PARIS (awp/afp) - La masse des aspirants écrivains qui ne trouvent pas d'éditeur est un marché à prendre pour tous ceux qui leur vendent un rêve: être publié, le préalable indispensable pour devenir un auteur reconnu.

Même si plus de 250 livres (tous genres confondus) paraissent en France chaque jour de semaine en moyenne, faire atterrir son roman en librairie reste un exercice extrêmement difficile.

Pour un auteur qui aura envoyé son manuscrit par courrier et convaincu une maison prestigieuse, des centaines voire des milliers d'autres restent en rade.

Ce fut longtemps le cas de Nicolas Bouquillon, cadre dans la finance de 42 ans. Il avait trois collègues chez Société Générale publiés chez des éditeurs reconnus (Lattès, Robert Laffont, Héloïse d'Ormesson, Stock...). Il ne pouvait qu'envier leur réussite.

"J'ai essuyé un nombre incalculable de refus. Mais je préférais ces refus plutôt que de payer. J'avais vu les reportages qui disaient: quand vous voulez être acteur, mannequin, ne payez jamais pour passer un casting. J'ai appliqué ce principe", explique à l'AFP ce passionné d'écriture.

Pour son roman d'anticipation "La Femme qui voulait trouver un sens à sa vie et atterrit sur Mars", il a fini par contacter un petit éditeur de Lyon, Hugo Stern, qui l'a publié en juin 2021. Il ignore encore combien d'exemplaires s'en sont vendus.

Bombardé de pub

Comme tous ceux qui ont navigué sur internet pour trouver les adresses d'éditeurs auxquels envoyer son manuscrit, ou des conseils afin de se faire publier, il a été bombardé de publicités. Autant d'invitations à sortir sa carte bancaire.

Il y a les "masterclass" ou "stages d'écriture". Pour 1.500 euros par exemple, des auteurs de best-sellers comme Éric-Emmanuel Schmitt ou Bernard Werber distillent "en présentiel" les conseils censés faire la différence. Pour 497 euros, c'est Bernard Minier.

Il y a ensuite les éditeurs à compte d'auteur, qui acceptent tous les livres imaginables. Les plus prolifiques d'entre eux, L'Harmattan et Édilivre, revendiquent tous deux "30.000 auteurs".

Ils facturent diverses prestations, pouvant coûter des centaines d'euros voire plus, à ces auteurs qui assument seuls le risque économique si le livre se vend mal.

Ces dernières années, ils ont souffert de l'ascension d'un géant: Kindle Direct Publishing, d'Amazon. Pas besoin de payer pour être édité sur cette plateforme. En revanche, l'auteur n'accède pas aux librairies: Amazon garde l'exclusivité, y compris pour la version imprimée.

"Accéder à la chaîne"

Les autres concurrents qui émergent, et font tout pour se faire connaître des aspirants auteurs, sont les plateformes de mise en relation auteurs-éditeurs. Librinova et Edith & Nous se battent sur ce créneau.

"L'auto-édition fonctionne bien quand on veut diffuser son livre auprès de son réseau. Mais elle ne permet pas d'accéder à la chaîne du livre, notamment les librairies. Nous apportons un maillon permettant de rejoindre cette chaîne", explique à l'AFP le cofondateur d'Edith & Nous, Valentin Vauchelles.

Nicolas Bouquillon s'est payé ces services pour que son manuscrit soit lisible par les éditeurs. Résultat: "Zéro consultation, zéro retour d'éditeur... Je ne regrette pas, ce n'est pas très cher. Mais ça ne m'a rien apporté".

Pour être repéré, "le +pitch+ est décisif pour attirer l'attention en quelques lignes", répond Valentin Vauchelles. "Et tous les genres ne sont pas aussi égaux. Le théâtre, par exemple, est très peu publié. La fiction du réel, où l'auteur traite de faits de société de manière romanesque, est le genre le plus recherché".

Edith & Nous est par ailleurs partenaire du prix du roman non publié, avec la maison d'édition Novice, qui assure une parution aux livres lauréats. Lors de la première édition, en 2021, 140 manuscrits avaient concouru. Pour la deuxième, dont les gagnants (roman et polar) sont proclamés samedi, le nombre a grimpé à 250. Cela fera 248 déçus.

Pour eux, il restera la "boîte à manuscrits" installée lors du Festival du livre citoyen, à la Bibliothèque nationale de France (BnF), le 11 février. Y déposer son texte ne coûtera rien.

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