Berne (awp) - Fort du succès de sa filiale transalpine Fastweb, acquise en 2007, Swisscom veut prendre une longueur d'avance sur le marché italien des télécoms. Le géant bleu met 8 milliards d'euros (7,6 milliards de francs suisses) sur la table pour prendre le contrôle de l'opérateur mobile Vodafone Italia dans l'espoir de devenir le numéro deux du secteur au sud des Alpes.

Réagissant finalement à des rumeurs relayées ces dernières semaines dans la presse, le groupe bernois a confirmé mercredi des "négociations exclusives" avec le géant britannique Vodafone concernant une reprise totale, en numéraire, de Vodafone Italia. Au terme du rachat, la cible d'acquisition doit être fusionnée avec Fastweb, filiale italienne de Swisscom, essentiellement active dans l'accès à internet.

L'opérateur britannique a pour sa part indiqué être entré en négociations "exclusives avec plusieurs partis pour explorer une consolidation du marché en Italie". L'issue des discussions est encore ouverte, ont cependant averti les deux groupes.

Vodafone Group semble ainsi tourner le dos au français Iliad qui avait présenté en décembre 2023 une offre de fusion de leurs activités italiennes respectives dans le cadre d'une coentreprise à parts égales. La proposition valorisait Vodafone Italia à 10,5 milliards d'euros.

L'offre soumise par Swisscom semble par contre avoir eu la faveur du géant britannique. La valeur d'entreprise de Vodafone Italia représente ainsi un multiple de 26 du flux de trésorerie opérationnel et un multiple de 7,6 du résultat brut d'exploitation (Ebitda) attendus cette année, a précisé Vodafone dans un communiqué distinct.

En cas de réussite de l'opération, ce serait le petit Fastweb qui avalerait le grand Vodafone Italia. Ce dernier comptait l'année dernière 5733 employés, pour un chiffre d'affaires de 4,8 milliards d'euros, en baisse de 4,2%, et un Ebitda ajusté de 1,5 milliard, selon le rapport annuel de Vodafone Group.

Fastweb, fort de 3100 salariés, a pour sa part étoffé ses recettes de 6,1% à 2,63 milliards d'euros en 2023, représentant près de 23% des ventes de Swisscom. L'Ebitda a quant à lui diminué de 6,6% à 798 millions. La filiale italienne compte 3,5 millions de clients dans un marché des télécoms estimé à 12 milliards d'euros et décrit comme étant "l'un des plus compétitifs d'Europe" en matière de communications mobiles, a détaillé le géant bleu dans son rapport annuel.

Les investisseurs pas convaincus

L'opérateur historique helvétique estime par ce rachat augmenter sa valeur d'entreprise et le flux de liquidités. La transaction devrait aussi avoir un effet positif, non spécifié, sur le dividende.

Revenant sur le rejet de l'offre d'Iliad, maison-mère de l'opérateur français Free, les analystes d'Oddo BHF ont estimé qu'il était "probable, selon nous, que Vodafone n'a pas souhaité trouver un accord avec le groupe Iliad, directement responsable des difficultés de Vodafone en Italie depuis son entrée en 2019 avec des offres agressives".

Selon les calculs des analystes de Mirabaud, cette opération de rachat créerait le deuxième plus grand opérateur de téléphonie mobile en Italie, juste derrière TIM.

Les deux sociétés devraient bien se compléter, Fastweb disposant d'un réseau de fibre optique, alors que Vodafone brille dans la téléphonie mobile, a ajouté Mark Diethelm. Selon l'analyste de Vontobel, la future entité italienne de Swisscom pourrait à terme générer plus de 36% du résultat brut d'exploitation (Ebitda) du groupe.

Une telle fusion, si elle aboutit, créerait "un important concurrent sur le marché des télécoms le plus compétitif d'Europe", a souligné le spécialiste de la banque de gestion zurichoise. L'opération devrait également se solder par d'importantes synergies au niveau des coûts.

La dette de Swisscom risque cependant d'enfler suite à cette transaction, a averti l'analyste de la Banque cantonale de Zurich (ZKB). Pour Christian Bader, l'endettement net devrait passer de 7,7 milliards de francs suisses à la fin de l'année dernière à 15,3 milliards.

L'agence de notation Moody's a déjà averti qu'en cas de succès de l'offre, cette dernière aura un impact négatif sur la note de l'opérateur en raison de la hausse "substantielle" du niveau d'endettement.

L'UDC est aussi montée au créneau, rappelant que les aventures internationales de Swisscom en Hongrie, en Inde, en Malaisie, en Allemagne et en Italie se sont soldées par "des amortissements de plusieurs milliards". Dans le cas de l'opérateur, majoritairement détenu par la Confédération, c'est l'Etat et le contribuable qui doit répondre des risques pris par la société, a souligné le parti dans un communiqué.

Dans l'immédiat, les investisseurs ont été prudents et se sont défait du titre Swisscom. L'action de l'opérateur a fini la séance en forte baisse de 1,4% à 503 francs suisses, alors que l'indice vedette SMI a lâché 0,23%.

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