Paris (awp/afp) - Le groupe de luxe Kering continue de se démener pour sauver sa marque phare Gucci en grande partie responsable de l'annonce mardi d'une grosse chute attendue de la rentabilité opérationnelle (ROC) au premier semestre, "de l'ordre de 40 à 45 %", après des ventes en recul de 11% au premier trimestre.

Compte tenu du recul du chiffre d'affaires du premier trimestre et "de notre détermination à continuer d'investir sélectivement dans la désirabilité et l'exclusivité de nos marques sur le long terme", le groupe anticipe une "baisse significative" du résultat opérationnel courant au premier semestre, prévient le PDG François-Henri Pinault cité dans le communiqué du groupe.

"Alors que nous prévoyions un début d'année difficile, les conditions de marché, notamment en Chine, et le repositionnement stratégique de certaines de nos maisons, à commencer par Gucci, ont accentué la pression sur notre chiffre d'affaires", selon le PDG.

Depuis plusieurs mois, le groupe est sur une mauvaise pente, plombé par Gucci qui représente 50% du chiffre d'affaires du groupe et les deux tiers de la rentabilité opérationnelle.

"Kering ajoute du drame" à sa présentation trimestrielle en annonçant cette anticipation de chute de rentabilité opérationnelle, selon l'analyste Luca Solca de la banque Bernstein.

Il n'est pas surprenant que les marques "en transition" puissent être en difficulté dans un environnement où la demande baisse et où les consommateurs concentrent leurs dépenses sur les marques incontournables, estime l'analyste.

Mais l'ampleur de la baisse des bénéfices opérationnels annoncés "surprend" quand même, selon lui.

Les ventes sur les trois premiers mois de l'année ont baissé de 11% à 4,5 milliards d'euros, comme anticipé par Kering en mars, ce qui avait entrainé une chute de 12% de son action.

"Nettoyer la maison"

Au premier trimestre, Gucci, la marque phare que le groupe cherche à relancer, a vu ses ventes reculer de 21% à 2,1 milliards d'euros, plombées par une reprise de la consommation plus lente que prévu en Chine.

"Les difficultés que connaît Gucci sont exacerbées en Chine", a souligné la directrice financière de Kering, Armelle Poulou, lors d'un échange téléphonique avec la presse.

"Le marché en ce moment en Chine est assez polarisé entre une appétence des clients pour le très haut de gamme ou pour des produits plus abordables", alors que "Gucci est plus positionné au milieu", a-t-elle précisé.

Par ailleurs, les clients chinois "sont en attente des nouvelles collections", a-t-elle ajouté. Les collections du styliste Sabato de Sarno, qui a succédé chez Gucci à Alessandro Michele, ne font leur apparition dans les magasins que progressivement. Elles devraient représenter 30% de l'offre nouvelle en magasin en juin et la totalité au troisième trimestre.

"Kering est déterminé à surmonter le défi actuel", a assuré un peu plus tard Armelle Poulou lors d'une conférence téléphonique avec les analystes.

Toutes les solutions sont mises en oeuvre depuis plusieurs mois pour sauver le soldat Gucci: changement de directeur artistique, changement de direction avec l'arrivé en tant que PDG d'un proche de François-Henri Pinault, Jean-François Palus et nomination d'un directeur général adjoint venu du concurrent Louis Vuitton, Stefano Cantino.

Gucci travaille aussi sur une stratégie autour des sacs à main pour renouveler son offre, a aussi annoncé Mme Poulou aux analystes, et Kering prévoit de réduire progressivement le nombre de points de vente de Gucci.

"Il est clair que Kering a l'intention de +nettoyer la maison+ pour établir des bases plus fortes pour l'avenir", note Luca Solca, saluant cette volonté de réduire les points de vente, qui montre un désir de "prioriser le long terme".

D'autres marques du groupe patinent aussi. Au premier trimestre 2024, les ventes d'Yves Saint Laurent reculent de 8% à 740 millions d'euros et celles de Bottega Veneta de 2% à 388 millions d'euros. Le chiffre d'affaires des "autres maisons", qui englobe Balenciaga, baisse de 7% à 824 millions d'euros. Seule Kering Eyewear fait un bond de 24% à 536 millions d'euros.

afp/rp