JÉRUSALEM, 29 mars (Reuters) - La fin de l'exemption militaire des étudiants religieux devient un problème politique pour le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, alors que sa coalition se déchire sur la question et que la société israélienne demande une répartition plus juste des coûts de la guerre contre le Hamas.

Le gouvernement avait initialement jusqu'au 31 mars pour faire passer une loi réglant le problème débattu depuis des décennies entre les ultra-orthodoxes et les autres partis, mais Benjamin Netanyahu a demandé à la dernière minute à la Cour suprême d'étendre ce délai de 30 jours.

Si la Cour suprême rejette la demande, l'exemption militaire des étudiants en religion prendra fin lundi 1er avril. L'institution n'a pas encore répondu au Premier ministre mais a publié jeudi une décision provisoire ordonnant au gouvernement de suspendre dès le premier avril le versement des allocations aux étudiants religieux susceptibles de faire leur service militaire.

L'enjeu est de taille pour Benjamin Netanyahu : l'opinion publique est favorable à la fin des exemptions, mais son gouvernement inclut deux partis ultra-orthodoxes (ou Haredim) qui pourraient, en quittant la coalition, déclencher de nouvelles élections. Les sondages d'opinion donnent l'actuel Premier ministre perdant.

Jeudi, ces deux partis, Shas et Judaïsme unifié de la Torah, se sont opposés à la dernière décision de la Cour suprême, sans toutefois menacer de quitter la coalition.

A l'inverse, les proches du ministre de la Défense Yoav Gallant, qui incluent le centriste Benny Gantz, donné gagnant en cas d'élections anticipées, plaident pour l'enrôlement de davantage d'Israéliens.

Yoav Gallant a ainsi récemment déclaré que toute nouvelle loi sur le service militaire devra être soutenue par l'ensemble des partis, suggérant qu'il s'opposerait à toute prolongation de l'exemption actuelle.

De fait, les sondages d'opinion montrent qu'une très large partie de la population est favorable à la fin de l'exemption, alors que de nombreux Israéliens estiment que la guerre contre le Hamas est une guerre dont dépend l'avenir d'Israël : plus de 300.000 réservistes ont rejoint les rangs de Tsahal après le 7 octobre.

La question remonte aux origines d'Israël, en 1948, lorsque David Ben-Gurion avait exempté de service militaires 400 étudiants des communautés Haredim, dans l'espoir de raviver une tradition exégétique pratiquement oblitérée par l'Holocauste.

Cette exemption est devenue de plus en plus problématique à mesure que les communautés Haredim prenaient en importance. Les ultra-orthodoxes, dont le taux de natalité" est élevé, représentent désormais 13% de la population d'Israël, une part qui pourrait atteindre 30% d'ici 40 ans.

Les Haredim craignent que le service militaire n'érode la forte identité religieuse de la communauté, et rares sont les ultra-orthodoxes à servir sous les drapeaux.

L'exemption est l'un des nombreux points de friction entre ces communautés et le reste de la société israélienne. Les hommes haredim consacrent en général leur vie à l'étude religieuse, et vivent du maigre salaire de leurs épouses, de dons, et d'aides sociales - que financent les contribuables israéliens.

Le ressentiment envers les communautés ultra-orthodoxes s'est accru depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza. (Reportage James Mackenzie, version française Corentin Chappron, édité par Kate Entringer)