Christine Lejoux,

Agefi-Dow Jones

PARIS (Agefi-Dow Jones)--Les entreprises américaines hésitent à se réjouir du projet de réforme de la fiscalité aux Etats-Unis, pourtant censé leur profiter grandement et dont le processus législatif connaît d'importantes avancées. La Chambre des Représentants a adopté jeudi soir les mesures d'allègement de la fiscalité voulues par l'administration Trump, qui comprennent notamment une baisse du taux de l'impôt sur les sociétés (IS) de 35% à 20%. Le Sénat doit encore se prononcer avant une potentielle entrée en vigueur de la réforme en 2018.

"Corporate America" s'intéresse évidemment au sujet: sur les 445 sociétés de l'indice S&P 500 qui ont organisé des conférences téléphoniques pour présenter leurs résultats du troisième trimestre, 93 ont évoqué à cette occasion le projet de réforme fiscale, selon une enquête de FactSet. Elles n'étaient encore que 79 et 42, respectivement, à aborder cette thématique lors de la publication de leurs résultats des premier et deuxième trimestres, d'après le fournisseur de données financières.

Une refonte de la fiscalité aux contours incertains

Mais les entreprises américaines ne se bercent pas d'illusions. Sur les 34 sociétés du S&P 500 qui ont commenté le projet de réforme fiscale depuis la présentation de la version de la Chambre des Représentants, le 2 novembre, la moitié ont souligné l'incertitude relative aux mesures qui seront définitivement adoptées.

Le groupe de services aux collectivités Alliant Energy juge ainsi qu'il est "trop tôt pour évaluer les conséquences potentielles de la réforme fiscale sur notre groupe et sur nos clients, notamment en raison des changements attendus dans les prochaines semaines", à la faveur de la poursuite du processus législatif.

"Le calendrier et les spécificités de la réforme de la fiscalité demeurent incertains", a souligné de son côté le groupe d'électricité Ameren. Brighthouse Financial, filiale de MetLife spécialisée dans l'assurance-vie, leur a fait écho en déclarant que "la version initiale du projet de réforme fiscale est appelée à changer, si bien qu'il est très difficile de spéculer sur les points qui seront finalement votés."

Des dissensions au sein du camp républicain

Comment pourrait-il en être autrement ? Le 9 novembre, les sénateurs républicains ont dévoilé leur propre version du projet de réforme de la fiscalité. A la différence de celle de la Chambre des Représentants, elle prône un report d'un an de la baisse du taux de l'IS, à 2019. En outre, au sein même de la majorité républicaine du Sénat, il existe des désaccords sur ce texte, alors que les sénateurs doivent voter dessus à partir du 27 novembre. Avec 52 sièges sur 100, les républicains ne peuvent se permettre plus de deux défections. Or Ron Johnson a déjà annoncé son opposition et d'autres sénateurs pourraient le suivre, après la récente inclusion dans le texte d'un article détricotant un volet de la loi sur l'assurance-santé.

Dans ce contexte, la plupart des entreprises se refusent à intégrer d'éventuels allègements de la fiscalité dans leur plan de marche pour 2018. Ralph Lauren ne se hasardera pas à financer des rachats d'actions l'an prochain. La baisse de l'imposition des bénéfices dégagés à l'étranger contenue dans le projet de réforme fiscale devrait pourtant encourager le groupe de prêt-à-porter de haut de gamme à rapatrier de la trésorie aux Etats-Unis. Mais, là encore, au-delà de ses "besoins de cash", la société invoque "des incertitudes relatives au projet de réforme fiscale." Dans la même veine, "nous ne prenons actuellement aucune décision de gestion opérationnelle ou d'investissement en fonction des mesures figurant dans le projet de réforme fiscale", a tranché la société d'investissement immobilier Boston Properties. Prudence est mère de sûreté.

-Christine Lejoux, Agefi-Dow Jones ; +33 (01) 41 27 48 14 ; clejoux@agefi.fr ed : ECH