par Helen Reid

LONDRES, 11 mars (Reuters) - Les investisseurs d'Inditex , propriétaire de Zara, réclament au groupe de mode la liste complète de ses fournisseurs afin de pouvoir mieux évaluer les risques liés à la chaîne d'approvisionnement, à l'instar de ses rivaux H&M et Primark.

Les régulateurs et les investisseurs mettent la pression sur le secteur de l'habillement afin de s'assurer que les salariés ne sont pas soumis au travail forcé et qu'ils sont payés de manière décente.

Or, Inditex, contrairement à ses rivaux du secteur, ne spécifie pas les usines auprès desquelles il s'approvisionne. Le groupe ne publie que le nombre de ses fournisseurs dans 12 pays clés.

"Dans le cadre de notre engagement avec Inditex, nous demandons notamment à l'entreprise de divulguer la liste de ses fournisseurs et leur localisation géographique", a expliqué à Reuters le gestionnaire d'actifs néerlandais MN.

"Même si Inditex nous assure qu'il dispose de ces données, il n'est jusqu'à présent pas disposé à les divulguer, contrairement à d'autres entreprises du secteur qui publient des listes exhaustives de leurs fournisseurs."

Les marques de mode et les détaillants, dont Adidas , H&M, Hugo Boss, M&S, Nike , Primark et Puma, publient déjà ces informations, y compris les noms et adresses des usines de leurs fournisseurs.

MN, qui gère les actifs des fonds de pension néerlandais, estime par conséquent important de savoir si Inditex dispose réellement de ces informations.

Inditex, qui doit publier ses résultats annuels le 13 mars, a refusé de commenter les demandes des investisseurs mais estime que son système de traçabilité est "le meilleur du secteur" et lui donne "une visibilité maximale de la chaîne d'approvisionnement".

Le fondateur d'Inditex, Amancio Ortega, détient 59% des parts de l'entreprise et sa fille Sandra Ortega 5%, soit un total d'environ 69 milliards de dollars.

Les cinq investisseurs d'Inditex qui ont répondu aux questions de Reuters détiennent une participation combinée d'environ 2 milliards de dollars dans la société, dont la valorisation actuelle est d'environ 140 milliards de dollars.

Aucun des investisseurs avec lesquels Reuters s'est entretenu n'envisage de se désengager d'Inditex.

RÉSILIENCE

Pour Swetha Ramachandran, gestionnaire de portefeuille chez Artemis Investment Management à Londres, connaître la part des revenus par pays fournisseur permettrait de "déterminer la résilience de leur chaîne d'approvisionnement".

Les chiffres publiés par Inditex sur la chaîne d'approvisionnement depuis 2019 montrent que l'entreprise a réduit le nombre de ses fournisseurs en Chine et les a augmentés au Bangladesh et au Maroc. Mais elle ne donne aucun détail sur la quantité de produits qu'elle leur achète.

Grace Su, gestionnaire de portefeuille chez Clearbridge Investments, qui détient des actions d'Inditex, a déclaré qu'elle avait également demandé plus de clarté.

"C'est très important en raison de toute l'attention portée à l'ESG [Environnement, social et gouvernance, Ndlr], à la main-d'œuvre et aux intrants. L'entreprise prétend être un leader dans ce domaine, il est donc très important qu'elle ait ce niveau d'information."

L'actionnaire Schroders encourage les détaillants de vêtements, y compris Inditex, à faire preuve de transparence, a surenchéri Hannah Shoesmith, responsable de l'engagement au sein de l'entreprise.

Ces informations, et d'autres facteurs environnementaux, de durabilité et de gouvernance, pourraient influencer les décisions d'investissement, a expliqué Marie Payne, responsable de l'investissement durable chez Cardano, un autre actionnaire d'Inditex.

Le fonds souverain norvégien, qui détient une participation de 1,4 milliard de dollars dans Inditex, a déclaré qu'il s'engageait régulièrement avec l'entreprise sur la gestion des risques liés à la chaîne d'approvisionnement, les droits de l'homme et la transparence. Il a refusé de donner des détails sur ces discussions.

Le risque, estiment certains investisseurs, serait que les rivaux d'Inditex s'emparent de cette liste pour s'approvisionner auprès des mêmes fournisseurs.

Inditex a conclu un accord avec la fédération syndicale internationale IndustriALL en vertu duquel elle lui fournit la liste complète de ses fournisseurs. Mais IndustriALL souhaite que toutes les entreprises, y compris Inditex, fassent preuve d'une plus grande transparence.

(Reportage Helen Reid, avec la contribution de Gwladys Fouche, version française Kate Entringer)