Tokyo (awp/afp) - La Bourse de Tokyo s'est enfin totalement remise de l'éclatement de la bulle spéculative japonaise du début des années 1990: son indice vedette Nikkei a dépassé jeudi ses précédents records historiques, qui remontaient à fin 1989.

Stimulé par le feu d'artifice des résultats du géant technologique américain Nvidia publiés la veille, le Nikkei a bondi de 2,19% à 39.098,68 points, effaçant ainsi son précédent record absolu en clôture datant du 29 décembre 1989 (38.915,87 points).

Le Nikkei a aussi atteint jeudi un nouveau plus haut historique en séance (39.156,97 points). Le précédent remontait aussi au 29 décembre 1989 (38.957,44 points).

Non content d'avoir déjà bondi de 28% en 2023 - sa meilleure performance annuelle en dix ans - le Nikkei a encore grimpé de façon spectaculaire depuis le début de cette année (+17,5%).

Plusieurs facteurs expliquent sa forme éclatante, selon les analystes.

Les investisseurs s'attendent à ce que "le yen bon marché persiste, compte tenu des politiques d'assouplissement monétaire de la Banque du Japon, ce qui entraînera une hausse des prix et des salaires", a récemment commenté Takahide Kiuchi, un économiste du Nomura Research Institute.

La faiblesse durable du yen est liée aux grandes divergences entre la politique monétaire japonaise et celles d'autres grandes banques centrales comme la Fed américaine, qui elle a relevé drastiquement ses taux directeurs depuis 2022.

Cette tendance de change rend les valeurs japonaises bon marché pour les investisseurs étrangers, et gonfle artificiellement les résultats des entreprises nippones orientées à l'export.

La Banque du Japon a clairement fait savoir qu'elle maintiendrait encore longtemps son cap très accommodant, même si elle mettait fin cette année à certaines de ses mesures non conventionnelles, comme son taux négatif de court terme: de la musique aux oreilles des investisseurs au Japon.

Contraste avec la Chine

La Bourse de Tokyo profite aussi du marasme des marchés financiers chinois, lestés par la crise immobilière en Chine et la reprise économique laborieuse du pays.

Depuis janvier, le marché d'actions japonais est redevenu numéro un en Asie en termes de capitalisation boursière, devant Shanghai, selon des données de l'organisation World Federation of Exchanges.

Des investisseurs étrangers soucieux des risques géopolitiques cherchent également des alternatives à la Chine ailleurs en Asie, et à ce titre Tokyo ne manque pas de charme.

Il y a notamment eu un effet d'entraînement lié à Warren Buffett, le célèbre investisseur américain, qui mise depuis 2020 sur plusieurs sociétés japonaises et qui a réaffirmé l'an dernier sa confiance dans le marché tokyoïte.

Par ailleurs, les sociétés japonaises soignent davantage leurs actionnaires que par le passé, à coups de dividendes plus élevés, de rachat d'actions plus fréquents et d'une diminution de leurs participations croisées.

Des incitations fiscales plus généreuses dans l'archipel depuis 2024 encouragent aussi davantage de Japonais à boursicoter.

Pas de bulle pour l'instant

La Bourse de Tokyo n'est pas menacée par une nouvelle bulle pour le moment, selon les analystes.

"Les prix des actions ne sont pas si élevés" par rapport aux cours de la fin des années 1980 quand on les compare avec les bénéfices dégagés par les entreprises, souligne ainsi Asuka Sakamoto, cheffe économiste chez Mizuho Research & Technologies.

La période de la bulle spéculative au Japon à la fin des années 1980 avait été un moment d'opulence et d'excès. Le marché immobilier avait atteint des sommets ubuesques: le prix du m2 dans certains quartiers chics de Tokyo était 350 fois supérieur à ceux dans Manhattan, au coeur de New York.

L'atterrissage a été brutal à partir de début 1990, et pendant les trois décennies suivantes, l'économie et la société japonaise ont été durement marquées par l'éclatement de la bulle.

L'économie japonaise aujourd'hui reste fragile: elle a même accusé une petite récession fin 2023, les consommateurs souffrant de l'inflation combinée à la baisse du yen.

Mais la BoJ s'affiche de plus en plus confiante quant à la possibilité d'atteindre son objectif d'une inflation stable autour de 2%, en espérant que les salaires augmenteront désormais significativement, et durablement, dans le pays.

afp/al