Bombay (awp/afp) - L'onde de choc déclenchée au Royaume-Uni par Tata avec la mise en vente de ses activités sidérurgiques marque un échec retentissant pour le géant indien qui avait jusque-là enchaîné les succès en Grande-Bretagne.

Tata Group a accumulé les rachats de marques anglaises prestigieuses depuis une quinzaine d'années, avec le thé Tetley, le constructeur automobile Jaguar Land Rover (JLR) et le sidérurgiste Corus.

Le conglomérat indien, qui détient une centaine d'entreprises dans autant de pays, gère également l'hôtel St James près de Buckingham Palace, et sa filiale spécialisée dans les services informatiques Tata Consultancy Services (TCS) fournit un tiers des entreprises de l'indice phare FTSE-100 de la Bourse de Londres.

En Inde, les marques de Tata sont omniprésentes dans le quotidien des Indiens, du sel aux camions en passant par les montres, représentant un tiers de ses 108 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2014-2015.

"Tata est un nom familier en Inde où il est présent depuis plus de 100 ans, c'est un des pionniers de l'industrie indienne", note Rajrishi Singhal, analyste du think tank Gateway House basé à Bombay.

Pourtant le groupe, fondé en 1868 à l'époque coloniale britannique, a connu des déboires récemment, certaines activités comme Tata Motors (automobile) et Tata Steel (sidérurgie) affichant de piètres performances.

Ratan Tata, président de la holding familiale Tata Sons depuis 1991, est crédité de l'expansion internationale du groupe.

L'héritier de la dynastie Tata a enchaîné les rachats dans le monde entier, acquérant ainsi la marque de café américain Eight O'Clock Coffee ou le fabricant de camions sud-coréen Daewoo Commercial Vehicle.

Au moment où la Chine montrait un appétit vorace en acier en 2007, Tata a payé 13,7 milliards de dollars pour acquérir le sidérurgiste anglo-néerlandais Corus Group, lourdement endetté.

Huit ans plus tard, dans une conjoncture mondiale incertaine, l'industrie sidérurgique ploie sous les surplus. La Chine, en plein ralentissement, exporte son acier bon marché, mettant à rude épreuve les sidérurgistes occidentaux.

"Historiquement, Tata Steel avait toujours été un vaisseau-amiral du groupe", explique Pradip Shah, président d'IndAsia Fund Advisors, société de conseil en investissement et membre du conseil d'administration de Tata Investment Corporation.

"Mais depuis cinq ou six ans, il est apparu plus comme un problème que comme un symbole de succès dans le portefeuille de Tata", dit-il à l'AFP.

- JLR, la renaissance -

Le fondateur du groupe Jamsetji Tata a créé la première usine sidérurgique de l'Inde en 1907 dans un village devenu la ville du groupe, Jamshedpur.

Lorsque l'Inde a ouvert son économie aux investisseurs étrangers dans les années 90, suscitant une concurrence accrue, Tata a fait le choix de se développer à l'étranger.

Le groupe est désormais dirigé par Cyrus Mistry, le premier président à ne pas être un membre de la famille.

Le conglomérat indien maintient ses ambitions planétaires, voulant que ses produits soient accessibles à un quart de la population mondiale d'ici 2025.

En Grande-Bretagne, les marques de luxe Jaguar et de SUV Land Rover, des fiertés britanniques, ont connu depuis leur rachat une renaissance et le chiffre d'affaires de JLR, basé à Coventry dans le centre de l'Angleterre, a plus que triplé entre 2010 et 2015.

JLR a encore annoncé l'an dernier l'investissement de 600 millions de livres supplémentaires pour produire des voitures au Royaume-Uni.

TCS, la filiale de services informatiques, est la vache à lait du groupe et emploie 11.000 personnes rien qu'au Royaume-Uni.

En revanche, l'histoire est bien différente pour Tata Steel, qui perdrait 1 million de livres par jour dans sa seule usine de Port Talbot au pays de Galles.

Mais pour Yet Wyn Grant, professeur de politique à la Warwick University, Tata reste bien vu par les Britanniques grâce à ses investissements.

"Je pense que (les Britanniques) gardent l'image positive d'une bonne entreprise et ne leur en tiennent pas rigueur, car ils perdent de l'argent, mais ils en veulent au gouvernement".

afp/al