Paris (awp/afp) - Le géant de la restauration collective Elior inquiétait le marché boursier mercredi, au lendemain de la démission surprise de son patron Philippe Guillemot, qui fragilise le groupe dans un secteur très éprouvé par la crise sanitaire et la généralisation du télétravail.

A la Bourse de Paris à 13H00, l'action cédait 1,34% à 3,83 euros après avoir perdu près de 6% dans la matinée, dans un marché en hausse de 0,91%.

Après le départ soudain de son directeur général qui a démissionné pour "raisons personnelles", Bernard Gault, associé fondateur de la société d'investissement Barville & Co et cofondateur de la société de conseils financiers et de gestion d'actifs Perella Weinberg Partners, assurera l'intérim. Il était administrateur indépendant d'Elior depuis quatre ans.

Dès mardi soir, M. Gault s'est adressé aux équipes d'Elior, abasourdies par l'annonce du départ de leur directeur général.

Le mandat de ce dernier venait d'être renouvelé, la veille, par "98%" des voix lors d'un vote en assemblée générale, à la demande du conseil d'administration qui n'avait pas connaissance de la décision de M. Guillemot, selon une porte-parole.

"C'est une surprise pour tout le monde", a-t-elle précisé mardi soir et "personne n'était informé", a-t-elle réaffirmé mercredi, alors que le groupe doit lancer rapidement le processus de désignation de son futur directeur général.

Si l'expérience de M. Gault "dans les secteurs financier et bancaire est solide, il n'a jamais exercé dans l'industrie de la restauration", souligne l'analyste sectorielle Yi Zhong, chez AlphaValue, pour qui "la nomination d'un DG par intérim accroît la vulnérabilité de la gouvernance".

Cela "pourrait se traduire par un manque de confiance dans la reprise d'Elior et peser un certain temps sur son cours de bourse", dit-elle à l'AFP.

L'action Elior a déjà perdu 39% de sa valeur sur les 12 derniers mois.

Très affecté par la pandémie de Covid 19, en particulier dans la restauration d'entreprise -il sert aussi des repas dans les cantines scolaires et les établissements de santé-, Elior a essuyé une perte nette massive de 483 millions d'euros sur son exercice 2019/2020, qu'il a réussi à ramener à 100 millions d'euros en 2020-2021.

"Pas de boule de cristal"

Mais alors qu'il espérait retrouver son chiffre d'affaires d'avant-crise à "l'horizon 2024", le groupe a suspendu en janvier ses objectifs financiers pour l'exercice en cours, en raison des nouvelles restrictions sanitaires liées au variant Omicron.

Présent dans six pays (France, Espagne, Italie, Royaume-Uni, Etats-Unis et Inde), Elior, qui emploie 99.000 collaborateurs, est en particulier confronté à une "baisse structurelle de chiffre d'affaires, et donc de rentabilité" dans la restauration d'entreprise, en raison de la généralisation du télétravail.

C'était "un marché extrêmement important, qui contribuait fortement aux résultats du groupe: nous sommes frappés en plein coeur de notre modèle", a rappelé M. Guillemot lundi aux actionnaires réunis en assemblée générale. Or, déployer des offres de restauration plus flexibles, auprès des PME en Italie ou en Espagne notamment, "prend du temps", avait-il dit.

Elior affronte aussi une flambée de l'inflation sur "deux postes de coût importants, l'alimentaire, 30% des revenus, et les salaires, plus de 50%", qui met ses marges sous pression, avait aussi rappelé M Guillemot. "Il faut qu'on arrive à la répercuter sur nos clients: ça fait l'objet de discussions aujourd'hui en cours", avait-il rappelé, sur 92% des contrats.

"Je ne vous cache pas que ces discussions ne sont pas simples", avait-il admis. "Prenez les contrats publics en France: aujourd'hui ça ne bouge pas".

"Aujourd'hui clairement, je ne suis pas en position de vous dire comment l'exercice va se terminer", avait-il lancé aux actionnaires mécontents de la dégringolade de l'action, ajoutant : "Si vous avez une boule de cristal, je la prends. Moi je n'en ai pas".

Chez son concurrent Sodexo, la fille du fondateur Sophie Bellon a été nommée PDG le mois dernier. Elle remplaçait déjà par intérim depuis octobre Denis Machuel, débarqué par le conseil d'administration, désireux de trouver un manager capable de "transformer" le groupe face aux défis de l'après-Covid.

afp/jh