* Peugeot pourrait donner le coup d'envoi de nouvelles dépréciations-Fitch

* Les goodwills représentent plus de 40% des fonds propres des valeurs du CAC 40-analyste

* Montants importants de goodwills pour Sanofi, GDF SUEZ et Schneider Electric

* Les secteurs télécoms et les banques concernés-spécialistes

* 9,1 milliards d'euros de dépréciations de goodwills sur 2011 pour le CAC-expert

par Blandine Hénault

PARIS, 8 février (Reuters) - Après Alcatel-Lucent, Crédit agricole et Société générale, d'autres groupes français devraient procéder dans les semaines qui viennent à des dépréciations de survaleurs.

Un processus qui devrait se faire au cas par cas selon les spécialistes et qui pourrait paradoxalement être considéré comme un signal positif permettant de solder cinq années de crise.

La survaleur, également appelée goodwill ou écart d'acquisition, est la valeur accordée par les entreprises à des actifs intangibles tels que la réputation, les marques commerciales ou encore la propriété industrielle et intellectuelle.

Cette valeur est comptabilisée comme une prime par rapport à la valeur nette des actifs lors d'une acquisition.

Depuis 2005, et l'entrée en vigueur des normes IFRS, les sociétés cotées sont obligées d'estimer au moins une fois par an l'existence d'éventuelles dépréciations de survaleurs pour prendre en compte des facteurs tels que des performances décevantes ou une détérioration des perspectives économiques.

"Les goodwills représentent plus de 40% des fonds propres des valeurs du CAC 40, ce qui est un taux très important", souligne Nicolas Maïquès, analyste chez Invest Securities, pour qui les survaleurs sont de plus en plus difficiles à justifier dans le contexte économique actuel.

Plusieurs sociétés ont ainsi déjà procédé à des "opérations vérité" de ce type sur leurs comptes. C'est le cas d'Alcatel-Lucent, de Crédit Agricole ou encore de Société générale. (voir, et )

PSA Peugeot Citroën a aussi annoncé jeudi des dépréciations massives, qui ne touchent pas cette fois le goodwill, mais la valeur comptable des usines et autres actifs de sa division automobile qui a été revue à la baisse de 28%.

LONGUE SÉRIE

Selon une étude de Fitch, les dépréciations annoncées par le constructeur automobile pourraient être les premières d'une longue série parmi les sociétés européennes.

L'agence de notation estime que la moitié d'entre elles pourraient valoriser leurs actifs nets de façon trop optimiste et que les dépréciations d'actifs pourraient s'accélérer dans les prochaines semaines.

"La pression des régulateurs et l'environnement de marché toujours déprimé poussent les entreprises à se poser beaucoup de questions. Celles qui n'ont pas déprécié l'année dernière et qui cotent toujours sous leurs capitaux propres pourraient être amenées à le faire", relève Sonia Bonnet-Bernard, associé gérante chez la société indépendante d'expertise Ricol Lasteyrie.

Dans un rapport publié fin janvier, l'ESMA, l'Autorité européenne des marchés financiers, a lancé un rappel à l'ordre auprès des entreprises de l'Union européenne sur les dépréciations de survaleurs.

Selon plusieurs spécialistes interrogés par Reuters, certaines sociétés françaises pourraient être concernées par ces "opérations vérités" sur les bilans comptables.

38 MILLIARDS DE GOODWILL POUR SANOFI

Au sein des valeurs françaises étudiées par AlphaValue, Sanofi, GDF Suez et Schneider Electric affichent les montants les plus importants de goodwills, explique le fondateur du cabinet d'analyse indépendant Pierre-Yves Gauthier.

D'après des données de Thomson Reuters, Sanofi affichait un goodwill net de 38 milliards d'euros au 31 décembre 2011, GDF Suez de 31,3 milliards et Schneider Electric de 12,7 milliards.

Les secteurs des télécoms et des banques sont cités par les spécialistes comme étant les plus concernés par de possibles dépréciations de survaleur.

Pour Christian Jimenez, président de Diamant Bleu Gestion, dans le secteur bancaire "il pourrait y avoir éventuellement Société générale, même si le management devrait tout faire pour éviter de trop dégrader les comptes 2012".

"Le secteur télécom est très exposé, la dégradation de son environnement ayant été assez forte et c'est en plus un secteur où les acquisitions ont été nombreuses", note pour sa part Nicolas Maïquès d'Invest Securities.

PLUS DE 9 MILLIARDS DE DÉPRÉCIATIONS EN 2011

Toutefois, les spécialistes ne s'attendent pas à une vague massive de dépréciations.

"Les entreprises ont déjà procédé à d'importantes dépréciations en 2011 et en 2012", relève Sonia Bonnet-Bernard, chez Ricol Lasteyrie.

Selon les chiffres du cabinet d'expertise, les dépréciations de goodwill sur 2011 se sont établies à 9,1 milliards d'euros pour les entreprises du CAC 40.

"C'est un chiffre important puisque l'on tourne généralement autour de 3-4 milliards d'euros par an", souligne la spécialiste.

A la fin juin 2012, 2,3 milliards d'euros de dépréciations, dont une bonne partie de goodwill, ont d'ores déjà été passés dans les comptes des sociétés du CAC 40, calcule également Sonia Bonnet-Bernard.

Pour les spécialistes, les dépréciations encore à venir pourraient paradoxalement être un élément positif qui permettrait de solder plusieurs années de crise économique.

"Avec un peu de recul, c'est plutôt bon signe que les entreprises passent des dépréciations, cela montre que, la crise étant finie, les sociétés sont en train de nettoyer leurs bilans", indique Bertrand Lamielle, directeur des gestions chez B*Capital.

"Ces dépréciations vont peser sur les résultats, mais, toutes choses égales par ailleurs, on aura une croissance des résultats l'année suivante", ajoute-t-il.

"Les sociétés se disent que l'on ne peut pas aller plus bas et que c'est peut-être le moment où jamais de nettoyer les comptes pour pouvoir rebondir", relève Sonia Bonnet-Bernard, chez Ricol Lasteyrie.

Le parcours boursier de Crédit Agricole peut en témoigner : le titre de la banque a bondi de 3,37% le 1er février alors même que la banque annonçait une dépréciation de pas moins de 3,8 milliards d'euros. (avec Alexandre Boksenbaum-Granier et Raoul Sachs, édité par Jean-Michel Bélot)