par Guy Faulconbridge

MOSCOU, 29 mars (Reuters) - La Russie a plaidé vendredi pour une nouvelle approche des grandes puissances à l'égard de la Corée du Nord, accusant les Etats-Unis et leurs alliés d'"étrangler" le régime de Pyongyang et d'aviver les tensions militaires en Asie du Sud-Est.

La Russie, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, a mis son veto jeudi à un projet de résolution prolongeant d'un an le mandat du comité d'experts chargé de veiller à l'application des sanctions de l'Onu contre la Corée du Nord et ses programmes nucléaire et de missiles balistiques.

Ce coup de force a de fait interrompu le système de surveillance, déclenchant la colère des Etats-Unis et de leurs alliés qui ont dénoncé une atteinte à la paix et à la sécurité mondiales.

Soutenue de longue date par la Chine, la Corée du Nord, dont le dirigeant Kim Jong-un a amorcé un rapprochement tactique avec Vladimir Poutine à la faveur du conflit ukrainien, est visée depuis 2006 par des sanctions du Conseil de sécurité.

"Il est évident pour nous que le Conseil de sécurité de l'Onu ne peut plus recourir à d'anciens modèles pour ce qui est des problèmes de la péninsule coréenne", a fait valoir vendredi la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova.

"Les Etats-Unis et leurs alliés ont clairement démontré que leur intérêt ne va pas au-delà d'une volonté d''étrangement' de la République populaire démocratique de Corée par tous les moyens possibles, qu'un règlement pacifique n'est pas du tout à l'agenda", a-t-elle souligné.

Pour Moscou, le comité onusien n'était ni objectif ni impartial et n'était qu'un outil dans les mains des Occidentaux et des "adversaires géopolitiques" de Pyongyang.

La Corée du Nord, qui s'est déclarée puissance nucléaire "irréversible", a effectué son premier essai nucléaire en 2006 et le sixième et dernier à ce jour date de 2017, selon les Nations unies.

Le comité des sanctions du Conseil de sécurité mis en place par la résolution 1718 "a perdu tous les standards d'objectivité et d'impartialité qui devraient être inhérents à ce mandat", a estimé Maria Zakharova. "Rien ne sert de le maintenir en l'état."

"LES VOIES DE LA DETENTE"

Les autorités russes, a poursuivi la porte-parole, sont en quête d'un compromis aux termes duquel les sanctions seraient révisées sur des périodes spécifiques, un scénario d'ores et déjà rejeté par la Maison blanche.

"Nous appelons les parties concernées à s'abstenir de toutes mesures menant à l'escalade et de 'se reconfigurer' pour trouver les voies de la détente, en prenant en compte les priorités sécuritaires connues", a-t-elle dit.

Vladimir Poutine, qui apparente le conflit en Ukraine à une bataille "existentielle" contre l'Occident, entend tirer parti de son rapprochement avec Kim Jong-un pour faire pièce à Washington et ses alliés asiatiques tout en s'assurant des ressources militaires.

Les Etats-Unis, qui ont intensifié leur coopération militaire avec le Japon et la Corée du Sud face à la menace nord-coréenne, accusent le régime de Corée du Nord d'avoir fourni des missiles à l'armée russe, ce que démentent le Kremlin et Pyongyang.

Pour Kim Jong-un, qui a appelé en 2023 à accroître la production de matériel nucléaire militaire et à produire des armes plus puissantes face aux "manoeuvres de confrontation" des Etats-Unis et de leurs "vassaux" asiatiques dans la péninsule coréenne (les manoeuvres militaires conjointes dans la région), sait pouvoir trouver en la Russie un appui militaire et technologique de poids.

Washington et Séoul ont averti que toute attaque nucléaire menée par la Corée du Nord entraînerait une riposte militaire et la "destruction" du régime de Pyongyang. (Rédigé par Guy Faulconbridge, version française Sophie Louet)