Paris (awp/afp) - Le constructeur automobile français Renault pourrait devoir réduire ses coûts davantage que prévu, tout en préparant un développement ambitieux, estime le nouveau directeur général Luca de Meo, dans un document interne consulté mercredi par l'AFP.

Dans ce texte d'une quinzaine de pages, discuté lundi avec les syndicats du groupe, le nouveau patron recruté chez Seat (groupe Volkswagen) et arrivé début juillet esquisse les grandes lignes d'un nouveau plan stratégique qu'il doit présenter en janvier prochain et qui doit se focaliser sur la rentabilité au détriment des volumes.

Dans une première phase, "jusqu'en 2022", "il faudra peut-être aller plus loin que prévu dans l'effort de réduction de nos coûts. Nous le ferons sans compromettre l'avenir", déclare-t-il.

En difficulté financière, Renault avait annoncé fin mai la suppression d'environ 15.000 emplois dans le monde, dont 4.600 en France, dans le cadre d'un plan d'économies de plus de 2 milliards d'euros sur trois ans.

Parmi les leviers pour économiser, le dirigeant italien veut "poursuivre le redimensionnement de l'ingénierie" et "réduire l'offre au sein des gammes et des produits d'environ 30%", prenant exemple sur le redressement opéré par PSA (Peugeot, Citroën).

Plombé par la crise sanitaire, Renault a perdu 7,3 milliards d'euros au premier semestre, la perte la plus lourde de son histoire.

"Projections alarmantes"

Mais les problèmes de Renault ont précédé la pandémie. "Nos résultats sont en baisse depuis 2018 (...). Nos ventes sont en baisse aussi, et de façon encore plus préoccupante, nos nouveaux modèles ne sont pas assez profitables (...). Nos projections de trésorerie sont alarmantes", s'inquiète le nouveau patron.

Cependant, Luca de Meo estime que "Renault peut s'appuyer sur des atouts spécifiques pour renverser la situation" et arriver "en finale de la Ligue des Champions en 7 ou 8 ans". Il cite notamment son savoir-faire en matière de véhicules à bas coûts et son expertise dans les modèles électriques.

D'ici à 2025, avec une gamme "entièrement restructurée" sur les produits et marchés rentables, et en développant notamment "une bonne performance" dans les véhicules de taille moyenne (de "segment C" dans le jargon automobile), le dirigeant italien espère que Renault pourra "récolter les premiers bénéfices de la reprise des marchés".

A partir de 2026, il voit Renault devenir une "entreprise d'avant-garde et d'excellence en matière de technologie et de services", réalisant "20 à 30%" de son activité "dans des domaines n'ayant rien à voir avec le secteur automobile traditionnel".

Innovation et qualité

La diversification se ferait dans "la technologie financière, les plateformes de mobilité, l'assurance, les données, la gestion de flottes, la création de logiciels, la cybersécurité, les infrastructures, l'économie circulaire, la gestion énergétique, la logistique, et l'ingénierie high-tech", énumère-t-il.

Dans le métier traditionnel de l'automobile, il souhaite mieux positionner Renault avec "des logiciels sophistiqués", "une meilleure qualité perçue", "des produits qui durent plus longtemps", mais aussi des tarifs en hausse. Pour le segment de la Megane (segment C), il assure n'avoir "pas peur d'envisager une hausse de 25-30% du prix de transaction moyen" d'ici à 2025.

Il envisage de développer "une gamme de véhicules électriques emblématiques, rentables, à un prix d'entrée de moins de 20.000 euros, produits en France". Mais il ne croit pas aux grands véhicules haut de gamme, de type Espace, pour la marque Renault: "le haut de gamme à la française, je crois que ce n'est pas pour nous pour l'instant".

Enfin, il souhaite relancer l'alliance avec Nissan et Mitsubishi par des projets "concrets" dans l'hydrogène ou les services de mobilité.

Ce plan a suscité des réactions syndicales mesurées. "On sera très vigilant sur la stratégie industrielle. On ne veut surtout pas que l'outil industriel devienne peau de chagrin", a déclaré Franck Daoût, délégué syndical central CFDT.

Renault "a récupéré un dirigeant qui respire l'automobile (...) Il y a des choses cohérentes mais il va falloir mesurer les difficultés et le dialogue social qu'on aura en face", a déclaré Guillaume Ribeyre, pour la CFE-CGC.

M. de Meo "reste avec les mêmes recettes de réduction des coûts", a critiqué Fabien Gâche, délégué CGT, dénonçant un tour "à 360 degrés pour rester au même endroit".

afp/rp