Réjane Reibaud,

Newsmanagers

PARIS (Agefi-Dow Jones)--Un mariage entre Ecossais pour créer la plus grande société de gestion britannique. L'annonce faite lundi matin du rachat par l'assureur Standard Life d'Aberdeen Asset Management est un pas de plus vers la consolidation du secteur en Europe. Longtemps annoncée, assez peu réalisée, elle semble aujourd'hui s'accélérer. Cette annonce a, à première vue, tous les atouts d'une opération offensive de développement : Aberdeen y gagne un réseau de distribution et Standard Life y gagne une expertise sur les marchés émergents et asiatiques. L'effet volume joue à plein, mais les aspects défensifs de l'opération n'ont pas non plus échappé aux analystes.

"L'explosion de la croissance des fonds passifs intensifie les pressions qui pèsent sur les gérants de fonds actifs comme Aberdeen et Standard Life ," commentait hier un analyste de ETX Capital. "Aucun secteur ne peut survivre à ce type de perturbation sans consolidation". Et de rappeler les rapprochements annoncés ces derniers mois : le français Amundi avec l'italien Pioneer, le britannique Henderson avec l'américain Janus, ou encore le japonais SoftBank avec le gérant alternatif Fortress.

Un mouvement irréversible pour les ETF ?

D'année en année, la gestion passive et les ETF gagnent des parts de marché au détriment de tous les spécialistes de la gestion active. Lundi matin encore, John "Jack" Bogle, fondateur de Vanguard, le deuxième plus important fournisseur de gestion passive au monde, estimait dans le Financial Times que le niveau des encours des hedge funds ne dépassera plus jamais celui des ETF. Cela fait presque trois ans que les ETF n'ont pas connu un mois de décollecte alors que celui des hedge funds a subi 70 milliards de dollars de retraits l'an dernier. Et pour John Bogle, les raisons en sont bien connues : des frais trop élevés pour des performances décevantes.

Les gérants actifs ne sont pas forcément des hedges funds, mais tous sont touchés par ce constat. Le lobbying est intense de la part des fournisseurs d'indices, comme par exemple Standard & Poor's, qui ne manquent pas une occasion pour sortir des études montrant que les fonds actifs sous-performent en masse leurs indices de référence, y compris sur le long terme.

Et la voix des principaux intéressés porte peu. Les régulateurs, eux-mêmes, partout dans le monde sont plus vigilants à la fixation des prix et à l'honnêteté des performances. La semaine dernière, l'association européenne des investisseurs, Better Finance, donnait même la liste des fonds faussement actifs qu'elle avait trouvés sur la base de la reconstitution d'une étude de l'Esma jusqu'alors anonyme.

Depuis la crise financière, les régulateurs sont aussi plus exigeants sur les reporting ou la gouvernance, obligeant les sociétés de gestion à de nouveaux investissements informatiques. Face à de multiples réformes réglementaires touchant aussi leurs clients, comme les assureurs avec Priips, les gérants doivent s'adapter, contenir leurs prix en même temps que leurs coûts. Un rouleau compresseur qui met fin à la longue période de rente à laquelle ils s'étaient habitués, dans le contexte ultra favorable de la baisse des taux.

Economies en vue pour Aberdeen et Standard Life

Dans leur projet commun, Aberdeen et Standard Life ont bien mis en avant une économie de coûts de 200 millions de livres par an à partir de 2020. Mais malgré 15 trimestres consécutifs de décollecte, le patron d'Aberdeen, Martin Gilbert, a beaucoup insisté sur le fait que son groupe ne subissait aucune pression. "Nous n'avions pas de contrainte pour faire cette opération, nous ne sommes pas endettés et nous disposons de 500 millions de livres de trésorerie", a-t-il assuré. "Laissez-moi être absolument clair : nous avions un très bel avenir si nous avions voulons continuer comme une entreprise indépendante", a-t-il martelé.

Martin Gilbert a pourtant plusieurs fois dit par le passé que rester indépendant "apportait un bénéfice massif", tout en confirmant qu'il aurait bien aimé faire un deal équivalent à celui de Janus et Henderson. Il a aussi été un acquéreur potentiel pour Pioneer avant de se retirer, officiellement pour une question de prix.

Reste à savoir si d'autres potentiels acquéreurs pourraient se manifester.

-Réjane Reibaud, Newsmanagers. ed: ECH

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