression » sur l'amont pour accélérer le mouvement général

de décarbonation.

Enfin, pour mesurer de façon satisfaisante notre empreinte carbone et son évolution, encore faut-il que la méthode de calcul soit la plus pertinente et la plus précise possible.

En 2022, nous avons affiné et rebâti notre méthode. Désormais, notre comptabilité carbone est basée sur des flux physiques. C'était déjà le cas pour les scopes 1 et 2. Aujourd'hui, c'est également

le cas du scope 3a.

Pour ce qui est de notre progression, nous sommes en avance par rapport à notre plan

de marche, en particulier sur les périmètres 1 et 2. Nous avançons aussi sur le scope 3a, même

si c'est plus difficile car le changement ne dépend pas que de nous, il implique toute notre chaîne d'approvisionnement. Nous travaillons donc sur ces sujets avec nos partenaires et sous-traitants. La baisse ne sera pas linéaire : elle s'accélérera vers la fin de la période, quand toutes

les entreprises en amont s'y mettront.

de fréquence des accidents est passé sous la barre du 5 pour la première fois de notre histoire.

Nos programmes Goal Zero et One Safety semblent faire leurs preuves. Mais nous ne pouvons être satisfaits. L'objectif à atteindre est encore loin : zéro accident ! Et surtout, l'an passé, nous avons déploré deux accidents mortels. Après analyse des circonstances, il s'est avéré qu'aucune de nos règles sécurité Groupe n'avait été enfreinte. Il n'en reste pas moins que perdre la vie sur son lieu de travail est inacceptable.

En ce qui concerne l'éthique et la conformité, nous avons encore amélioré notre dispositif, avec notamment une nouvelle plateforme de signalement de faits ou de comportements contraires à l'éthique des affaires ou l'éthique managériale. Ce système d'alerte est ouvert non seulement à tous les collaborateurs du Groupe dans le monde mais aussi aux tiers. Nous avons également mis à jour notre corpus de règles

et procédures d'application des bonnes pratiques en matière de conformité. Et puis, bien sûr, nous poursuivons nos actions de formation, nos campagnes de sensibilisation, etc.

L'éthique n'est pas qu'une question de respect

Notre projet d'entreprise ACT, dédié à la RSE, se déploie

avec un succès qui va au-delà de mes espérances.

Pouvez-vous nous dire un mot sur le déploiement de votre projet d'entreprise ACT, dédié à la Responsabilité Sociétale de l'Entreprise (RSE) ?

Sous le nom de Colas in Motion, nous avons organisé au printemps dernier à Montreux une grande convention RSE, qui a réuni plus de 700 managers en provenance de toutes nos géographies.

Outre le plaisir de nous retrouver après cette période très particulière qu'ont été les années Covid, l'objectif était de nous « embarquer » tous sur les engagements du Groupe. De l'avis unanime, ce temps fort a été une réussite.

ACT se déploie avec un succès qui va au-delà de mes espérances. Il est frappant de voir à quel point, partout dans le monde, et très vite,

les collaborateurs adhèrent. En plus de la force des attentes de chacun sur la RSE, je crois que cet enthousiasme tient, pour une bonne part,

• la grande liberté d'initiative que nous laissons aux entités locales. Des axes ont été définis pour chaque engagement, mais ensuite ce sont
  les entités qui décident et mettent en place les actions qui, selon elles, font le plus de sens sur leur territoire. Ce succès reflète la force de notre modèle.

Colas veut consolider une culture exemplaire en matière de sécurité et d'éthique.

Quels résultats sécurité avez-vous obtenus en 2022 et quelles actions ont été menées en matière d'éthique et de conformité ?

Mon ambition dans ces deux domaines est que Colas soit l'entreprise de référence de son secteur d'activité.

En 2022, nos résultats sécurité ont continué de s'améliorer de façon significative dans quasiment toutes nos géographies. Le taux

de la loi et des règlements. Cela va plus loin :

il s'agit de convictions personnelles et collectives, d'équité dans le business, de protection

des collaborateurs, d'attractivité et de pérennité de l'entreprise.

L'excellence managériale est au cœur de l'engagement de Colas en Ressources humaines (RH). Qu'entendez-vous par là ?

L'excellence managériale concerne principalement la façon dont nous attirons et intégrons les talents, développons le potentiel de nos collaborateurs  et créons des environnements de travail de qualité. Elle s'appuie sur nos valeurs de respect, de partage et d'audace. Elle suppose que nos managers s'approprient certains comportements de base, que nous appelons les « Colas Leadership Essentials ». Elle s'appuie aussi sur l'écoute

des attentes perçues au travers de nos enquêtes internes Dialogue.

Nous avons beaucoup travaillé sur ce sujet

en 2022. Nous proposerons très prochainement

• nos managers de tout niveau une offre de formation pour les accompagner.

Je souhaite, en effet, que Colas soit autant reconnu pour son excellence managériale que pour son excellence opérationnelle.

Une dernière question pour clore l'exercice qui vient de s'écouler : quel est le chantier réalisé par Colas en 2022 dont vous êtes le plus fier ?

Je suis fier de tous les chantiers que nous avons réalisés avec succès dans le monde entier, qu'ils soient petits ou grands, que ce soit de l'entretien ou de la construction, qu'il s'agisse de routes, d'aménagements urbains, de tramways, de pistes cyclables, de pistes d'aéroport… Ce sentiment est partagé par tous ceux qui ont participé

• ces projets. Je profite de cet entretien pour leur rendre hommage.

Parmi les plus emblématiques de ces chantiers, je choisirai la Route de l'Est en Côte d'Ivoire. Ce grand projet symbolise à la fois notre savoir-faire et notre ancrage local. Il a été réalisé, sur notre montage financier, par les équipes de Colas Afrique et de Colas Projects. Plus

de 1 200 personnes ont été embauchées

sur place et formées, et de nombreuses actions de proximité, notamment de sensibilisation

• la sécurité et au respect de l'environnement, ont été entreprises. La satisfaction réside aussi dans l'utilité de cette infrastructure, qui va contribuer au développement économique de la région et à l'amélioration des conditions de vie des habitants. Et en plus, cerise sur
  le gâteau, les travaux se sont passés dans d'excellentes conditions !

Je citerai également un autre chantier, d'un type très différent, et qui est aussi source de fierté pour Colas : la dépollution du site de la Société de la Raffinerie de Dunkerque (SRD). Nous avons su traiter ce sujet de façon responsable, et en utilisant des technologies performantes comme la modélisation BIM. Ce type de réalisation pourrait se développer à l'avenir.

Passons à 2023.

Les perspectives sont-elles encourageantes ?

Nous avons un carnet de commandes record et de bonne qualité, et ce dans toutes nos géographies, avec des nuances tout de même sur l'Europe centrale à cause de la guerre en Ukraine.

Parmi les grands contrats remportés, je citerai la prolongation pour cinq ans du South Rail Systems Alliance et l'extension du tramway de Birmingham au Royaume-Uni, d'importants chantiers de réfection routière et autoroutière

en Amérique du Nord, ou encore la construction d'une section de la ligne 4 du métro du Caire.

De façon générale, nos marchés sont porteurs car nos métiers répondent à des besoins fondamentaux. Le rail en particulier est très dynamique : il s'inscrit bien dans les perspectives de long terme de décarbonation. L'entretien, qui constitue une très grande part de notre activité, bénéficiera de rattrapages après les retards enregistrés dans les programmes de maintenance.

Plus spécifiquement, nous attendons aux États-Unis les effets du plan de relance Biden, qui a commencé à porter ses fruits en fin d'année.

Néanmoins, nous restons vigilants. Les trois derniers exercices nous ont rappelé que la vie de l'entreprise n'est pas un long fleuve tranquille !

L'inflation et la forte hausse des prix

de l'énergie et du bitume dont a souffert Colas l'an passé auront-elles un effet durable ?

Il est un peu tôt pour le dire.

Concernant l'inflation, ce qui est le plus impactant c'est la transition, c'est-à-dire le passage d'un monde où, pendant plus de trente ans, il y avait très peu d'inflation à un autre monde où l'inflation

est élevée. Si le niveau de l'inflation est élevé mais stabilisé, c'est moins impactant… À ceci près qu'une inflation élevée durable pourrait avoir des effets sur la capacité à investir des États, des collectivités, des clients privés. Cela n'est pas le cas pour le moment.

Quant aux prix du bitume, là aussi, la difficulté réside dans la gestion de la transition.

Si les prix devaient redevenir volatils, les effets seraient amplifiés.

Nous avons

des fondamentaux

solides, nous sommes agiles et proches des territoires, et nous sommes fortement engagés.

Quels sont, selon vous, les enjeux les plus importants pour l'avenir de vos métiers ? Et quelles réponses apportez-vous ?

Il y a tout d'abord un enjeu RH, avec une pénurie de main d'œuvre. Dans un contexte général

de vives tensions sur le marché de l'emploi, nous mettons en avant ce que nous faisons concrètement en RSE - j'insiste bien sur

le mot « concrètement » - dans les domaines par exemple de l'éthique, du bas carbone,

du développement de potentiels, de l'excellence managériale, du bien-être au travail, du climat social, etc. Nous travaillons aussi sur la mixité, convaincus que la moitié de la population recèle des talents qui pourraient se tourner vers nos activités. Et puis, il faut compter sur quelque chose qui a toujours existé et ne devrait pas disparaître : cet attrait pour le métier

de la construction, et la satisfaction de voir le fruit de son travail sortir de terre.

Je suis bien placé pour le savoir !

Le plus grand enjeu, c'est bien évidemment la question environnementale. À défaut d'être responsables de ce qui roule sur les routes au sens large du terme, nous savons faire des infrastructures dont la construction

ou l'entretien sont le moins carbonés

et consommateurs de ressources possible. Depuis des années, nous investissons toute notre R&D sur ces sujets, ce qui nous permet de proposer à nos clients une large gamme de solutions bas carbone ou d'économie circulaire. Malheureusement, il est encore rare que la performance environnementale soit un critère de sélection dans les appels d'offres publics, même si cela commence à bouger. En tout cas, nous, nous sommes prêts.

Dans quelles solutions innovantes et responsables croyez-vous le plus pour construire l'avenir de la route ?

Je crois dans la mise en œuvre de méthodes plus vertueuses pour l'environnement, telles que le recyclage, les techniques à froid,

les produits biosourcés… Je crois aussi dans des solutions innovantes comme

la signalisation lumineuse dynamique Flowell, qui permet un meilleur partage de la voirie pour plus de fluidité et de sécurité. Le revêtement

routier photovoltaïque Wattway, décliné notamment sous la forme d'une solution d'autonomie énergétique locale, devrait également intéresser de plus en plus

de clients, un peu partout dans le monde : il apporte en effet une réponse à la question de la pression foncière puisqu'il utilise

des surfaces déjà artificialisées.

Et puis, l'avenir de la route, c'est aussi et surtout son entretien. Le système actuel d'allotissement est inefficace. Il est grand temps de promouvoir les contrats globaux de performance avec des objectifs de résultat, l'ouverture à variantes, les services d'optimisation de l'entretien comme notre offre Infracare, qui utilise des techniques d'auscultation basées notamment sur l'intelligence artificielle.

Êtes-vous confiant dans l'avenir de Colas ?

Je suis tout à fait confiant.

Nous avons des fondamentaux solides

et nous allons continuer de bénéficier des effets positifs de nos plans de transformation.

Nous sommes agiles et proches des territoires. Nous sommes bien positionnés, essentiellement sur des marchés matures où nous réalisons surtout de l'entretien.

Nous répondons à des besoins essentiels de déplacement et de transport, qui existent depuis la nuit des temps.

Nous imaginons et développons des solutions innovantes et responsables pour la mobilité de demain.

Nos collaborateurs sont fortement engagés.

Ils sont notre moteur et notre énergie. Et ils sont fiers de faire ce beau métier qui permet de relier les hommes et de faciliter les échanges.

D'UNE INNOVATION

DE RUPTURE...

1922

Dépôt à Londres du brevet de l'émulsion de bitume Cold Spray, renommée

Cold Asphalt en 1924. L'abréviation de Cold Asphalt a donné son nom à Colas.

COLAS À TRAVERS

LE TEMPS

Colas a été créé pour relever un défi : exploiter le brevet de l'émulsion

de bitume Cold Asphalt, qui a révolutionné la technique routière. Au fil des décennies, le Groupe

a élargi sa palette de savoir-faire en intégrant des métiers complémentaires à la route, principalement les matériaux de construction et, au tournant

des années 2000, le ferroviaire. Présent en Europe et, dès les années 1930, en Afrique, puis en Amérique du Nord dans les années 1960, Colas a multiplié ses implantations sur les cinq continents.

Guidé par l'esprit pionnier des origines, le Groupe a développé des produits, des procédés et des solutions innovantes. Aujourd'hui, Colas continue d'innover pour répondre, de façon responsable, aux besoins en mobilité, qui ne cessent de croître et d'évoluer.