* L'activité de M&A est au point mort

* Les perspectives de reprise sont incertaines

* Déception programmée sur les bonus

* D'importantes suppressions d'emplois attendues

par Sinead Cruise, Iain Withers et Lawrence White

LONDRES, 1er décembre - Entre la dégradation de la conjoncture économique mondiale et les incertitudes géopolitiques, le moral est au plus bas pour les banquiers en Europe, de la City de Londres au centre financier "Mainhattan" de Francfort.

Les opérations de fusions-acquisitions (M&A) sont au point mort depuis plusieurs mois, mettant en difficultés les banques d'investissement, et la situation ne devrait guère s'améliorer pour l'année à venir.

Les dirigeants financiers, consultants et chasseurs de têtes interrogés par Reuters prévoient un flux de transactions modéré, des bonus généralement modestes et d'importantes suppressions d'emplois en 2024.

"2023 sera l'une des années de plus faibles commissions pour la finance d'entreprises de l'histoire moderne", prévient Fabrizio Campelli, responsable la banque de financement et d'investissement chez Deutsche Bank.

Selon des données de Dealogic, les opérations de M&A dans le monde ont atteint 2.669 milliards de dollars (2.448 milliards d'euros) jusqu'à présent cette année, le montant le plus faible depuis 2005.

Mais ce n'est pas seulement la banque d'investissement qui souffre. Les établissement bancaires dans leur ensemble sont aux prises avec des réglementations plus strictes, notamment en matière d'exigences de fonds propres avec le lancement attendu à partir de 2025 du dernier volet de l'accord "Bâle 3".

Certes, les revenus issus des prêts ont bondi avec la hausse des taux d'intérêt des grandes banques centrales mais les marges bancaires sont désormais sous pression alors que le cycle de resserrement monétaire touche à sa fin et que la concurrence s'intensifie pour attirer les dépôts des clients.

"Dans l'ensemble, les perspectives pour les prochaines années pour les banques reposent sur des revenus stables", note Ronan O'Kelly, associé et responsable des services bancaires aux entreprises et aux institutions pour l'Europe au sein du cabinet de conseils Oliver Wyman.

SUPPRESSIONS D'EMPLOIS

Face au ralentissement économique, de nombreuses banques ont dû procéder à des réductions de coûts, ce qui, dans un secteur à forte intensité de capital humain, se traduit inévitablement par des suppressions d'emplois.

"La réduction des coûts est le principal levier que les banques peuvent utiliser pour porter les rendements là où ils devraient être", souligne Ronan O'Kelly.

Des sources ont indiqué à Reuters que Barclays prévoyait un plan d'économies menaçant jusqu'à 2.000 emplois. Sa rivale Lloyds pourrait supprimer 2.500 emplois, d'après une autre source. D'importantes réductions d'effectifs sont aussi attendues chez UBS et Citi dans le cadre d'une vaste réorganisation des deux banques.

La faible activité pour les opérations de M&A signifie par ailleurs que les bonus des banquiers pour cette année devraient être limités, même si certains établissements pourraient se montrer plus généreux pour retenir les talents.

"Dans des périodes relativement calmes comme celles-ci, il est toujours important d'avoir les meilleures personnes qui soient prêtes à affronter la reprise du marché", relève Vis Raghavan, directeur de la région EMEA et co-responsable de la banque d'investissement mondial chez JP Morgan.

INCERTITUDES ET VOLATILITÉ

Avec les conflits en cours en Ukraine et au Proche-Orient, les entreprises devraient rester prudentes l'an prochain, et limiter leurs investissements comme leurs refinancements.

Et les élections attendues dans les prochains mois aux États-Unis, en Inde et au Royaume-Uni risquent d'aggraver l'inertie, pesant sur les perspectives de reprise de l'activité de M&A.

Toutefois si l'incertitude freine l'activité, elle peut dans une certaine mesure augmenter la volatilité des marchés financiers, et dynamiser les revenus issus du trading. Un coup de pouce qui serait bienvenu pour les banques en 2024.

"Le marché est au ralenti mais il n'est pas sans promesse. C'est comme un ressort que l'on pousse vers le bas (...) quand il remonte, il a tendance à le faire avec beaucoup d'énergie", souligne Fabrizio Campelli chez Deutsche Bank.

(Avec la contribution d'Anousha Sakoui et Carolyn Cohn à Londres, Jesus Aguado à Madrid; Blandine Hénault pour la version française, édité par Kate Entringer)