* Un slogan imaginé par les activistes canadiens d'Adbusters

* Inspiration dans les mobilisations du "printemps arabe"

* George Soros dément soutenir financièrement le mouvement

par Mark Egan et Michelle Nichols

NEW YORK, 14 octobre (Reuters) - Apparu en plein jour il y a un mois, le mouvement Occupy Wall Street est considéré comme l'équivalent, sur la gauche du spectre politique, du mouvement conservateur du Tea Party, et comme pour ce rassemblement de la droite américaine, les questions sur ses origines et son financement abondent.

Pour Rush Limbaugh, animateur de radio et figure du conservatisme, comme pour d'autres détracteurs de ce rassemblement contre le capitalisme, le milliardaire George Soros serait à la manoeuvre, au moins pour ce qui est du financement.

"L'argent de George Soros est derrière tout ceci", a affirmé la semaine dernière Rush Limbaugh, dont les émissions sont écoutées par plusieurs millions d'Américains.

Avant d'ajouter: "Et il ne fait aucun doute dans mon esprit que la Maison blanche est derrière tout ceci."

Faux, a fait répondre George Soros, qui "n'a financé ni directement, ni indirectement les manifestations", a déclaré jeudi son porte-parole Michael Vachon. "Et toute affirmation contraire est une tentative émanant de ceux qui s'opposent aux manifestants pour mettre en doute l'authenticité du mouvement", a-t-il ajouté.

Reste que, selon des données disponibles auprès du fisc, l'Open Society, la fondation de George Soros, a versé entre 2007 et 2009 au moins 3,5 millions de dollars à une organisation nommée Tides Center. Et que ce collectif basé à San Francisco participe au financement des activistes canadiens d'Adbusters (littéralement les Casseurs de pub), un mouvement anticapitaliste qui revendique la paternité de l'expression Occupy Wall Street.

"L'AMÉRIQUE MÛRE POUR VIVRE SON PROPRE TAHRIR"

Kalle Lasn, un des cofondateurs du groupe créé à Vancouver, en Colombie-Britannique, explique que l'idée a germé à la suite du "printemps arabe". Le nom du mouvement, poursuit-il, a été popularisé via le site internet d'Adbusters dès le 13 juillet par un appel à un rassemblement pour le 17 septembre.

"Nous étions inspirés par ce qui s'était produit en Tunisie et en Egypte. Nous avions le sentiment que l'Amérique était mûre pour vivre son propre Tahrir", explique-t-il en faisant allusion à la place du Caire devenue l'hiver dernier l'épicentre de la contestation contre le régime d'Hosni Moubarak.

"Nous avions le sentiment qu'une indignation véritable montait en Amérique et nous avons voulu produire l'étincelle qui permettrait à cette indignation de s'exprimer", continue Kalle Lasn, 69 ans.

Adbusters, qui milite pour "un renversement des structures existantes du pouvoir" et "un changement de la manière dont les grandes entreprises exercent leur pouvoir", s'est spécialisée dans les détournements de publicités et des campagnes de marketing à l'efficacité reconnue.

Le collectif est à l'origine de campagnes comme le "Buy Nothing Day", une journée de boycott de toute forme de consommation, ou la "Digital Detox Week", une semaine pour se "désintoxiquer" des appareils numériques.

Et le mot d'ordre "Occupy Wall Street" aurait donc été créé par ces activistes canadiens. Mais Occupy Wall Street, qui en est à sa quatrième semaine, a fait depuis tache d'huile à travers les Etats-Unis. (voir )

Le mouvement bénéficie d'autres soutiens. Le site internet Kickstarter, qui permet de centraliser des promesses de dons, a récolté 75.000 dollars ainsi que des vivres. Michael Moore, le documentariste palme d'or à Cannes pour Farenheit 9/11 en 2004, a promis lui aussi de l'argent.

Le président Barack Obama a exprimé sa sympathie pour les "indignés" qui dénoncent le niveau élevé du chômage et les inégalités de répartition des richesses.

"Ces manifestants expriment une suspicion plus largement partagée envers la manière dont fonctionne notre système financier", a déclaré le président américain la semaine dernière.

George Soros dit lui aussi "pouvoir comprendre leur ressentiment". C'était la semaine dernière devant la presse aux Nations unies. Il n'en pas dit davantage et son porte-parole a précisé que les fonds versés au Tides Center étaient assignés à un usage spécifique, et qu'ils n'avaient pas servi à financer Adbusters.

"Il ne nous a jamais donné un centime", confirme Kalle Lasn, qui, relevant que "de nombreuses idées de George Soros sont assez bonnes", avoue qu'il aimerait bien profiter de la fortune du milliardaire.

A l'instar des manifestants, Soros a protesté contre le plan de renflouement sur fonds publics des banques à la suite de l'éclatement de la bulle des crédits "subprime" et de la faillite de Lehman Brothers, en septembre 2008.

En 2009, il écrivait ainsi qu'en reprenant les avoirs toxiques grevant les comptes des établissements financiers, les pouvoirs publics "fournissaient aux banques une assistance artificielle aux dépens considérables des contribuables".

Et Soros a exhorté en vain Obama à recapitaliser ou nationaliser les banques et à les contraindre à prêter à des taux attractifs. Ses appels n'ont pas été entendus par le président démocrate.

Il n'en faut pas plus pour que Rush Limbaugh voit la main de Soros derrière ce mouvement, mais aussi celle de la Maison blanche. "Obama va maintenant, pour sa réélection, mener campagne contre Wall Street, et tous ces crétins qui manifestent ne comprennent pas que Wall Street et Obama sont inséparables." (avec Cameron French à Toronto; Henri-Pierre André pour le service français)